Postambule de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne : analyse linéaire

Olympe de Gouges Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne "Écrire et combattre pour l'égalité"

Olympe de gouge

Olympe de gouge

 

Objet d'étude : "La littérature d'idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle"

Oeuvre : Olympe de Gouges Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne

Parcours bac : "Écrire et combattre pour l'égalité"

 

Lecture du postambule
Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. Le puissant empire de la nature n’est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges. Le flambeau de la vérité a dissipé tous les nuages de la sottise et de l’usurpation. L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. Ô femmes ! femmes, quand cesserez-vous d’être aveugles ? Quels sont les avantages que vous avez recueillis dans la Révolution ? Un mépris plus marqué, un dédain plus signalé. Dans les siècles de corruption vous n’avez régné que sur la faiblesse des hommes. Votre empire est détruit ; que vous reste-t-il donc ? La conviction des injustices de l’homme. La réclamation de votre patrimoine, fondée sur les sages décrets de la nature ; qu’auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise ? le bon mot du législateur des noces de Cana ? Craignez-vous que nos législateurs français, correcteurs de cette morale, longtemps accrochée aux branches de la politique, mais qui n’est plus de saison, ne vous répètent : femmes, qu’y a-t-il de commun entre vous et nous ? Tout, auriez-vous à répondre. S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse, à mettre cette inconséquence en contradiction avec leurs principes, opposez courageusement la force de la raison aux vaines prétentions de supériorité ; réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère, et vous verrez bientôt ces orgueilleux, nos serviles adorateurs rampants à vos pieds, mais fiers de partager avec vous les trésors de l’Être suprême. Quelles que soient les barrières que l’on vous oppose, il est en votre pouvoir de les affranchir ; vous n’avez qu’à le vouloir. 

Problématique  En quoi ce postambule est-il un appel à la révolte des femmes? 

Introduction 
Olympe de Gouges est une femme de lettres du mouvement des Lumières, engagée pour l'égalité des hommes et des femmes. Son féminisme combattif fait de cette militante (qui sera guillotinée en 1793), une figure incontournable de la révolution française. 
La Déclaration est un texte juridique, un pamphlet, un discours adressé à la reine Marie-Antoinette, les hommes, l'Assemblée nationale et les femmes qui sont exclues des droits civiques et politiques. Elle cherche à faire en sorte que les femmes obtiennent une reconnaissance légale de leurs droits au sein de la société. Elle réécrit la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 dans le sens d'une égalité entre les sexes. La Déclaration comprend un avant propos, un préambule, 17 articles des droits et des devoirs de la femme et de l'homme, un postambule. C'est un pastiche critique de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Le postambule se situe après les articles de la Déclaration. Olympe de Gouges y invite les femmes à la révolte et à la lutte pour l'égalité. Ce dernier texte de la Déclaration résume l'oeuvre de l'écrivaine et justifie l'appel au combat. C'est une exhortation à agir. 

Problématique 
En quoi ce postambule est-il un appel à la révolte des femmes? 


Mouvements
Mouvement 1

Du début à "quand cesserez-vous d’être aveugles ? " 
 Un appel à la révolte 
Mouvement 2
« Quels sont les avantages ... Tout, auriez-vous à répondre."
Se défendre contre la tyrannie des hommes. Le constat de l'inégalité 
Mouvement 3
"S’ils s’obstinaient, dans leur faiblesse"... fin.
L'exhortation à agir 

 

