Etude linéaire, Rabelais, Gargantua - Chapitre 13. Parcours, "Rire et savoir".

Problématique : Dans quelle mesure Rabelais met-il en lumière la prodigieuse ingéniosité de Gargantua qui revêt cependant un aspect grandement comique?

Rabelais 10

"La littérature d'idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle" Rabelais, "Gargantua" / Parcours : "Rire et savoir".

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Exercices bac français Rabelais Gargantua parcours "rire et savoir" . Evaluez votre niveau, testez vos connaissances-Progressez avec les exercices

Exercices 2

Exercices bac français Rabelais Gargantua Parcours "Rire et savoir" Littérature d'idées .Evaluez votre niveau, testez vos connaissances

Exercices bac français Rabelais Gargantua parcours "rire et savoir" . Evaluez votre niveau, testez vos connaissances-Progressez avec les exercices corrigés pour la classe de 1ère

Parcours "Rire et savoir" : Problématique possible du parcours : En quoi le rire nous éduque t'-il?

Parcours "Rire et savoir" 

RabelaisUne approche du savoir par le rire en rupture avec le Moyen-âge, c'est la naissance de l'humanisme

Problématique possible du parcours : 
En quoi le rire nous éduque t'-il? 

L'humanisme est un mouvement littéraire, culturel et artistique qui place l'homme au centre de toutes les préoccupations. L'éducation est essentielle tant au niveau intellectuel qu'au niveau de l'activité physique. 
La question du savoir dans Gargantua est donc le thème central du roman. L'homme est envisagé dans son rapport au savoir et le lecteur est invité à nourir sa reflexion personnelle sur le monde qui l'entoure dès le prologue. 
Rire et savoir sont associés dans les deux textes liminaires, l'adresse aux lecteurs et le prologue.
Placere = l'art de plaire et docere = le devoir d'éducation 
Le rire est au service du savoir, il favorise la complicité avec le lecteur qui, plus réceptif peut se pencher plus facilement sur les sujets sérieux. Le rire est donc une arme pour dénoncer, se moquer du faux savoir, des faux savants
Derrière le rire, l'oeuvre de Rabelais témoigne d'une grande érudition et soif de connaissance. 


Un rire démesuré, dénonciateur mais philosophique 
Une outil pédagogique 


Dès le prologue, l'humaniste invite le lecteur à dépasser le stade premier de la lecture comique afin d'en "sucer la substantifique moelle". Il faut cultiver un esprit joyeux, savoir rire : "Parce que rire est le propre de l'homme".
Le sens profond est donc à chercher, derrière le rire, le sérieux. On retrouve dans le roman les différents procédés comique, en particulier la farce et la scatologie ainsi que les jeux de mots. Le comique est pour l'essentiel un comique de situation et de mots. 
Le lecteur entre dans l'oeuvre de Rabelais par le rire mais ce dernier fait écho à l'étude et la réflexion. Le programme éducatif de Gargantua témoigne d'une grande soif de connaissance. L'approche du savoir est proposée de manière originale car elle doit ennivrer le lecteur comme un bon vin contrairement aux méthodes scolastiques austères basées sur l'apprentissage du par coeur, l'abstraction et le mépris du corps

Etude linéaire, Rabelais, Gargantua - Chapitre 13

RabelaisLecture du texte 
- Retournons, dit Grandgousier, à notre propos.
- Lequel ? demanda Gargantua. Chier ?
- Non, dit Grandgousier. Torcher le cul.
- Voulez-vous, demanda Gargantua, payer un tonneau de vin breton si je vous cloue le bec à ce sujet ?
- Oui, vraiment, répondit Grandgousier.
- Il n’est pas besoin, dit Gargantua, de se torcher le cul sauf s’il est sale. La saleté ne peut s’y trouver si on n’a pas chié. Il faut donc chier avant de se torcher le cul.
-Oh, dit Grandgousier, que tu as de l’esprit mon petit garçonnet. Par Dieu, je te ferai rapidement passer docteur en gaie science, car tu as plus d’intelligence que d’âge. Mais poursuis donc ce propos torche-culatif, je te prie. Et, par ma barbe, pour un tonneau, tu auras soixante fûts, je veux dire de ce bon vin breton, qui d’ailleurs n’existe pas en Bretagne mais en notre belle région du Véron.
- Je me torchai ensuite, dit Gargantua, d’un couvre-chef, d’un oreiller, d’une pantoufle, d’une gibecière, d’un panier (mais oh le mal plaisant torche-cul !), puis d’un chapeau. Et notez que parmi les chapeaux, certains sont faits d’un poil ras, d’autres de fourrure, de velours, de taffetas, de satin. Le meilleur de tous est celui qui est couvert de poils. Car il permet une très bonne absorption de la matière fécale. Puis je me torchai d’une poule, d’un coq, d’un poulet, de la peau d’un veau, d’un lièvre, d’un pigeon, d’un cormoran, du sac d’un avocat, d’une barbute, d’une coiffure ,d’un leurre.
Mais, pour conclure, je dis et maintiens qu’il n’existe pas de meilleur torche-cul qu’un oison au duvet abondant, à condition qu’on lui tienne bien la tête entre les jambes. Vous pouvez me croire sur l’honneur. Car vous sentez alors au trou du cul une volupté extraordinaire, tant par la douceur de ce duvet que par la chaleur tempérée de l’oison, qui se répand facilement dans tout le boyau du cul ainsi que dans les intestins, jusqu’à la région du cœur et du cerveau. 
Rabelais, Gargantua - Chapitre 13

