Nathalie sarraute

"Théâtre et dispute", Pour un oui ou pour un non, Nathalie Sarraute. En quoi le théâtre est-il le lieu par excellence de la dispute?

Pour un oui ou pour un non, "théâtre et dispute"

Pour un oui ou pour un non

 

 

Qui est Nathalie Sarraute? 

Nathalie Sarraute  née le 18 juillet 1900 en Russie et morte en 1999 à Paris est une écrivaine et avocate, l'une des figures du Nouveau Roman.

Dès 1939,  Nathalie Sarraute fait publier Tropismes ce qui vaut à son auteur d'être considérée à l'instar d'Alain Robbe-Grillet, de Michel Butor et de Claude Simon  comme un écrivain du Nouveau Roman.

Influencée par Marcel Proust, James Joyce et Virginia Woolf, elle rejette les conventions traditionnelles du roman héritées du réalisme avec Balzac, Stendhal et du naturalisme avec Zola, Maupassant, pour analyser dans Tropismes les imperceptibles réactions physiques, spontanées que suscitent les règles sociales et langagières. 
"Mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de la conscience ; ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir". 

L'Ere du soupçon en 1956 s'inscrit dans cette démarche d'être un manifeste du Nouveau Roman. Il lui faudra attendre la publication de Martereau en 1953 pour commencer à connaître le succès, 1959 avec Planétarium avant de s'essayer aux pièces radiophoniques en 1964 avec Le Silence, en 1966 avec Le Mensonge, Isma ou ce qui s'appelle rien en 1970, C'est beau en 1993, Elle est là en 1980 et Pour un oui ou pour un non en 1982. Son oeuvre autobiographique, Enfance, sous la forme d'un dialogue théâtral sera publié en 1983 sous la forme d'une écriture à deux voix. 

Pour un oui ou pour un non est une pièce de théâtre de Nathalie Sarraute, créée comme pièce radiophonique en décembre 1981, publiée en 1982 et représentée pour la première fois au théâtre en 1986.

C'est la pièce la plus jouée de Nathalie Sarraute, avec plus de 600 représentations professionnelles depuis sa création.

Comment résumer la pièce?

"C'est bien...ça"

Au cours d'une conversation entre deux amis, H1 et H2,  l'un complimente l'autre en prononçant les mots « C'est bien, ça ».

La conversation devient alors un débat, puis un conflit, en se développant autour de l'interprétation de cette formule, trois mots dérisoires, du ton sur lequel elle a été prononcée et de ses connotations plus ou moins implicites. La phrase anodine se charge de tropismes, d'interprétations, de jugements et met l'amitié des deux hommes en péril. 

Le titre 

"Pour un rien"

L'amplification des petits conflits, de cette "lutte à mort", de ce "combat sans merci"  autour de la petite phrase fait écho au titre,  au duel verbal des protagonistes H1 et H2 car l'intonation avec laquelle elle est prononcée  se charge de toutes les connotations possibles dans un dialogue qui ne parvient pas à dénouer la crise dont le titre traduit la portée.  "Pour un oui ou pour un non" signifie "pour un rien", sans raison ou pour une raison futile. 

Les personnages

Un simple support du langage

Pour un oui ou pour un non met en scène quatre personnages, sans noms : H1, H2, H3, et F. H : signifiant homme, et F: signifiant femme. La pièce dévoile des entités indéfinies, pas d'identité, pas de personnalité. A l'image du oui et du non, ces deux personnages, H1 et H2, amis de longue date,  sont en fait le revers d'une même médaille. Simple support du langage, les personnages se disputent sur une scène vide, épurée, au décor absent pour valoriser la parole dans une pièce dont l'intrigue ne porte que sur la parole. 

Pour un oui ou pour un non 

De la conversation à la "sous-conversation"

C'est une pièce radiophonique publiée en 1982 qui explore les tropismes et dévoile un théâtre nouveau, celui de la sous-conversation autour des non-dits, de l'indicible, de l'implicite. 