Mouvement 1  Un appel à la révolte 

Mouvement 1
 Un appel à la révolte 

Le postambule s'ouvre sur l'apostrophe "Femme" et l'impératif "réveille-toi". L'écrivaine s'adresse aux femmes, elle cherche à provoquer une réaction, à susciter une prise de conscience dans le but de ne plus accepter la servitude. Olympe de Gouges évoque ensuite comme une allégorie de la Révolution "le tocsin de la raison". Cette exhortation à agir se double d'une hyperbole "se fait entendre dans tout l'univers". L'auteure cherche à mobiliser les femmes de toutes les conditions comme le suggère le singulier "Femme". Sa familiarité entre elle et les femmes est traduite par le tutoiement de l'impératif "réveille-toi". Le postambule est dominé par la métaphore du sommeil dont les femmes doivent se libérer pour un appel au combat. La Révolution est le réveil libérateur des oppressions des femmes par les hommes et l'Ancien Régime.  Le deuxième impératif "reconnais tes droits" nous fait sentir toute l'ardeur de la Révolution, c'est une invitation au combat pour la reconnaissance des droits de la femme encore soulignée par le déterminant possessif "tes". 
Les femmes ne sont pas, selon Olympe de Gouges assez mobilisées pour la défense de leurs droits, leur combat reste à faire et ne s'annonce pas facile comme le souligne la parataxe (juxtaposition de propositions sans connecteurs logiques) de la première phrase pour traduire l'urgence de l'action. 
L'auteure fait ensuite référence à l'Ancien Régime dès la seconde phrase dans un lexique dépréciatif évocateur d'une société injuste et obscurantiste, "préjugés", "fanatisme", "superstition", "mensonges", "sottise", "usurpation". Notons le champ lexical du mensonge dans l'énumération en gradation des caractéristiques de l'Ancien Régime en opposition à la Révolution "Le puissant empire de la nature n'est plus environné de préjugés, de fanatisme, de superstition et de mensonges". La Révolution est propice à l'amélioration et au changement de la condition des femmes, la négation partielle et le passé composé montrent que l'époque de la servitude appartient au passé. 
Olympe de Gouges fait l'éloge de la Révolution par la métaphore du "flambeau de la vérité", elle proclame le début d'une nouvelle ère, celle des revendications féminines. L'idée de vérité mise en avant fait écho aux Lumières dont l'idéal était de combattre l'obscurantisme au profit de la raison. 
La Révolution a permis de libérer "l'homme esclave" en brisant "ses fers" mais ils sont devenus libres pour avoir utilisé les femmes pendant la Révolution dont les femmes n'ont pas profité. Cette idée est suggérée par le parallélisme "Devenu libre, il est devenu injuste". Pourtant, la Révolution n'aurait pas pu se faire sans les femmes qui ont combattu au côté des hommes. 
C'est pourquoi l'auteure lance un appel à la révolte "Ô femmes!" en écho à l'apostrophe de la ligne 1, "Femme, réveille-toi". "Quand cesserez-vous d'être aveugles?" Par cette interrogation partielle, elles sont invitées à l'action de manière urgente et immédiate. L'aveuglement  remplace la métaphore du sommeil et renvoie au combat des Lumières mais les femmes sont encore dans l'obscurité et les préjugés. L'exhortation à agir se fait de plus en plus pressante. 
 

