Corrigé de l'épreuve de philosophie 2025, Antilles Guyane, bacs général et technologique.

Corrige des sujets du bac de philosophie 2025

Corrigé du bac général 2025

Epreuve : Bac  Général

Matière :Philosophie

Classe : Terminale

Centre : Antilles Guyane

Date : lundi 16  juin 2025

Durée : 4h

 

 

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  • Dissertation 1
  • La technique nous fait-elle gagner du temps?
  • Dissertation 2
  • Existe-t-il des vérités inutiles?
  • Commentaire 
  • Ethique à Nicomaque, Aristote

 

 

Dissertation n°1 :

 

La technique, dans son sens large, désigne l’ensemble des moyens inventés par l’homme pour transformer la nature et améliorer ses conditions de vie. Elle se manifeste aujourd’hui dans tous les domaines : transports, communication, industrie, médecine, informatique… Une des promesses majeures du progrès technique est de nous faire gagner du temps, en automatisant des tâches, en facilitant nos actions et en réduisant les délais. Mais cette promesse est-elle tenue ?

En effet, malgré les avancées techniques, nous avons souvent le sentiment de manquer de temps, d’être pressés, voire esclaves de la vitesse. Paradoxalement, plus la technique évolue, plus nos vies semblent accélérées, remplies, fragmentées.

Dès lors, on peut se demander :
 La technique nous fait-elle réellement gagner du temps, ou bien produit-elle une nouvelle forme de perte et d’aliénation temporelle ?

Nous verrons d’abord que la technique a bien permis à l’homme de gagner un temps objectif et mesurable (I), avant d’analyser les effets ambigus de cette accélération technique sur notre rapport au temps vécu (II), pour enfin réfléchir à la manière dont nous pourrions redonner sens à ce temps libéré (III).

I. La technique permet un gain de temps objectif et mesurable

Historiquement, la technique est née pour répondre à des besoins pratiques : outils agricoles, machines à vapeur, moteurs, robots, intelligence artificielle… Ces inventions visent à économiser du temps et de l’effort.

Exemple : la machine à laver remplace un travail long et fatigant ; l’automobile réduit les trajets ; l’ordinateur permet de traiter d’immenses quantités d’informations en un temps record.

Ce gain de temps est mesurable en minutes, en heures, en jours : on peut produire plus, plus vite, avec moins d’effort.

Le philosophe Descartes, dans le Discours de la méthode, voyait dans le progrès technique la possibilité de nous rendre « comme maîtres et possesseurs de la nature » — et de mieux vivre en réduisant les obstacles matériels.

Ainsi, la technique semble effectivement permettre un gain de temps objectif, qui améliore les conditions d’existence matérielles.

II. Mais ce gain de temps s’accompagne d’une accélération aliénante

Le problème, souligné par Hartmut Rosa dans Accélération, est que ce temps gagné est aussitôt réinvesti dans de nouvelles activités, ce qui crée une sensation de manque permanent de temps.

Nous faisons plus de choses, plus vite, mais le rythme s’accélère sans fin, car les attentes sociales, professionnelles et personnelles augmentent elles aussi.

Exemple : les mails remplacent les lettres (gain de temps), mais on reçoit des centaines de mails par jour (surcharge). Le smartphone nous connecte en permanence, mais nous distrait, nous interrompt, fragmente notre attention.

La technique devient alors invasive, et notre temps se morcelle. Nous avons l’illusion du temps libéré, mais en réalité, nous devenons esclaves de la vitesse.

L’homme moderne risque de ne plus vivre le temps, mais de le subir. Le philosophe Heidegger, dans Être et Temps, soulignait déjà que le rapport technique au monde pouvait appauvrir notre expérience de l’être, en transformant tout en ressource à exploiter.

 La technique nous fait donc perdre le rapport qualitatif au temps, au profit d’un temps purement quantitatif et utilitaire.