RabelaisIntroduction 
Gargantua est un roman de l'humaniste Rabelais (1483-1553) paru en 1534. De ce second roman qui fait suite à Pantagruel, nous allons étudier un extrait du chapitre 13, épisode dit du "torche-cul", moment où Grandgousier s'émerveille de la grandeur d'esprit et de l'intelligence de son fils pour avoir inventé "le plus seigneurial" moyen de se "torcher le cul".  

Problématique : 
Dans quelle mesure Rabelais met-il en lumière la prodigieuse ingéniosité de Gargantua qui revêt cependant un aspect grandement comique? 


Mouvements 
Mouvement 1

L'émerveillement de Grandgousier devant l'intelligence de son fils 
Du début jusque "notre belle région du Véron."
Mouvement 2
Le compte-rendu des diverses expérimentations de Gargantua 
De "- Je me torchai ensuite... d'un leurre"
Mouvement 3
La conclusion péremptoire de Gargantua 
De "Mais pour conclure" jusqu'à la fin 

Mouvement 1 L'émerveillement de Grandgousier devant l'intelligence de son fils Du début jusque "notre belle région du Véron."

RabelaisMouvement 1
L'émerveillement de Grandgousier devant l'intelligence de son fils 
Du début jusque "notre belle région du Véron."

Ce mouvement s'ouvre sur un dialogue burlesque entre le père et le fils sur un thème surprenant et grossier, ce qui va susciter le rire. 
- "- Il n’est pas besoin, dit Gargantua, de se torcher le cul sauf s’il est sale. La saleté ne peut s’y trouver si on n’a pas chié. Il faut donc chier avant de se torcher le cul."
Syllogisme, raisonnement logique basé sur trois propositions.
Rabelais fait un usage provocateur de ce type de raisonnement, le champ lexical scatologique accentue l'aspect grossier et familier de la discussion. 
 Le discours logique porte sur des propos très grossiers. L'intérêt de cet échange se concentre sur la question suivante : "se torcher le cul". Le père, Grandgousier crée un effet comique par sa réplique : "-Oh, dit Grandgousier, que tu as de l’esprit mon petit garçonnet". Les interjections "Oh" et "Par Dieu" associées au vocabulaire mélioratif "esprit", "intelligence" soulignent l'opposition entre grotesque du sujet qui provoque le rire et le savoir connoté par la réplique du père. Par ce contraste entre le rire et le savant, le lecteur comprend qu'il s'agit d'une parodie du discours du savant encore soulignée par la disproportion entre les répliques de Gargantua et celles du père émerveillé par le savoir de son fils. 
La satire de la Sorbonne est clairement suggérée par le décalage entre la nature du sujet et le titre de docteur. 
"Par Dieu, je te ferai rapidement passer docteur en gaie science, car tu as plus d’intelligence que d’âge. " 
 

Mouvement 2 Le compte-rendu des diverses expérimentations de Gargantua De "- Je me torchai ensuite... d'un leurre"

RabelaisMouvement 2
Le compte-rendu des diverses expérimentations de Gargantua 
De "- Je me torchai ensuite... d'un leurre"

