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Commentaire de la scène finale, Pour un oui ou pour un non, Nathalie Sarraute. Une scène de rupture, négation de l'altérité.

Commentaire, la scène finale 

I - Deux univers - II. Une commune envie de rompre un accord paradoxal - III - La fin de la pièce

 

Pour un oui ou pour un nonObjet d'étude :  Le théâtre du XVII au XXI°s 

 

 

  • Oeuvre : Nathalie Sarraute, Pour un oui ou pour un non
  •  Parcours bac : "Théâtre et dispute"

 

Problématique de l'oeuvre:

 Comment faire voir et entendre non seulement le langage mais aussi l'indicible ?

Perspectives : 

Détournement des conventions théâtrales, l'écriture de Sarraute et les tropismes

 

Analyse de la scène finale

 

Lecture du passage :

H.1.- Oui... il me semble que là où tu es tout est... je ne sais pas comment dire... inconsistant, fluctuant... des sables mouvants où l'on s'enfonce... je sens que je perds pied... tout autour de moi se met à vaciller, tout va se défaire... il faut que je sorte de là au plus vite... que je me retrouve chez moi où tout est stable. Solide.

H.2.-Tu vois bien... Et moi... eh bien, puisque nous en sommes là... et moi, vois-tu, quand je suis chez toi, c'est comme de la claustrophobie... je suis dans un édifice fermé de tous côtés... partout des compartiments, des cloisons, des étages... j'ai envie de m'échapper... mais même quand j'en suis sorti, quand je suis revenu chez moi, j'ai du mal à... à...

H.1.-Oui? du mal à faire quoi?

H.2.- Du mal à reprendre vie... parfois encore le lendemain je me sens comme un peu inerte... et autour de moi aussi... il faut du temps pour que ça revienne, pour que je sente ça de nouveau, cette pulsation, un pouls qui se remet à battre... alors tu vois...

H.1.-Oui. Je vois. Un silence. A quoi bon s'acharner ?

H.2.-Ce serait tellement plus sain...

H.1.-Pour chacun de nous... plus salutaire...

H.2.-La meilleure solution...

H.1.- Mais tu sais bien comment nous sommes. Même toi, tu n'as pas osé le prendre sur toi.

H.2.-Non. J'ai besoin qu'on m'autorise.

H.1.-Et moi donc, tu me connais... Un silence Qu'est-ce que tu crois... si on introduisait une demande... à nous deux, cette fois... on pourrait peut-être mieux expliquer... on aurait peut-être plus de chances...

H.2.-Non... à quoi bon? Je peux tout te dire d'avance... Je vois leur air... «Eh bien, de quoi s'agit-il encore? De quoi? Qu'est-ce qu'ils racontent? Quelles taupes? Quelles pelouses? Quels sables mouvants? Quels camps ennemis? Voyons un peu leurs dossiers... Rien... on a beau chercher... examiner les points d'ordinaire les plus chauds... rien d'autre nulle part que les signes d'une amitié parfaite...»

H.1.- C'est vrai.

H.2.- «Et ils demandent à rompre. Ils ne veulent plus se revoir de leur vie... quelle honte... »

H.1.- Oui, aucun doute possible, aucune hésitation : déboutés tous les deux.

H.2.-«Et même, qu'ils y prennent garde... qu'ils fassent très attention. On sait quelles peines encourent ceux qui ont l'outrecuidance de se permettre ainsi, sans raison... Ils seront signalés... on ne s'en approchera qu'avec prudence, avec la plus extrême méfiance... Chacun saura de quoi ils sont capables, de quoi ils peuvent se rendre coupables : ils peuvent rompre pour un oui ou pour un non.»

H.1.- Pour un oui... ou pour un non? Mise en scène du langage Un silence

H.2.-Oui ou non?...

H.1.-Ce n'est pourtant pas la même chose...

H.2.-En effet : Oui. Ou non.

H.1.-Oui.

H.2.-Non!

 

Nathalie sarrauteLes repérages : travail au brouillon en vue d'un commentaire littéraire ou linéaire

Etude de la scène finale :

 

C'est en 1939, que Nathalie Sarraute fait publier Tropismes ce qui vaut à son auteur d'être considérée à l'instar d'Alain Robbe-Grillet, de Michel Butor et de Claude Simon  comme un écrivain du Nouveau Roman.