III. Le vrai gain de temps dépend de l’usage que nous faisons de la technique

Gagner du temps ne signifie pas seulement aller plus vite, mais aussi mieux vivre, mieux habiter le temps. Le problème n’est pas la technique en elle-même, mais l’usage qu’on en fait.

Si le temps libéré par la technique est utilisé pour réfléchir, créer, se cultiver, aimer, contempler, alors il devient un vrai temps humain.

C’est ce que propose Hannah Arendt dans La Condition de l’homme moderne : elle distingue le travail (nécessité), l’œuvre (durabilité), et l’action (liberté). Le but de la technique serait de nous libérer de la nécessité pour nous permettre d’atteindre l’action véritable, celle qui engage notre liberté.

Ainsi, la technique pourrait être un moyen de reconquête du temps, à condition que l’homme reste maître de son usage, et ne se laisse pas dévorer par la logique de la performance.

 Gagner du temps, ce n’est pas seulement produire plus, c’est mieux exister. La technique nous offre cette possibilité, mais elle ne le garantit pas.

 

La technique, en accélérant nos actions, nous fait objectivement gagner du temps. Mais ce gain est souvent illusoire s’il engendre stress, suractivité ou dépendance. Le temps gagné n’a de sens que s’il est habité librement, orienté vers des fins humaines, non seulement utilitaires mais aussi spirituelles, culturelles et relationnelles.

Ainsi, la technique peut nous faire gagner du temps, mais seulement si nous savons nous réapproprier ce temps pour vivre mieux et non simplement vivre plus vite.




Dissertation n°2 :

La vérité est généralement perçue comme un idéal, une fin en soi : connaître le vrai, c’est accéder à la réalité, sortir de l’erreur ou de l’illusion. Dès l’Antiquité, les philosophes ont célébré la vérité comme ce vers quoi tend l’esprit humain. Mais une question surgit : toutes les vérités sont-elles utiles ? Autrement dit, y a-t-il des vérités qui, bien qu’indiscutables, n’apporteraient aucun bénéfice pratique, moral, ou intellectuel ?

Par exemple, connaître avec exactitude le nombre de grains de sable dans un désert ou la composition chimique d’un objet sans importance… est-ce vraiment utile ? La vérité aurait-elle de la valeur en soi, ou bien ne vaut-elle que si elle nous sert à quelque chose ?

 Ainsi, existe-t-il des vérités inutiles, c’est-à-dire des connaissances vraies qui ne nous seraient d’aucun usage, ou la vérité est-elle toujours, d’une manière ou d’une autre, utile ?

Nous verrons d’abord que certaines vérités semblent effectivement inutiles ou superflues (I), avant de montrer que même les vérités apparemment inutiles peuvent avoir une valeur indirecte (II), et enfin d’examiner s’il n’est pas fondamentalement utile pour l’esprit humain de poursuivre la vérité en tant que telle (III).

I. Il semble exister des vérités sans utilité

On peut facilement donner des exemples de vérités anecdotiques, futiles ou sans application pratique : connaître les noms de tous les fleuves d’un pays inconnu, ou le nombre exact d’étoiles dans une galaxie lointaine, ne change rien à notre vie.

Certaines vérités historiques ou scientifiques, bien qu’exactes, peuvent aussi paraître inaccessibles à toute vérification ou sans portée concrète : par exemple, l’âge précis de la Terre au jour près, ou la forme exacte d’un atome en temps réel.

De plus, il y a des vérités qui peuvent être perturbantes ou inutiles sur le plan moral : dire toute la vérité à quelqu’un peut parfois faire plus de mal que de bien.

On peut donc dire, comme le suggérait Nietzsche, que « la vérité n’a pas toujours de valeur suprême » ; certaines illusions peuvent être plus vitales que des vérités brutales.

 → Il semble donc que certaines vérités existent mais soient inutiles, voire nuisibles dans certaines circonstances.

II. Mais toute vérité peut avoir une utilité indirecte

Une vérité apparemment inutile aujourd’hui peut devenir utile plus tard. Beaucoup de découvertes scientifiques (par exemple, les mathématiques pures, les recherches astronomiques) ont été jugées inutiles… avant de produire des applications concrètes majeures.

