Anthropophagie

Quiz 25 questions. Montaigne Des cannibales I,31, anthropophagie

Quiz de 25 questions sur  Montaigne, les Essais, Des cannibales I,31, anthropophagie


     Ils ont leurs guerres contre les nations qui sont au-delà de leurs montagnes, plus avant en la terre ferme, auxquelles ils vont tout nus, n’ayant autres armes que des arcs ou des épées de bois, apointées par un bout, à la mode des langues de nos épieux. C’est chose émerveillable que la fermeté de leurs combats, qui ne finissent jamais que par meurtre et effusion de sang; car, de routes et d’effroi, ils ne savent que c’est. Chacun rapporte pour son trophée la tête de l’ennemi qu’il a tué, et l’attache à l’entrée de son logis. Après avoir longtemps bien traité leurs prisonniers, et de toutes les commodités dont ils se peuvent aviser, celui qui en est le maître fait une grande assemblée de ses connaissants; il attache une corde à l’un des bras du prisonnier, par le bout de laquelle il le tient, éloigné de quelques pas, de peur d’en être offensé, et donne au plus cher de ses amis l’autre bras à tenir de même; et eux deux, en présence de toute l’assemblée, l’assomment à coups d’épée.

    Cela fait, ils le rôtissent et en mangent en commun et en envoient des lopins à ceux de leurs amis qui sont absents. Ce n’est pas, comme on pense, pour s’en nourrir, ainsi que faisaient anciennement les Scythes; c’est pour représenter une extrême vengeance. Et qu’il soit ainsi, ayant aperçu que les Portugais, qui s’étaient ralliés à leurs adversaires, usaient d’une autre sorte de mort contre eux, quand ils les prenaient, qui était de les enterrer jusqu’à la ceinture, et tirer au demeurant du corps force coups de trait, et les pendre après, ils pensèrent que ces gens-ci de l’autre monde, comme ceux qui avaient semé la connaissance de beaucoup de vices parmi leur voisinage, et qui étaient beaucoup plus grands maîtres qu’eux en toute sorte de malice, ne prenaient pas sans occasion cette sorte de vengeance, et qu’elle devait être plus aigre que la leur, commencèrent de quitter leur façon ancienne pour suivre celle-ci.

     Je ne suis pas marri que nous remarquons l’horreur barbaresque qu’il y a en une telle action, mais oui bien de quoi, jugeant bien de leurs fautes, nous soyons si aveugles aux nôtres. Je pense qu’il y a plus de barbarie à manger un homme vivant qu’à le manger mort, à déchirer par tourments et par géhennes un corps encore plein de sentiment, le faire rôtir par le menu, le faire mordre et meurtrir aux chiens et aux pourceaux ( comme nous l’avons non seulement lu, mais vu de fraîche mémoire, non entre des ennemis anciens, mais entre des voisins et concitoyens,et, qui pis est, sous prétexte de piété et de religion), que de rôtir et manger après qu’il est trépassé.

Chrysippe et Zénon, chefs de la secte stoïque, ont bien pensé qu’il n’y avait aucun mal de se servir de notre charogne à quoi que ce fût pour notre besoin, et d’en tirer de la nourriture; comme nos ancêtres, étant assiégés par César en la ville de Alésia, se résolurent de soutenir la faim de ce siège par les corps des vieillards, des femmes et autres personnes inutiles au combat.

Les Gascons, dit-on, en se servant de tels aliments

Prolongèrent leur vie.

Et les médecins ne craignent pas de s’en servir à toute sorte d’usage pour notre santé, soit pour l’appliquer au-dedans ou au-dehors, mais il ne se trouva jamais aucune opinion si déréglée qui excusât la trahison, la déloyauté, la tyrannie, la cruauté qui sont nos fautes ordinaires.

     Nous les pouvons donc bien appeler barbares, eu égard aux règles de la raison, mais non pas eu égard à nous, qui les surpassons en toute sorte de barbarie. Leur guerre est toute noble et généreuse, et a autant d’excuse et de beauté que cette maladie humaine en peut recevoir; elle n’a autre fondement parmi eux que la seule jalousie de la vertu. Ils ne sont pas en débat de la conquête de nouvelles terres, car ils jouissent encore de cette uberté naturelle qui les fournit sans travail et sans peine de toutes choses nécessaires, en telle abondance qu’ils n’ont que faire d’agrandir leurs limites. Ils sont encore en cet heureux point de ne désirer qu’autant que leurs nécessités naturelles leur ordonnent; tout ce qui est au-delà est superflu pour eux.  

  • 1/ Du début...épieux". Le texte s'ouvre sur une description des pratiques guerrières

    Du début...épieux". Le texte s'ouvre sur une description des pratiques guerrières
  • 2/ Afin d'évoquer leur nudité "ils sont tout nus", Montaigne utilise le présent d'énonciation sans faire aucun jugement

    Afin d'évoquer leur nudité "ils sont tout nus", Montaigne utilise le présent d'énonciation sans faire aucun jugement
  • 3/ Quels adjectifs qualificatifs conviennent le mieux pour qualifier ce peuple guerrier?