- Les éléments testés durant l'expérimentation sont énumérés. Par l'incise "dit Gargantua", le fils confie ses expérimentations menées à son père. Il emploie le terme "torcher", vocabulaire grossier créant un effet de comique dès la première phrase du deuxième mouvement. On retrouve le Gargantua très mal élevé du chapitre 11.
-  L'énumération relative au meilleur des "torche-culs" s'ouvre sur cinq groupes prépositionnels, "d'un couvre-chef, d'un oreiller, d'une pantoufle, d'une gibecière, d'un panier". Les objets sont détournés de l'usage recherché, cette énumération fantaisiste provoque le rire, elle reflète l'imagination de son auteur en pleine ivresse verbale. Une certaine cohérence apparaît malgré tout si l'on classe les premiers éléments qui sont en lien avec la tête mais détournés de leur usage premier dans une transgression volontaire provoquant le rire. 
- La conjonction de coordination "Mais" de la phrase suivante marque une opposition à la précédente dans le sens d'un constat d'échec, "Mais quel déplaisant torche-culs!". La notion recherchée par l'enfant est le plaisir contrarié par le préfixe de la privation "de" et du radical "plaire", "déplaisant" et renforcée par la forme exclamative. Le bilan des essais menés est négatif du point de vue de l'expérimentation mais scientifiquement intéressante et de l'effort mené dans sa quête de satisfactions sensuelles. 
- La 3ème phrase s'ouvre sur une nouvelle énumation dominée par l'anaphore "les autres" : "Puis d'un chapeau, et notez que les chapeaux sont les uns ras, les autres velus, les autres veloutés, les autres en taffetas, les autres satinés". Le témoignage de l'emploi d'un chapeau se fait sur la base d'un agencement d'expansions nominales dont les sonorités sont reprises dans l'expansion qui précédente : "velus, veloutés, taffetas, satinés". 
- Cette allusion au chapeau riche par ses sonorités et l'esthétique des mots s'éloigne du sujet d'origine et semble être une pure création esthétique de Rabelais au sens poétique du terme et celui de la langue française avec l'emploi de l'adjectif "satiné" par exemple seulement apparu en français pour la première fois dans ce roman. 
- Gargantua poursuit son expérimentation, il teste, il nomme et s'empare des différents éléments du monde qu'il confronte proposant ainsi de théoriser sa connaissance des choses et du monde.  
- Ainsi la conclusion est la suivante : "Le meilleur de tous est celui de fourrure". Par le superlatif, il revient au sujet d'origine en précisant quel chapeau utiliser comme "torche-cul", "celui de fourrure".  La cause est exposée par la conjonction de coordination "car", "il enlève très bien la matière fécale". 
- Malgré tout, la recherche se poursuit et s'oriente vers des éléments insolites : "Puis me torchai d'une poule, d'un coq, d'un poulet de la peau d'un veau, d'un lièvre, d'un pigeon, d'un cormoran, d'un sac d'avocat, d'un capuchon, d'une coiffe, d'un leurre emplumé". Les premiers termes évoquent le monde animal, les suivants suggèrent les avocats, les moines avec "le capuchon", les fauconniers par "le leurre emplumé". 
- Le comique domine et la variété des éléments le renforce encore par les détournements proposés. 

 

Mouvement 3 La conclusion péremptoire de Gargantua De "Mais pour conclure" jusqu'à la fin

RabelaisMouvement 3
La conclusion péremptoire de Gargantua 
De "Mais pour conclure" jusqu'à la fin 

- Ce dernier mouvement entre en opposition avec ce qui précède par la conjonction de coordination "mais" : "Mais en conclusion je dis et maintiens qu'il n'y a pas de torche-cul supérieur à un oison bien en duvet, pourvu qu'on lui tienne la tête entre les jambes". Par le style indirect, les paroles rapportées annoncent par les deux verbes de parole, dire et maintenir, "je dis et maintiens", la conclusion de l'expérience menée par Gargantua. "L'oison bien en duvet" est le torche-cul idéal comme le précise l'expansion du nom "bien en duvet". Le contraste suggéré entre la destination de l'oison et sa pureté, un animal qui vient de naître, peut surprendre et faire rire le lecteur d'autant plus que la deuxième proposition "pourvu qu'on lui tienne la tête entre les jambes" est évocatrice d'images insolites, voire obscènes. 
- Le discours argumentatif de Gargantua se poursuit sur le mode comique et avec la même démarche scientifique : "Et vous pouvez me croire sur mon honneur" : il fait valoir la dignité morale et s'adresse par la deuxième personne du pluriel à son père afin qu'il adhère à ses recherches menées avec un grand savoir-faire. 
- La raison en est donnée dans la phrase suivante, annoncée par la conjonction de coordination "car vous sentez au trou du cul une volupté mirifique, tant de la douceur de ce duvet que la douce chaleur de l'oison, qui se communique facilement au boyau culier et autres viscères, jusqu'à monter à la région du coeur et du cerveau". La notion de plaisir du début de texte fait écho à ce passage, on retrouve le champ lexical des sens "sentez, douceur, duvet, chaleur".  Gargantua valorise l'homme dans son aspect charnel. 
- Le comique est assuré par le champ lexical du bas-corps "trou du cul", "boyau culier" et contraste avec le "coeur" et le "cerveau". Il est ici question de l'homme capable de sentiments par le "coeur" et de raison, par le "cerveau". 
 

Conclusion 
Ainsi, derrière le comique du passage basé sur le scatologique, thème trivial et la dérision du texte, le message profond de Rabelais invite l'homme à réfléchir sur le sens de son rapport au monde car les éléments symboliques ont un sens caché. L'anecdote anodine soulève des questionnements qui alimentent les penseurs humanistes sur les thèmes de l'éducation, de la pédagogie et notre expérience directe avec le monde en passant par une démarche scientifique (permettant un rapport direct aux choses par l'expérimentation et les sens) jusqu'à la conclusion des expérimentations menées. 
Ouverture 
Si le prologue invite déjà le lecteur à réfléchir sur le sens caché des choses, l'abbaye de Thélème à la fin du roman tente de répondre aux questions du lecteur. 
 

Rabelais, "Gargantua" / Parcours : "Rire et savoir"/ Parcours : "La bonne éducation". bac 2024

Date de dernière mise à jour : 10/10/2023

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