Exemple : la théorie de la relativité d’Einstein paraissait sans usage immédiat ; pourtant, elle est essentielle aujourd’hui pour le fonctionnement du GPS.

Même des vérités esthétiques, culturelles ou historiques peuvent enrichir l’esprit, développer la culture générale, ouvrir à une meilleure compréhension du monde.

Enfin, la recherche de vérités inutiles stimule la curiosité, l’esprit critique, et l’autonomie intellectuelle. Elle exerce la rationalité humaine, comme le sport exerce le corps.

 → Il n’y a donc peut-être pas de vérité absolument inutile, car la vérité, même théorique, construit une vision du monde qui donne sens à notre existence.

III. La recherche de la vérité est une fin en soi, donc toujours utile à l’esprit

Il faut interroger le mot "utile" : utile pour quoi ? Pour qui ? La vérité n’est pas toujours pragmatique, mais elle peut être spirituellement, moralement ou intellectuellement bénéfique.

Pour Platon, dans La République, accéder à la vérité, c’est sortir de la caverne : c’est une élévation de l’âme, une libération. Même si la vérité n’a pas de fonction pratique, elle a une valeur éthique et existentielle.

De même, pour Spinoza, la connaissance du vrai est ce qui mène à la joie la plus grande : comprendre la nature, Dieu, soi-même, est une source de liberté.

Ne chercher que les vérités utiles reviendrait à faire de la vérité une marchandise. Or, comme le dit Victor Hugo : « La vérité est comme le soleil : elle fait tout voir mais ne se laisse pas regarder. »

 → La vérité est peut-être inutilisable au sens utilitaire, mais elle est utile au sens profond : elle permet à l’homme de mieux se connaître, mieux penser, mieux vivre.

 

Il semble exister des vérités inutiles, si l’on entend par là des connaissances sans application immédiate ou intérêt pratique. Mais ce jugement dépend de critères subjectifs et limités. Une vérité jugée inutile aujourd’hui peut devenir essentielle demain. Surtout, la recherche de la vérité constitue un besoin profond de l’esprit humain, un chemin vers la liberté et la lucidité.

Ainsi, il n’existe peut-être pas de vérités inutiles, car toute vérité a une valeur, fût-elle purement intellectuelle ou spirituelle.




Explication de texte :

 

Dans cet extrait de l’Éthique à Nicomaque, Aristote interroge le rôle du plaisir dans la vie humaine et dans la formation morale. Cette réflexion s’inscrit dans une tradition philosophique qui voit dans le plaisir tantôt un bien suprême, tantôt un danger moral. Aristote, sans rejeter le plaisir en bloc, cherche ici à le situer correctement par rapport à la vertu et à l’éducation du caractère.

Problématique : Le plaisir est-il un obstacle à la vertu, ou bien joue-t-il un rôle essentiel dans la formation morale et le bonheur ?

Pour répondre, Aristote commence par rappeler le lien entre plaisir, nature humaine et éducation (I), puis il expose les débats autour de la valeur du plaisir (II), avant de montrer les limites d’une stratégie qui consisterait à le condamner artificiellement (III).

I. Le plaisir, élément fondamental de la nature humaine et de l’éducation morale

Aristote commence par souligner une évidence : le plaisir est au cœur de notre nature humaine, au point d’en être le moteur principal. C’est pourquoi il est utilisé dès l’enfance comme levier éducatif, pour apprendre à aimer ce qui est bien et rejeter ce qui est mal.

« Le facteur le plus important est de se plaire aux choses qu’il faut ».

Ce jugement moral est fondé sur l’idée que la vertu ne consiste pas simplement à faire ce qui est juste, mais à y prendre plaisir, à y être spontanément porté. C’est une conception éthique exigeante, où l’éducation doit transformer les désirs eux-mêmes, non seulement les actes.

Aristote défend donc une conception naturaliste et éducative du plaisir : loin d’être un ennemi de la morale, il en est une condition de possibilité.

