Ponge

Commentaire littéraire les "Berges de la Loire", Francis Ponge, La Rage de l'expression

"Les Berges de la Loire"

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Ponge la rage de l expressionPonge

Problématique : Nous nous demanderons comment le poète présente sa démarche poétique. 

Francis ponge 1Commentaire littéraire les "Berges de la Loire", Francis Ponge, La Rage de l'expression 

Introduction
"Les Berges de la Loire", texte liminaire en prose du recueil "La Rage de l'expression" de Francis Ponge publié en 1952 expose le travail du poète en quête de l'expression juste. 
Ponge présente dans ce texte d'ouverture ses intentions et sa méthode de travail dans une démarche propre au journal poétique. 

Problématique :
Nous nous demanderons comment le poète présente sa démarche poétique. 

Plan
Dans le but de répondre à notre question, nous verrons que le poète propose un programme poétique autour de l'objet dont la forme poétique n'est qu'un outil parmi d'autres. Nous analyserons en dernière partie la visée morale de l'écriture. 
 

Quiz

Connais-tu le commentaire littéraire les "Berges de la Loire"? 

I - La primauté de l'objet

Ponge la rage de l expressionI - La primauté de l'objet 
1° Son statut : "lui reconnaître le plus grand droit", un "droit imprescriptible" 

L'objet se révèle dans la plus grande singularité de sa forme et de son existence, sans cesse à observer pour mieux le définir, le poète par le rythme binaire "de brut, de différent" s'applique à en dévoiler les différentes facettes. 
Il lui attribut un statut juridique comme le montre la métaphore "reconnaître le plus grand droit de l'objet, son droit imprescriptible, opposable à tout poème...". 
Une supériorité revendiquée encore soulignée par les superlatifs "plus important, plus intéressant, plus capable". La primauté de l'objet dans le travail du poète valorisée par la gradation des trois comparatifs s'enrichit d'une référence importante "plus capable" associée à l'expression en parenthèse "plein de droits" : une fomule juridique pour forcer la reconsidération de l'objet sous toutes ses facettes possibles. 


2° - Le poète au service de l'objet 
La primauté de l'objet est encore suggérée par l'obligation du poète de s'y soumettre : si l'objet "n'a aucun devoir", le poète à "tous les devoirs à son égard". La structure en chiasme valorise la chose au détriment de l'écrivain. "Ne sacrifier jamais l'objet de mon étude". Ainsi, "Les Berges de Loire" sont l'objet de toutes les attentions de l'écrivain qui en examine les différents aspects. 


3° - De la contemplation à une écriture en mouvement 
Le refus d'un texte définitif pour une expression toujours "ouverte" se traduit dans les verbes de mouvement "revenir", "replonger" ainsi que dans la négation temporelle "ne... jamais" et sa volonté de trouver la juste place de la forme poétique. 
"En conséquence, ne jamais m'arrêter à la forme poétique". L'écriture pongienne est en mouvement "que mon travail soit celui d'une rectification continuelle de mon expression... en faveur de l'objet brut". L'idée "d'une rectification continuelle" fait écho à la volonté ferme, la rage d'une expression en mouvement. La forme poétique doit être à la hauteur de l'objet et le révéler dans la plus grande vérité possible. C'est "un des moyens" un outil pour saisir l'essence de l'objet, le "scruter" dans ce qu'il a de plus singulier. Ce travail n'est pas compatible avec les formes inadaptées d'expression comme le suggèrent les métaphores du "manège" et du "ronron". 
 

II - Un programme poétique particulier : la forme poétique n'est qu'un outil parmi d'autres

Francis ponge 1II - Un programme poétique particulier : la forme poétique n'est qu'un outil parmi d'autres
1° - Désacralisation de la poésie 

Contre les conventions d'une écriture formelle, la poésie n'est plus création mais se fait l'expression enragée dans sa quête du mot juste : une écriture poétique renouvelée qui se cherche au plus prôche de l'objet à définir. Ponge refuse de se soumettre aux exigences de la forme "il s'agit de savoir si l'on veut faire un poème ou rendre compte d'une chose", "les choses et les poèmes sont inconciliables". 
Il ne faut pas, "jamais essayer d'arranger les choses". La beauté de la forme poétique induit en erreur, elle est trompeuse et ne permet pas de trouver l'équivalence par les mots de la chose. La poésie doit s'accorder à la recherche du mot juste par le travail authentique du poète. 


