Etude littéraire Oh les beaux jours ! Beckett, début de l'Acte II : "Willie invisible... » à « ...Mon Willie ! (Un temps. Plus fort.) Willie !»

Samuel Beckett, "Oh ! les beaux jours" / parcours : Un théâtre de la condition humaine. Bac de français programme 2020 Bac général, technologique

Beckett

Objet d'étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle Samuel Beckett, Oh ! Les Beaux jours / parcours : Un théâtre de la condition humaine. Bac général

Classe de première bac général  -  Adaptable en voie technologique

 

 

La portée du titre de l'oeuvre de BECKETT

Découvrez comment exploiter à l'oral et à l'écrit la symbolique du titre "Oh les beaux jours".

PARCOURS BECKETT

Découvrez dans cet épisode ce que vous devez retenir du parcours " Le théâtre de la condition humaine".

 

 

Objet d'étude : Le théâtre du XVIIe siècle au XXIe siècle

  • Samuel Beckett, Oh ! Les Beaux jours / parcours : Un théâtre de la condition humaine. Série générale, adaptable en série technologique. oh_les_beaux_jours_de_beckett.pdf

Séquence 1

Extrait 1 : Ionesco, Rhinocéros (1959)

Le monologue final de Bérenger « BERENGER - (Il retourne vers la glace.) Un homme n'est pas laid, un homme n'est pas laid ![…] Je ne capitule pas ! – Rideau »

Problématique Pourquoi parler tout seul ?

Extrait 2 : Beckett, En attendant Godot (1952),

Le monologue de Lucky : «LUCKY (débit monotone) : Etant donné l'existence telle qu'elle jaillit des récents travaux publics de Poinçon et Wattmann d'un Dieu personnel […] Inachevés ». Problématique Soliloque ou solipsisme ?

Extrait 3 : Koltès, La nuit juste avant les forêts (1977)

Extrait retenu : (Références éditions de Minuit, 2005) De « rien de plus facile à trouver qu’une chambre pour une nuit» p.8 à « je n’aime pas ce qui vous rappelle que vous êtes étranger, pourtant, je le suis un peu, c’est certainement visible, je ne suis pas tout à fait d’i ci », p. 10

Problématique La solitude de la condition humaine ?

Séquence 2

Extrait 1 : de la page 12 « Une sonnerie perçante se déclenche…« à «… fournaise d’infernale lumière», p. 15»

Problématique possible :ressassement d’une vieille femme ou mise en scène d’une agonie?

Extrait 2 : de la page 26 « ah oui si seulement je pouvais supporter d’être seule… » à la page P 29 « …le temps est à Dieu et à moi ».

Problématique possible : «parler dans le désert», est-ce gagner du temps?

Extrait 3 : Du début de l’acte 2 (p. 59) jusque page 61 « ..et pas un mot de vrai nulle part. »

Problématique possible : Parler c’est exister ?

oh_les_beaux_jours_de_beckett.pdf

Problématique : Comment faire voir et entendre non seulement le langage mais aussi l'indicible ?

Mise en scène du langage

Problématique : Comment faire voir et entendre non seulement le langage mais aussi l'indicible ?

Objet d'étude : Le texte théâtral et sa représentation

Perspectives: Détournement des conventions théâtrales dans le théâtre de l'absurde de Beckett 

 

 

A consulter 

Autre commentaire du début de l'acte II, Beckett, Oh les beaux jours

Le commentaire littéraire de l'acte I 

Questionnaires bac 2021

Beckett   -   Beckett absurde dossier bac 2020 (596.85 Ko)

Le théâtre de l'absurde 

 

 

Lecture du passage :