Influencée par Marcel Proust, James Joyce et Virginia Woolf, elle rejette les conventions traditionnelles du roman héritées du réalisme avec Balzac, Stendhal et du naturalisme avec Zola, Maupassant, pour analyser dans Tropismes les imperceptibles réactions physiques, spontanées que suscitent les règles sociales et langagières. 
"Mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir". 

Attachée à débusquer ces mouvements intérieurs qu'elle appelle tropismes, Sarraute a distingué dans ses romans, la conversation, c'est-à-dire les phrases réellement prononcées et notées entre guillemets, de la sous-conversation, dans laquelle elle tente de cerner les impressions à peine perceptibles que provoquent ce qui est dit, de donner forme, par le langage et malgré le langage, à l'innommable.

Pour un oui ou pour un non est une pièce de théâtre crééé comme pièce radiophonique, 1981, publiée en 1982 et représentée au théâtre dès 1986. C'est la pièce la plus jouée de l'écrivaine. Elle ne comporte en fait que deux personnages : H1 et H2 (F et H3 ne font que passer). Le passage que nous allons étudier est la scène finale. 

  • Problématique :
  • Cette scène est-elle une scène de rupture ou de réconciliation ?

 

I. Deux univers

- D'après H1 : Dans le monde de H2,  tout vacille ainsi que le suggère "sable mouvant"

- C'est instable, il y a un manque de repères "inconsistant" ce qui provoque une impression de malaise, d'inquiétude "inconsistant fluctuant... des sables mouvants", nous avons une définition des tropismes

- H2 n'arrive pas à se tenir à la surface, il explore les tropismes. L'impression de monde sans repères domine

- H2 rejette les étiquettes, cherche la petite bête ce qui inquiète H1 

- D'après H2 : Dans le monde de H1 tout a une place, tout est casé, bien nommé. Pas de place pour le non dit, c'est à l'origine d'une impression de claustrophobie, d'étouffement "édifice fermé de tous les côtés " à l'image de piège qui rappelle les scènes précédentes. Lorsqu'il est chez H1, H2 semble mourir, c'est mortifère

- Suspens : ça s'arrête. C'est une façon d'écraser la vie, de tout ce qui est "un poul qui se remet à battre", " la vie est là"

- La scène assure la clôture de la pièce : en revenant sur les choses essentielles.

- H1 : Il est l'homme du "oui", il joue le jeu par l'acceptation des relations amoureuses, familiales. Il est marié avec enfants. Sa femme : Jeanine

- H2 : Il est l'homme du "non" . Célibataire, vit seul hors des catégories, ne veut pas être poète, ni ne veut faire carrière. Il travaille juste pour pouvoir vivre c'est pourquoi il est moins sociable et a moins de relations. Il est en retrait tandis que H1 fait carrière. Il parle de ses promotions. On a 2 univers qui s'opposent, bien posés dans ce passage avec une grande imperméabilité entre les 2 personnes. Les gens se rejoignent, nous n'avons pas de sentiment d'identité. Au fond, ils sont tous pareils.

II. Une commune envie de rompre un accord paradoxal

- Parfois, ils parlent ensemble, ils disent la même chose. "ce serait tellement plus simple" = "plus salutaire" ils complètent les phrases l'un de l'autre, se poussent à parler "j'ai du mal à ..." "oui du mal à faire quoi?" "alors tu vois ?" "oui je vois"

- C'est une sorte de duo harmonieux Plusieurs fois ils s'approuvent " c'est vrai" "oui je vois", "oui aucun doute possible", "aucune hésitation", "en effet" = Cela souligne le fait qu'ils se ressemblent tous les deux "comment nous sommes", il y a une égalité, une similitude.

- Ils sont opposés sur  la question des tropismes, mais les gens sont  assez semblables. 1ère fois où il y a "nous" qui veut dire toi + moi. Avant "nous"  signifiait "nous en sommes là"

- Ils sont un peu pareils. Cela  souligne la différence de tempérament chez l'un et l'autre, "même toi", "et moi donc", "tu me connais". C'est une référence à leur amitié de longue date.  Il existe  de connivence manifeste entre les deux hommes  = Ils décident ensemble, H1  propose de faire une demande conjointe "si on introduisait une demande à nous deux" :  C'est lui  qui avait dit à H2, on peut refaire une demande mais cette fois avec une insistance sur ensemble. "tous les deux" 