    Quels adjectifs qualificatifs conviennent le mieux pour qualifier ce peuple guerrier?
  • 4/ Le traitement des prisonniers est une cérémonie codifiée. Les actions s'enchaînent toujours de la même façon

    Le traitement des prisonniers est une cérémonie codifiée. Les actions s'enchaînent toujours de la même façon
  • 5/ Le prisonnier est toujours bien traité. Les Amérindiens font preuve d'hospitalité. Sa mort est une action sociale

    Le prisonnier est toujours bien traité. Les Amérindiens font preuve d'hospitalité. Sa mort est une action sociale
  • 6/ L'anthropophagie est pour les Amérindiens un moyen de

    L'anthropophagie est pour les Amérindiens un moyen de
  • 7/ Dans le 1er mouvement du texte, Montaigne délaisse l'ethnocentrisme et le jugement de valeur Européen pour souligner le relativisme culturel

    Dans le 1er mouvement du texte, Montaigne délaisse l'ethnocentrisme et le jugement de valeur Européen pour souligner le relativisme culturel
  • 8/ Dans le second mouvement du texte, Montaigne évoque l'influence corruptrice des Européens

    Dans le second mouvement du texte, Montaigne évoque l'influence corruptrice des Européens
  • 9/ Montaigne donne tout d'abord la perspective des Amérindiens sur les Européens.. C'est le point de vue de l'autre monde

    Montaigne donne tout d'abord la perspective des Amérindiens sur les Européens.. C'est le point de vue de l'autre monde
  • 10/ Les Amérindiens se rendent compte de la cruauté des Européens. La torture est suivie de la mort "enterrer", "tirer", "pendre"

    Les Amérindiens se rendent compte de la cruauté des Européens. La torture est suivie de la mort "enterrer", "tirer", "pendre"
  • 11/ Les Européens sont perçus comme des hommes semant le vice

    Les Européens sont perçus comme des hommes semant le vice
  • 12/ "Malice", "vices", "aigre" = champ lexical du vice qui connote le jugement de valeur des Amérindiens à l'égard des Européens

    "Malice", "vices", "aigre" = champ lexical du vice qui connote le jugement de valeur des Amérindiens à l'égard des Européens
  • 13/ A ce stade du texte, il y a un renversement de préjugés. Les Amérindiens ont un bon sens du discernement. Ils font la différence entre le bien et le mal

    A ce stade du texte, il y a un renversement de préjugés. Les Amérindiens ont un bon sens du discernement. Ils font la différence entre le bien et le mal
  • 14/ "Nous soyons si aveugles aux nôtres". L'intensif "si" souligne l'erreur de jugement des Européens

    "Nous soyons si aveugles aux nôtres". L'intensif "si" souligne l'erreur de jugement des Européens
  • 15/ Les occidentaux sont les vrais barbares. Pour creuser le contraste entre les deux civilisation, Montaigne utilise

    Les occidentaux sont les vrais barbares. Pour creuser le contraste entre les deux civilisation, Montaigne utilise
  • 16/ Les Européens donnent aux chiens et aux pourceaux, les Amérindiens, aux amis

    Les Européens donnent aux chiens et aux pourceaux, les Amérindiens, aux amis
  • 17/ Cette première relativisation fait écho à la citation de Montaigne, "chacun qualifie de barbarie ce qui n'est pas de son usage"

    Cette première relativisation fait écho à la citation de Montaigne, "chacun qualifie de barbarie ce qui n'est pas de son usage"
  • 18/ Prise de position de Montaigne : l'argumentation passe par la concession devant l'horreur, verbes d'opinion + utilisation du "nous", "nôtre", intensif "si"

    Prise de position de Montaigne : l'argumentation passe par la concession devant l'horreur, verbes d'opinion + utilisation du "nous", "nôtre", intensif "si"
  • 19/ Le texte est un éloge des Amérindiens, de la description de leurs moeurs, il donne un modèle alternatif de valeurs et relativise les pratiques des uns et des autres

    Le texte est un éloge des Amérindiens, de la description de leurs moeurs, il donne un modèle alternatif de valeurs et relativise les pratiques des uns et des autres
  • 20/ "Barbare", "barbarie", "barbaresque" = l'idée de barbarie est utilisée par polyptote

    "Barbare", "barbarie", "barbaresque" = l'idée de barbarie est utilisée par polyptote
  • 21/ "Horreur barbaresque " est un

    "Horreur barbaresque " est un
  • 22/ Le connecteur logique d'opposition "en revanche" met en avant l'aveuglement des Européens"

    Le connecteur logique d'opposition "en revanche" met en avant l'aveuglement des Européens"
  • 23/ "Beaucoup plus experts qu'eux en toute sorte de malice." "Et qu'elle devait être plus désagréable que la leur" sont des comparatifs de supériorité :

    "Beaucoup plus experts qu'eux en toute sorte de malice." "Et qu'elle devait être plus désagréable que la leur" sont des comparatifs de supériorité :
  • 24/ Dans la première phrase du texte, on comprend que les Amérindiens sont situés en territoire inconnu grâce aux

    Dans la première phrase du texte, on comprend que les Amérindiens sont situés en territoire inconnu grâce aux
  • 25/ Dans la première phrase du texte, la négation "ne...que" est une négation d'exception. Elle montre que l'équipement est rudimentaire

    Dans la première phrase du texte, la négation "ne...que" est une négation d'exception. Elle montre que l'équipement est rudimentaire

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