II. Le plaisir : un objet de débat philosophique et moral

Aristote reconnaît ensuite que le plaisir fait l’objet d’un débat ancien et passionné.

Certains philosophes, comme les hédonistes (Épicure, les Cyrénaïques), identifient le plaisir au bien suprême.

D’autres, au contraire, le condamnent comme un mal radical, dangereux car corrupteur, source de passions incontrôlées.

Mais Aristote pointe ici une stratégie particulière : certains ne croient pas vraiment que le plaisir est mauvais, mais font semblant de le condamner, dans un souci pédagogique ou moraliste. Puisque la majorité des gens est dominée par ses désirs, on chercherait à les faire aller en sens inverse pour atteindre un équilibre.

C’est une conception manichéenne de l’éducation morale, qui suppose que la vérité importe moins que l’effet produit.

III. L’illusion et le danger d’une condamnation stratégique du plaisir

Aristote critique cette stratégie de manipulation morale. Elle part d’une bonne intention – corriger les excès – mais elle repose sur un mensonge.

« Cette manière de voir ne semble pas exacte ».

Pourquoi ? Parce qu’en matière morale, ce sont les faits, l’expérience vécue, qui importent plus que les discours. Si quelqu’un condamne le plaisir en théorie mais y cède en pratique, son comportement contredit son discours, et cette contradiction ruine la crédibilité de l’enseignement moral.

Aristote affirme donc une exigence de vérité : on ne peut pas éduquer à la vertu sur la base du mensonge ou du mépris du réel. La vérité morale suppose de reconnaître la valeur du plaisir, à condition qu’il soit bien orienté.

 

Dans ce texte, Aristote défend une position équilibrée : le plaisir n’est ni un bien absolu, ni un mal en soi. Il fait partie de la nature humaine, et il joue un rôle décisif dans l’éducation morale, à condition d’être bien dirigé par la raison. La véritable vertu consiste non à combattre le plaisir, mais à l’harmoniser avec le bien. C’est pourquoi la condamnation artificielle du plaisir est à la fois inefficace et contraire à la vérité morale.

Ce texte invite à penser une morale réaliste et exigeante, fondée sur l’éducation des désirs et la lucidité sur la nature humaine.

 

 

 

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  • Dissertation n°1 :
  • Puis-je savoir si j'ai raison ?
  • Dissertation n°2 :
  • L'égalité garantit-elle la justice ?
  • Explication de texte :
  • Il s'agit d'un extrait de Simone De Beauvoir, Pour une morale de l'ambiguïté (1947). Ce texte évoque les notions philosophiques de la raison et la conscience.

 

 

Corrigé du bac technologique 2025

 

Epreuve : Bac  technologique

Matière :Philosophie

Classe : Terminale

Centre : Antilles Guyane

Date :  juin 2025

Durée : 4h

 

 

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Dissertation n°1 :

 

Sujet : Pourquoi devrait-on protéger la nature ?

 

La nature, entendue comme l’ensemble du monde vivant et non modifié par l’homme, semble aujourd’hui en danger : réchauffement climatique, perte de biodiversité, pollution des sols et des océans. Face à cette crise écologique, la question de la protection de la nature devient urgente et universelle. Pourtant, la nature a-t-elle intrinsèquement une valeur qui justifierait sa protection ? Ou bien la protège-t-on uniquement en raison de l’utilité qu’elle représente pour l’homme ? Ainsi, la question se pose de savoir si l’on doit protéger la nature au nom de l’intérêt humain, ou au nom de la nature elle-même. Dès lors, pourquoi devrait-on protéger la nature ? Est-ce par souci moral, par intérêt égoïste, ou par devoir envers le vivant ?

Nous verrons d’abord que l’homme a longtemps considéré la nature comme un instrument à son service, ce qui justifie sa protection pour des raisons utilitaristes. Nous analyserons ensuite les limites de cette vision en montrant que la nature pourrait avoir une valeur intrinsèque, exigeant un respect moral. Enfin, nous nous demanderons si une éthique écologique peut véritablement transformer notre rapport à la nature.