- Ils s'imaginent accusés tous les 2, "ils peuvent rompre pour un oui ou pour un non" --> lorsque H2 racontait à H1 le casier d'H2,  H2 dissuade son ami en lui disant que ce n'est pas une bonne idée de faire une demande "c'est dangereux", "non à quoi bon? Je peux tout te dire d avance".   Le tribunal est la métaphore de l'idée commune. Ce qu'ils racontent depuis le début de la pièce : On entend dans la dernière scène des choses que l'on a entendues tout au long de la pièce. Pour la pensée commune, le tropisme n'existe pas, la pièce serait sur rien du tout et ils disent n'importe quoi. Ils pourraient être alors condamnés. La phrase incomplète est une façon de dire ce qui relève de l'indicible

III - La fin

- Qui gagne ?

- H2 triomphe car il est contaminé par le  tropisme de l'autre. Il a eu son explication mais a perdu son innocence vis-à-vis du tropisme.

- Ils déconstruisent l'expression pour un oui ou pour un non =  Oui et non sont des contraires,  "ça n'est pourtant pas la même chose". 

- À la fin de la pièce, on a un retour très appuyé sur le titre H1 dit oui, H2 dit non =  C'est une véritable opposition mais on peut aussi penser que c'est une plaisanterie, que la pièce n'est pas finie et que la conversation pourrait reprendre.

Conclusion:

C'est un statut quo : les deux personnages veulent rompre mais ne le peuvent pas.

Cette ouverture sur les tropismes, l'en deçà du langage peut apparaître comme une parenthèse et la conversation pourrait bien reprendre.

 

 

Pour un oui ou pour un non

 

As-tu bien compris? 

 

Questionnaire sur la scène finale :

 Tu peux t'entraîner à retrouver les réponses dans le commentaire après avoir répondu aux questionnaires sur la vie, l'oeuvre de Nathalie Sarraute et sur le Nouveau Roman 

 

I. Deux univers

  • Quel point de vue H1 a t’-il sur le monde de H2?
  • Relevez les expressions et adjectifs qui représentent le monde de H2
  • Quelle impression domine?
  • Comment H2 explore t’-il les tropismes?
  • Comment H1 perçoit-il ce monde?
  • Quel point de vue H2 a t’-il sur le monde de H1?
  • Ce monde laisse t’-il place au non-dit?
  • Quelle impression domine?
  • Quelles scènes l’image du piège rappelle t’-elle?
  • Expliquez la phrase : «un pouls qui se remet à battre»
  • Comment la scène se clôture t’-elle?
  • Citez pour justifier votre réponse
  • Pourquoi peut-on dire que H1 est l’homme du « oui »?
  • Pourquoi peut-on dire que H2 est l’homme du « non »?
  • Malgré l’opposition des deux univers, peut-on dire qu’il y ait une grande imperméabilité entre les deux personnages?
  • Expliquez en quoi

 

II. Une commune envie de rompre un accord paradoxal

  • Relevez les expressions qui soulignent le duo harmonieux entre les deux personnages à travers le langage
  • Tentent -ils de communiquer vraiment?
  • Comment la similitude entre les deux hommes est-elle posée?
  • Analysez l’énonciation
  • Que traduit-elle? Citez pour justifier votre réponse
  • Relevez les expressions qui mettent en avant les différences entre les deux hommes
  • Relevez celles qui soulignent la connivence
  • Expliquez la phrase «pour un oui, pour un non»
  • Que signifie la métaphore du tribunal?
  • Comment l’indicible se traduit-il dans ce passage?
  • Le tropisme existe t-’il pour la pensée commune?

 

III - La fin

  • Qui triomphe de H1 et H2?
  • Qui est contaminé par le tropisme de l’autre?
  • Peut-on penser que H1 et H2 déconstruisent l’expression «pour un oui pour un non»?
  • Justifiez le retour au titre dans la scène finale
  • Expliquez et justifiez en citant
  • La fin est-elle une fin ouverte? Expliquez

 

Conclusion :

  • En quel sens peut-on dire que cette scène finale soit un statut quo?
  • Comment comprenez-vous cette ouverture sur les tropismes?

 

 

Pour un oui ou pour un non, Nathalie Sarraute. Parcours bac, "théâtre et dispute"

Nathalie Sarraute

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