Mouvement 2 Se défendre contre la tyrannie des hommes. Le constat de l'inégalité 

Mouvement 2
Se défendre contre la tyrannie des hommes. Le constat de l'inégalité 

Par la première d'une longue série de questions rhétoriques, l'auteure invite les femmes à réfléchir à leur condition et à sortir de l'obscurantisme dans un dialogue fictif entre Olympe de Gouges et les femmes : "Quels sont les avantages que vous avez recueillis pendant la Révolution?" Le bilan est une défaite pour les femmes qui se sont condamnées à la servitude des injustices comme le suggère la métaphore "votre empire est détruit". Le rythme binaire "un mépris plus marqué, un dédain plus signalé" renforce encore cette idée par la gradation ascendante. La négation restrictive "vous n'avez régné que sur la faiblesse des hommes insiste sur leur absence de pouvoir. Le constat est celui de l'échec car les femmes ont gagné en mépris et paradoxalement elles ont lutté pour que les hommes aient plus de droits sur elles.  Aujourd'hui les hommes sont des citoyens libres, mais "que vous reste t'-il donc? La conviction des injustices des hommes". 
Il y a urgence à agir pour réclamer les droits qui leur reviennent "la réclamation de votre patrimoine" tiré "des sages décrets de la nature" car l'égalité entre les hommes et les femmes est naturelle, les lois doivent rétablir cette égalité naturelle que la société a corrompue. C'est un argument d'autorité. 
Par la question rhétorique "qu'auriez-vous à redouter pour une si belle entreprise? Olympe de Gouges est amenée à dénoncer les deux systèmes au service de l'oppression de la femme, la religion et la politique.  Elle fait référence à la religion chrétienne par la périphrase "le législateur des noces de Cana" qui désigne le Christ. Les noces de Cana fait référence à l'épisode des Evangiles où il change l'eau en vin. "Le bon mot du législateur des noces de Cana?" se rapporte au Christ qui répète à sa mère, la Vierge : "Que me veux-tu, femme?". La question rhétorique de l'auteure est donc ironique et contient une critique implicite à l'égard du christianisme. Il y a un parallélisme avec le législateur français et le Christ "Craignez-vous que nos législateurs français... ne vous répètent : femmes, qu'y a t'-il de commun entre vous et nous?". Ce parallélisme souffle l'idée que les mêmes oppressions sont exercées sur les femmes. La réponse suggérée par l'auteure aux femmes est " Tout, auriez-vous à répondre" proclamant ainsi l'exigence d'égalité par le pronom "Tout". 
 

Mouvement 3 L'exhortation à agir 

Mouvement 3
L'exhortation à agir 
Par la subordonnée circonstancielle de condition, "S'ils s'obstinaient, dans leur faiblesse", l'écrivaine renverse l'oppression masculine qui devient faiblesse face au pouvoir des femmes. 
Par l'énumération de verbes à l’impératif : « opposez courageusement la force de la raison … réunissez-vous sous les étendards de la philosophie ; déployez toute l’énergie de votre caractère », Olympe de Gouges conseille et guide les femmes pour lutter contre la tyrannie masculine "en contradiction avec leurs principes". Elle valorise la raison, idéal des Lumières.  Par l'antithèse "force de la raison" et "vaines prétentions", elle fait de l'opposition entre les hommes et les femmes, un conflit de la tyrannie contre la raison. La force de la vérité doit triompher. C'est une exhortation à lutter comme le suggèrent les verbes d'action "opposez... réunissez-vous... déployez". Notons le champ lexical de la guerre "force", "étendards", "serviles adorateurs rampant". La victoire est certaine "vous verrez bientôt", le futur de l'indicatif est le signe d'une égalité et d'un avenir partagé avec les hommes qui seront "fiers de partager avec vous les trésors de l'Etre Suprême", c'est-à-dire de la Révolution sacralisée par la majuscule, symbole de liberté et d'égalité. L'antithèse "pouvoir/vouloir" et la négation exceptive, "vous n'avez qu'à le vouloir" sont annonciatrices de la victoire. 
 

Conclusion
Ainsi, le postambule, véritable exhortation à agir pour les femmes est désormais célèbre par sa phrase d'ouverture "Femme, réveille-toi". C'est un texte de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qui souligne l'urgence de l'émancipation des femmes au nom de l'égalité. Adressé aux femmes, ce texte se veut révolutionnaire et basé sur l'idéal des Lumières, la raison contre l'obscurantisme. 
Ouverture
Le postambule est un texte en faveur des femmes, un discours fictif entre Olympe de Gouges et les femmes. D'autres discours politiques seront tout aussi essentiels comme par exemple le discours de SImone Veil en faveur du droit à l'IVG. 
 
 

Olympe de Gouges, "Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne" (du "préambule" au "postambule") / Parcours : "Écrire et combattre pour l'égalité".

"La littérature d'idées du XVIe siècle au XVIIIe siècle" Bac 2023

Ajouter un commentaire