Willie invisible. Winnie enterrée jusqu'au cou, sa toque sur la tête, les yeux fermés. La tête, qu'elle ne peut plus tourner, ni lever, ni baisser, reste rigoureusement immobile et de face pendant toute la durée de l'acte. Seuls les yeux sont mobiles. Sac et ombrelle à la même place qu'au début du premier acte. Revolver bien en évidence à la droite de la tête. Un temps long. Sonnerie perçante. Elle ouvre les yeux aussitôt. La sonnerie s'arrête. Elle regarde devant elle. Un temps long. WINNIE. — Salut, sainte lumière. (Un temps. Elle ferme les yeux. Sonnerie perçante. Elle ouvre les yeux aussitôt. La sonnerie s'arrête. Elle regarde devant elle. Sourire. Un temps. Fin du sourire. Un temps.) Quelqu'un me regarde encore. (Un temps.) Se soucie de moi encore. (Un temps.) Ça que je trouve si merveilleux. (Un temps.) Des yeux sur mes yeux. (Un temps.) Quel est ce vers inoubliable ? (Un temps. Yeux à droite.) Willie. (Un temps. Plus fort.) Willie. (Un temps. Yeux de face.) Peut-on parler encore de temps ? (Un temps.) Dire que ça fait un bout de temps, Willie, que je ne te vois plus. (Un temps.) Ne t'entends plus. (Un temps.) Peut-on ? (Un temps.) On le fait. (Sourire.) Le vieux style ! (Fin du sourire.) Il y a si peu dont on puisse parler. (Un temps.) On parle de tout. (Un temps.) De tout ce dont on peut. (Un temps.) Je pensais autrefois... (Un temps.) ... je dis, je pensais autrefois que j'apprendrais à parler toute seule. (Un temps.) Je veux dire à moi-même le désert. (Sourire.) Mais non. (Sourire plus large.) Non non. (Fin du sourire.) Donc tu es là. (Un temps.) Oh tu dois être mort, oui, sans doute, comme les autres, tu as dû mourir, ou partir, en m'abandonnant, comme les autres, ça ne fait rien, tu es là. (Un temps. Yeux à gauche.) Le sac aussi est là, le même que toujours, je le vois. (Yeux à droite. Plus fort.) Le sac est là, Willie, pas une ride, celui que tu me donnas ce jour-là... pour faire mon marché. (Un temps. Yeux de face.) Ce jour-là. (Un temps.) Quel jour-là ? (Un temps.) Je priais autrefois. (Un temps.) Je dis, je priais autrefois. (Un temps.) Oui, j'avoue. (Sourire.) Plus maintenant. (Sourire plus large.) Non non. (Fin du sourire. Un temps.) Autrefois... maintenant... comme c'est dur, pour l'esprit. (Un temps.) Avoir été toujours celle que je suis — et être si différente de celle que j'étais. (Un temps.) Je suis l'une, je dis l'une, puis l'autre. (Un temps.) Tantôt l'une, tantôt l'autre. (Un temps.) Il y a si peu qu'on puisse dire. (Un temps.) On dit tout. (Un temps.) Tout ce qu'on peut. (Un temps.) Et pas un mot de vrai nulle part. (Un temps.) Mes bras. (Un temps.) Mes seins. (Un temps.) Quels bras ? (Un temps.) Quels seins ? (Un temps.) Willie. (Un temps.) Quel Willie ? (Affirmative avec véhémence.) Mon Willie ! (Yeux à droite. Appelant.) Willie ! (Un temps. Plus fort.) Willie ! [...]  

 

Samuel Beckett, né en 1906, irlandais, il a écrit autant voire plus en français qu'en anglais. Edité par les Editions de Minuit, Beckett est romancier et dramaturge. Oh les beaux jours est la dernière des pièces, écrite d'abord en anglais, créée à New York en 1961. La version française 1963, (mise en scène de Roger Blin, actrice Madeleine Renaud ) Le passage est le début du second et dernier acte, Winnie qui était enterrée jusqu'à la taille au premier acte s'est encore enfoncée dans le mamelon. Son compagnon Willie est presque silencieux et pas toujours visible. 

  • Questions sur l’introduction :
  • Quelles sont les dates de Beckett?
  • A quel genre littéraire appartient-il?
  • Quand la pièce «?En attendant Godot?» à t’-elle été écrite?
  • Citez deux autres œuvres de Beckett
  • Citez deux de ses contemporains
  • Que nous livre t’-il comme image de la condition humaine dans sa pièce?
  • Quelle est la situation du passage à étudier?

 