I. L'homme protège la nature parce qu'il en dépend : une justification utilitariste

Historiquement, la pensée occidentale a souvent séparé l’homme de la nature. Chez Descartes, l’homme est défini comme une « chose pensante » (res cogitans), distincte de la nature matérielle, considérée comme « chose étendue » (res extensa), donc manipulable. Cette vision a conduit à une domination technicienne du monde naturel.

Dans cette perspective, protéger la nature revient avant tout à protéger les conditions de vie humaine. C’est une approche anthropocentrique : la nature a une valeur instrumentale. Par exemple, les forêts purifient l’air, les abeilles pollinisent les cultures, les océans régulent le climat. Sa destruction serait donc néfaste, non pas parce que la nature a une valeur en soi, mais parce qu’elle est utile à notre survie.

Cette approche utilitariste est reprise par certains courants comme l’écologie de conservation, qui cherchent à préserver les écosystèmes pour des raisons économiques, sanitaires ou sociales. On protège la nature comme on entretient une machine nécessaire à notre bien-être.

Mais cette logique pose problème : si la nature n’a de valeur qu’en tant qu’elle sert l’homme, que reste-t-il de sa protection si son utilité n’est pas immédiatement visible ?

II. La nature a-t-elle une valeur en elle-même ? Vers une éthique du respect du vivant

Certains philosophes remettent en cause cette vision utilitariste en affirmant que la nature a une valeur intrinsèque, indépendamment de son utilité pour l’homme. C’est la position de l’éthique environnementale contemporaine.

Albert Schweitzer, par exemple, défend un respect universel de la vie : « Je suis vie qui veut vivre, entourée de vie qui veut vivre. » Il invite à une attitude de révérence pour la vie, qui suppose de considérer tout être vivant comme digne de respect.

De son côté, Arne Naess, fondateur de l’écologie profonde, critique l’« écologie superficielle » centrée sur l’homme, et prône une vision dans laquelle l’homme n’est qu’un élément parmi d’autres du vivant. Il propose une identification élargie du moi : protéger la nature reviendrait à se protéger soi-même, non par intérêt, mais parce qu’on ne se distingue plus radicalement du reste du vivant.

Enfin, Hans Jonas, dans Le Principe responsabilité, affirme que l’homme, parce qu’il a le pouvoir de détruire la nature, a aussi le devoir moral de la préserver. Il insiste sur une responsabilité envers les générations futures, et sur la nécessité d’une éthique adaptée à la puissance technologique moderne.

Ainsi, protéger la nature ne relève pas seulement d’un calcul d’intérêt, mais d’une exigence éthique : respecter la nature parce qu’elle mérite respect.

III. Changer notre rapport à la nature : une transformation de la pensée et de la sensibilité

Cependant, une simple prise de conscience morale ne suffit pas toujours à transformer les comportements. Il faut aussi repenser notre relation au monde naturel, sortir d’une logique de domination ou d’exploitation.

Rousseau, dans son Discours sur l’origine de l’inégalité, évoque une époque où l’homme vivait en harmonie avec la nature, avant que la propriété et la société ne le corrompent. Il décrit un état de nature où l’homme était simple, frugal, et respectueux des équilibres naturels. Peut-être faut-il retrouver une part de cette relation première à la nature pour en ressentir le lien profond et nécessaire.

Par ailleurs, Heidegger, dans Lettre sur l’humanisme, invite à habiter poétiquement la Terre, c’est-à-dire à vivre en respectant le monde, en l’accueillant sans chercher à tout maîtriser. Cela suppose un changement de regard : considérer la nature non plus comme un objet, mais comme un autre sujet, digne d’attention, de contemplation, voire de dialogue.

Enfin, des courants comme l’écopsychologie ou la pensée autochtone insistent sur l’importance de retrouver une connexion spirituelle, affective et symbolique avec la nature. La protéger, ce serait alors aussi se reconnecter à soi-même et à une forme de sagesse oubliée.