Tout le drame de cette pièce tient en trois mots, une petite phrase bien banale chargée de connotations qui est au coeur de l'intrigue. Les phrases d'apparence anodine sont interprétées dans le but d'en extraire le sens caché de chaque mot, les malentendus les plus implicites, les silences les plus révélateurs. Ces sous-entendus à l'origine du duel verbal intensifient la violence du conflit. Toujours soucieux d'interpréter les intentions de l'autre, H1 et H2 livrent leur combat dans la plus grande adversité, se prêtent des intentions qui parfois n'existent pas. Ils finissent par s'enfermer dans leur monde respectif dans la négation de l'altérité ainsi que le suggère la scène finale. Le monde de H1 n'est pas compatible avec celui de H2 et ce dernier ne s'ouvre pas plus au mode de vie de son ami car le pouvoir des non-dits est plus destructeur, plus destabilisant que les mots dits. Dans cette impossibilité de dire, les personnages s'enferment dans une communication en deça des mots laissant les interprétations autour des silences créer des tensions de plus en plus manifestes et violentes détruire une amitié pourtant précieuse que même le voisin, troisième personnage ne parvient pas à canaliser. Sa médiation ne fait que renforcer les malentendus. 

Fissure relationnelle, point de rupture radical, négation totale de l'autre sont les points essentiels de la pièce de Nathalie Sarraute pour qui les non-dits ont plus de pouvoir que ce qui est dit. 

Une écriture fragmentée 

Une écriture liée à l'affectivité qui peine à définir

Des points de suspension (aposiopèses) pour accueilir les non-dits, mettre en avant les mots qui se perdent dans des phrases inachevées sont caractéristiques de la ponctuation de Nathalie Sarraute.

  • L'aposiopèse 
  • Définition : suspension du discours au moyen du signe de ponctuation 
     

Dans la petite phrase à l'origine du conflit, l'intervalle entre "c'est bien" et "ça"  est marqué par les points de suspension, il traduit un temps, un étirement, un allongement. 

⦁    H2. Soupire - Pas tout à fait ainsi... il y avait entre "C'est bien" et "ça" un intervalle plus grand : "C'est biiien.... ça". Un accent mis sur "bien".... un étirement : "biiien..." et un suspens avant que "ça" arrive... ce n'est pas sans importance... 

Tirets, deux points, points de suspension sont à l'image d'une écriture fragmentée enrichie par le fréquent recours à l'indéfini, "quelque chose", "rien", "on", pour traduire la fragmentation encore renforcée par le recours aux énumérations. 

Une mise en scène de l'incommunicabilité en épanorthoses, de nombreuses phrases juxtaposées sans connecteur logique, des interrogations, des négations, un langage parlé, l'efficacité de parole sarrautienne est remise en question.

 

 

Pour un oui ou pour un non / parcours bac
"Théâtre et dispute" 

 

⦁    En quoi le théâtre est-il le lieu par excellence de la dispute? 

⦁    En quoi la dispute occupe t'-elle une place privilégiée au théâtre? 

Tropismes

 

Le théâtre


Dans Pour un oui ou pour un non, Nathalie Sarraute propose un nouveau théâtre qui ne privilégie plus l'aspect visuel mais la parole. 

Contrairement à la tradition littéraire, le dialogue ne recherche pas la vraisemblance mais une mise en scène des tropismes.

Nathalie Sarraute propose une réflexion sur les pouvoirs du langage, une représentation des tropismes de son ouvrage fondateur du Nouveau Roman Tropismes en date de 1999. 
Les tropismes sont ainsi définis : "Ce sont des mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience : ils sont à l'origine de nos gestes, de nos paroles, des sentiments que nous manifestons que nous croyons éprouver et qu'il est possible de définir". 

Nathalie Sarraute explore le domaine  de l'indicible. Paradoxalement, le langage littéraire n'est pas dénué de signification, elle s'exprime par la sous-conversation au point que la communication révèle l'incommunicable. 

Derrière les conventions langagières se dévoilent la complexité des rapports humains et des sentiments parfois violents que Nathalie Sarraute tente de décrire. 

 

"Je parle aux comédiens des tropismes"
Nathalie Sarraute - Entretien avec Claude Régy, 1999

 

Nathalie sarraute

Dispute 


Dans l'antiquité, l'action d'une pièce "agôn" dans le théâtre grec signifie "la lutte", "le combat". Âgon  désigne le théâtre lui-même au sens d'un lieu privilégié de la dispute, de l'affrontement. 