2° - "Les choses et les poèmes sont inconciliables" : la forme poétique n'est qu'un outil. 
Contre le formalisme, Ponge défend le travail du poète au détriment "des trouvailles".  Il condamne l'aspect hermétique et achevé de la forme : 
"ne jamais m'arrêter à la forme poétique"
"ne jamais essayer d'arranger les choses". 
Ces injonctions sont incontournables. L'aspiration du poète est ailleurs, il faut pour rendre compte d'une chose avec fidélité, le faire "sans hésitation" avec "un goût violent des choses et des progrès de l'esprit".
Le seul crédit accordé à la forme poétique est d'être un outil dont il limite le pouvoir par le connecteur d'opposition "pourtant" : "celle-ci devant pourant être utilisée à un moment de mon étude". Sa place reste relative comme le précise la proposition subordonnée circonstancielle de cause : "parce qu'elle dispose un jeu de miroirs qui peut faire apparaître certains aspects demeurés obscurs de l'objet". Ce n'est qu'une étape, celle de "l'entrechoc des mots, les analogies verbales sont un des moyens de scruter l'objet". 


3° - Un protocole d'écriture assumé
"Ma détermination est donc prise", cette phrase traduit la détermination du poète quant à son choix de méthode qui s'affirme de manière conclusive par la conjonction de coordination "donc". 
Le poète assume pleinement sa distance par rapport au formalisme, il anticipe même les éventuelles critiques : "peu m'importe après cela que l'on veuille nommer poème ce qui va en résulter". 
Son refus "du ronron poétique" est définitif et il manifeste le désir d'être bien compris dans sa démarche : "un goût violent des choses et des progrès de l'esprit" ou encore "ce que les lignes précédentes ne disent pas assez". 
 

III - Visée morale de l'écriture

Ponge la rage de l expressionIII - Visée morale de l'écriture 
1° - Une exploration du langage pour "une co-naissance plus sérieuse" 

La rupture avec la poésie traditionnelle s'inscrit dans une démarche littéraire précise. "Faire un poème ou rendre compte des choses". Son entreprise est ainsi légitimée.
"(l'esprit y gagne)", "(quelque pas nouveau)", "(des progrès de l'esprit)", sont autant d'expressions révélatrices des bénéfices de sa démarche poétique. La rage de l'expression pongienne recherche ce "goût violent des choses" pour réconcilier l'homme avec les choses. Cette aspiration à l'union de l'homme et du monde a une visée éthique. L'écriture poétique doit éclairer l'homme et le monde. 


2 ° - Une démarche poétique dont la primauté est le monde 
Un parti pris pour les choses, le monde place le poète au service de l'objet dont il s'agit de saisir l'épaisseur et la signification. Cette hiérarchie entre le poète et l'objet se traduit dans le chiasme "n'a aucun devoir vis-à-vis de moi, c'est moi qui ai tous les devoirs à son égard". 
Le monde des objets est en position de supériorité par rapport à l'homme. 


3 ° - Un poète artisan et une méthode d'écriture toujours relancée par sa quête
Une écriture toujours en mouvement : c'est un parti pris des choses qui exige que le poème ne soit plus un objet fini car il suppose l'exploration du langage qui est premier avant l'écriture :
"Que mon travail soit celui d'une rectification continuelle de mon expression". L'objet, ici, la Loire, est "l'objet brut" sur lequel travaille le poète dont la métaphore filée éclaire la rage de la recherche de l'expression juste : 
"sécher sur une expression". 
L'objet est ainsi chargé de relancer l'écriture : "replonger" son regard dans l'objet 
 

Conclusion
Ainsi, ce texte d'ouverture essentiel au recueil "La Rage de l'expression" est comme un mode d'emploi pour le lecteur, il permet de bien appréhender la démarche poétique de Francis Ponge : une approche poétique capable de renouveler notre façon de voir le monde, de nommer les choses et une visée morale de l'écriture. 

Francis Ponge, "La Rage de l'expression". Parcours bac : "Dans l'atelier du poète"

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