I. Par la tension entre didascalies et paroles : 
•Importance du silence : on dénombre plus de 30 « (un temps) » et même 2 fois « un long temps » dans la didascalie du début. (Artaud : « Un théâtre de la parole », pas ici). 
La longue didascalie du début, un temps sans paroles pour le spectateur, attente inhabituelle au théâtre ( remise en question des conventions théâtrales aussi) Arrêt sur les objets : parapluie, sac, revolver comme à l'acte précédent. « Sonnerie perçante » une agression, idée d'un univers hostile, mais aussi réveil matin : il faut que Winnie se réveille. Ces messages ne passent pas par le langage mais par un son. 
•Importance paradoxale des didascalies, enlisée jusqu'au cou, Winnie ne peut presque bouger. Seulement les yeux : elle les ferme, les ouvre, et les bouge, à gauche du côté du sac, à droite du côté de Willie, en face vers le public. Et la bouche : Plusieurs fois : « sourire », « fin de sourire » et la variante : « sourire », « sourire plus large » « fin de sourire ». La formulation « fin de sourire » évoque une grimace mécanique, surtout ne coïncide pas avec les paroles : « Oui, j'avoue. (Sourire.) Plus maintenant. (Sourire plus large.) Non non. (Fin du sourire...) » Didascalies ou mimiques en opposition avec réplique. 
•Il arrive que la didascalie ou intonation ait plus de signification que la parole : « (Affirmative avec véhémence.) Mon Willie ! » 
•Ou encore la lecture des didascalies fait apparaître un travail de la langue : « Peut-on parler encore de temps ? (Un temps.) Dire que ça fait un bout de temps, Willie, que je ne te vois plus. (Un temps.) Ne t'entends plus. (Un temps.) répétition qui n'apparaît pas lors de la représentation. Dans la convention théâtrale les didascalies ne sont pas faites pour être lues.

  • I - Questionnaire
  • Comment se manifeste la tension entre les didascalies et les silences?
  • Comment le silence revient-il tout au long de la scène?
  • Comment se mesure t’-il?
  • Que traduit-il?
  • Quelle opposition peut-on faire entre le théâtre d’Artaud?
  • Que traduit la longue didascalie du début?
  • Ce temps, sans paroles, est-elle une attente habituelle pour le spectateur?
  • Y a t’-il à ce niveau une remise en question des conventions théâtrales?
  • Quelle place les objets occupent-ils?
  • Pourquoi Beckett fait-il un arrêt sur les objets?
  • Est-ce un point commun avec l’acte précédent?
  • Quels éléments du passage sont à l’origine de l’hostilité de l’univers?
  • Les bruits, les sons occupent-ils plus de place et ont-ils plus d’importance que les mots?
  • Les didascalies remplissent-elles leur(s) fonction(s)?
  • Faire un rappel de la définition et des fonctions de la didascalie
  • Ont-elles une importance exagérée dans ce passage?
  • Montrez, relativement à la situation de Winnie, que le décalage entre les didascalies et les paroles, les répliques est très marqué
  • Que traduit-il?
  • Cela reflète t’-il la remise en question du langage?
  • Relevez une phrase affirmative qui témoigne de la paradoxale importance des didascalies et des intonations
  • Montrez que la remise en cause du langage passe par les didascalies lues dans ce passage. Citez pour justifier votre réponse.
  • Les didascalies sont-elles lues dans le théâtre classique? Cela est-il conventionnel?

 

II. Par la confusion du discours : 

•Trouble de la fonction référentielle, c'est-à-dire qu'on ne sait pas vraiment de quoi elle parle.1 fait à peu près tangible : « Le sac est là, Willie, pas une ride, celui que tu me donnas ce jour-là... pour faire mon marché. » sujet, cod, coi, complément de lieu et de temps, mais idée du sac avec des rides, puis aussitôt « Quel jour-là » brouillage. Des phrases obscures en l'absence de tout référent : « Quel est ce vers inoubliable ? ». ou illogique : « Donc tu es là. (Un temps.) Oh tu dois être mort, oui, sans doute, comme les autres, tu as dû mourir, ou partir, en m'abandonnant, comme les autres, ça ne fait rien, tu es là. » Il est là, a dû mourir, partir ?? Et qui sont « les autres » ? Fréquence des pronoms indéfinis : les autres, on, quelqu'un, ça : « Ça que je trouve si merveilleux » une forme inusitée, déconcertante, répétée tout au long de la pièce « C'est cela que je trouve.. » 

•Le langage est remis en question par des interrogations sur le langage lui-même (fonction métalinguistique). Winnie doute du sens des mots : « Autrefois... maintenant... comme c'est dur, pour l'esprit. » « Peut-on parler encore de temps ? (Un temps.) Dire que ça fait un bout de temps... » 

Et surtout : « Et pas un mot de vrai nulle part ». Insistance sur la forme plutôt que le fond : « Le vieux style ! » parler serait une forme de politesse démodée. 