Un théâtre de mise en situation de conflit

Un logodrame

"C'est un théâtre du langage. Il produit à lui seul l'action dramatique véritable, avec des péripéties, des retournements, du suspense, mais une progression qui n'est produite que par le langage".
La pièce de Nathalie Sarraute explore limites du langage par la représentation des tropismes, c'est un théâtre de mise en situation de conflit avec l'autre.

"C'est bien... ça..."
La fameuse phrase à l'origine de la dispute entre H1 et H2. "C'est bien ça", la réplique condescendante de H1 à H2 met l'amitié des deux hommes en péril. Trois mots à l'origine du drame entre les deux personnages, ils prennent en compte le rapport entre ce qui est dit et la manière dont ils sont prononcés. 
"C'est bien... ça...", cet énoncé anodin est à l'origine d'une dispute disproportionnée dans la pièce de Nathalie Sarraute. 

 

« Il faut aller au théâtre comme on va à un match de football, de boxe, de tennis. Le match nous donne en effet l'idée la plus exacte de ce qu'est le théâtre à l'état pur : antagonismes en présence, oppositions dynamiques, heurts sans raison de volontés contraires. »

Eugène Ionesco, Notes et contre-notes.

 

Sarraute e book

 

Pour aller plus loin dans l'étude de l'oeuvre et du parcours bac "théâtre et dispute"

*** Consultez l'analyse de la pièce Pour un oui ou pour un non

Première partie : Pour un oui ou pour un non dans l'œuvre de Nathalie Sarraute

  • ⦁    1 - Contexte biographique et littéraire
  •     Qui est Nathalie Sarraute?
  • ⦁    2 - Pour un oui ou pour un non
  •     Une pièce radiophonique, un théâtre de la parole
  •     Le titre - Fiche d'identité de la pièce
  •     «C'est bien ça» : trois mots à l'origine du drame
  •    Une pièce pour s'interroger sur la finalité de l'écriture
  •    Une pièce d'actualité
  • ⦁    3 – Les enjeux de l'écriture
  • ⦁    Une quête de l'indicible et de l'inénarrable
  •    Dissolution des personnages, un support du langage
  •    Le pouvoir signifiant de la ponctuation
  •    Une écriture fragmentée : les points de suspension
  •    L'aposiopèse
  •    Les deux points – Le tiret
  •    Le recours à l'indéfini
  • ⦁    Des objets difficiles à identifier. Une logique énonciative
  •    Mise en scène de l'incommunicabilité. L'épanorthose.
  •    Le dialogue sarrautien
  • ⦁    Une quête des tropismes et de la «sous-conversation»
  • ⦁    L'efficacité de la parole est remise en question
  •    Le tropisme devient moteur de l'action
  •    H1 et H2, le cliché du bonheur. Une «sous-conversation»
  •    Point méthode pour le commentaire
  • ⦁    Comment analyser la «sous-conversation»?


 Deuxième partie : Pour un oui ou pour un non dans le parcours bac «Théâtre et dispute»
Dramaturgie // Scénographie

  • ⦁    1-  Le parcours bac et les enjeux
  •    Problématiques du parcours
  • ⦁    2-  Définition des notions
  •    «Théâtre et dispute»
  •     3 - De la scène d'ouverture à la scène finale
  •    De l'adversité à la négation de l'altérité
  • ⦁    4 - Le dialogue mis à l'épreuve sur scène
  •    Comment le conflit se traduit-il sur scène?
  •    La scène, un espace approprié au conflit
  •    Le théâtre est déjà une représentation
  •    L'acteur donne vie au texte sur scène, il le rend visible
  • ⦁    Variations scéniques autour de Pour un oui ou pour un non
  •    La mise en scène de Jacques Lassalle
  •    La mise en scène de Simone Benmussa
  •   La mise en scène de Philippe Carbonneaux
  • ⦁    5 – Prolongements : le parcours associé
  • ⦁    «Théâtre et dispute» // Enjeux et thématiques
  •    La théâtralité de la dispute dans le théâtre classique

Consulter l'analyse de la pièce de Nathalie Sarraute 

 

 

⦁    En quoi le théâtre est-il le lieu par excellence de la dispute?  ⦁    En quoi la dispute occupe t'-elle une place privilégiée au théâtre? 

Nathalie Sarraute

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