•Idée d'une parole remplissage, « Il y a si peu dont on puisse parler. (Un temps.) On parle de tout. (Un temps.) De tout ce dont on peut. », la formule est répétée à peu près : « Il y a si peu qu'on puisse dire. (Un temps.) On dit tout. (Un temps.) Tout ce qu'on peut. » c'est la seule possibilité qui reste à Winnie avant que la bouche disparaisse aussi, un mode de survie pour les hommes, on parle même si on doute du langage.

  • II - Questionnaire
  • En quoi consiste le trouble de la fonction référentielle?
  • De quoi s’agit-il? De quoi est-il question?
  • Montrez que les phrases sont obscures
  • Mettez en évidence le paradoxe évoqué concernant le sac
  • Relevez une phrase sans référent
  • Relevez une phrase illogique
  • Relevez une phrase déconcertante et récurrente dans ce passage
  • L’absurdité du langage est-elle à ce niveau reflétée par sa confusion?
  • Le problème du langage a t’-il pour conséquence de remettre en doute l’accès à une vérité?
  • En trouvez vous une justification dans le texte?
  • Que reste t’-il en fait du langage?
  • Vous semble t’-il remplir une fonction précise d’après ce passage?

 

III.Par le brouillage de la situation de communication : 

1. La locutrice : 

•La locutrice, on dit d'un rôle qu'il est incarné par un comédien, mais celle qui joue Winnie n'a plus qu'une tête, la parole part d'un corps absent : « Quels bras ? Quels seins ? » (ensevelissement qui, comme la décrépitude de Vladimir et d'Estragon, symbolise la tragédie de la condition humaine, vieillissement, maladie, mort). 

•Doute sur son identité : « Je suis l'une, je dis l'une, puis l'autre. (Un temps.) Tantôt l'une, tantôt l'autre » celle qu'elle est et celle qu'elle a été. Il y a surtout : « moi-même le désert » 

•Doute sur sa légitimité en tant que sujet parlant « je dis, je pensais autrefois que j'apprendrais à parler toute seule. (Un temps.) Je veux dire à moi-même le désert. (Sourire.) Mais non. » Idée qu'il faudrait apprendre à parler, puis affirmation d'un échec. 

2. L'interlocuteur 

•Idée aussi qu'elle parle toute seule Oh les beaux jours est presque un monologue, les interventions de Willie sont rares. Dans ce passage, la didascalie précise qu'il est invisible. Elle parle de son absence « ça fait un bout de temps, Willie, que je ne te vois plus. (Un temps.) Ne t'entends plus » un interlocuteur qui ne répond pas est-il un interlocuteur ? Elle l'appelle en vain plusieurs fois « Willie. (Un temps. Plus fort.) Willie » et enfin semble l'oublier : « Quel Willie ? » 

•Les autres interlocuteurs. D'abord « Salut, sainte lumière », une parodie de prière ? Un interlocuteur étrange. Le véritable interlocuteur est le public convoqué au début du monologue : « Quelqu'un me regarde encore. (Un temps.) Se soucie de moi encore[...] Des yeux sur mes yeux.

  • III -
  • La locutrice : Questionnaire
  • Comment la tragédie de la condition humaine apparaît-elle et se traduit-elle à travers le personnage de Winnie?
  • Comment la perte d’identité progressive se retrouve t’-elle dans le texte?
  • Citez la phrase représentative du doute sur sa propre identité
  • Montrez que Winnie se vide de son «?essence?» d’être humain tout d’abord puis d’être doué de paroles ensuite
  • Traduction d’un vide : une néantisation de l’être : cette progression vers le vide, le rien, l’absence souligne t’-elle dans ce qu’elle a de plus tragique, le sort de l’humaine condition?
  • L’interlocuteur : Questionnaire
  • Qui est le véritable interlocuteur dans ce passage?


Conclusion :

Remise en cause du langage par toute la scène, à travers les nombreux silences, les sourires sans logique, la confusion du message et de la situation de communication. Elle entraîne un bouleversement des conventions théâtrales. L'impuissance du langage et donc l'innommé est convoqué sur scène. Théâtre de l'absurde car tragique humain (incommunication, temps qui passe, mort) et absurdité au sens strict, une certaine légèreté, Winnie n'est jamais triste.

  • Questions sur la conclusion :
  • Cette scène est-elle représentative du théâtre de l’absurde?
  • Respecte t’-elle les conventions théâtrales?
  • L’impuissance du langage et donc de la communication entre les hommes sont-elles selon vous l’essence même du théâtre de l’absurde?
  • Cela traduit-il l’enfermement de l’homme en lui-même?

 

 

 

Date de dernière mise à jour : 25/11/2022

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