 

Nous avons vu que l’on peut protéger la nature pour des raisons utilitaristes (car elle est indispensable à notre survie), mais aussi pour des raisons morales (parce qu’elle a une valeur propre), voire existentielles et spirituelles (parce que notre rapport à elle conditionne notre être au monde). La protection de la nature ne se réduit donc pas à une question écologique ou politique : elle engage une réflexion philosophique profonde sur notre place dans le vivant. Peut-être ne s’agit-il pas seulement de protéger la nature, mais d’apprendre à vivre avec elle, autrement.




Dissertation n°2 :

 

Sujet 2 La création artistique s’explique-t-elle ?

Créer une œuvre d’art semble être une activité proprement humaine, singulière, qui mêle émotion, imagination, technique et parfois génie. Lorsqu’un artiste compose une symphonie, peint un tableau ou écrit un poème, il donne naissance à quelque chose de nouveau. Cette création artistique fascine précisément parce qu’elle paraît échapper aux explications rationnelles habituelles. Est-ce une pure inspiration, un don inexplicable, ou peut-on en rendre compte comme on explique un phénomène scientifique ou technique ?

Ainsi, la question se pose : la création artistique s’explique-t-elle ? Autrement dit, peut-on comprendre et analyser les mécanismes qui mènent à l’œuvre d’art, ou cette création relève-t-elle d’une part d’inexplicable, d’un mystère irréductible ?

Nous verrons d’abord que la création artistique peut faire l’objet d’analyses et d’explications rationnelles. Puis nous montrerons que certaines dimensions de cette création semblent échapper à toute tentative d’explication. Enfin, nous réfléchirons à la possibilité d’une compréhension partielle et plurielle de la création artistique, sans réduire sa richesse.

I.  Une activité qui peut s’expliquer : intention, méthode, contexte

Il est possible de comprendre certains aspects de la création artistique en les replaçant dans un cadre logique ou historique.

L’intention de l’artiste : Créer n’est pas un acte magique. Un artiste peut avoir une intention claire, un message à transmettre, une vision du monde à exprimer. Par exemple, Picasso crée Guernica pour dénoncer les horreurs de la guerre civile espagnole. Cette création peut s’expliquer par un contexte historique et politique.

Les influences et l’apprentissage : Aucun artiste ne crée ex nihilo. Il s’inscrit dans une tradition, un courant, une époque. Il a appris des techniques, des règles, parfois même des méthodes. Par exemple, les œuvres de Kandinsky s’expliquent en partie par l’influence du spiritisme et de la musique. Ainsi, l’histoire de l’art, la sociologie ou la psychologie peuvent rendre compte des facteurs qui orientent une œuvre.

La technique et les procédés : On peut expliquer comment une œuvre a été produite : les étapes du processus créatif, les outils utilisés, la composition, etc. L’art est aussi un savoir-faire, un artisanat maîtrisé. De nombreux artistes ont eux-mêmes théorisé leur méthode (ex. : Léonard de Vinci, Paul Klee, Kandinsky).

 Ainsi, la création artistique n’est pas entièrement mystérieuse : elle peut être analysée dans ses causes, son contexte, ses intentions.

II. Une part d’inexplicable : l’inspiration, le génie, l’inconscient

Cependant, tenter d’expliquer la création artistique dans sa totalité semble voué à l’échec. Certains aspects échappent à toute explication rationnelle.

L’inspiration comme phénomène mystérieux : Depuis l’Antiquité, les artistes sont souvent perçus comme inspirés par une force supérieure. Chez Platon, l’artiste est saisi par une forme de délire divin, comme possédé par les Muses. Cette intuition créatrice semble surgir sans cause identifiable. Pourquoi tel poème, tel tableau surgit à tel moment ? Souvent, l’artiste lui-même est incapable de l’expliquer.

Le génie créateur : Pour Kant, dans la Critique de la faculté de juger, le génie est celui « par qui la nature donne des règles à l’art ». Il est capable de produire ce qui ne peut être enseigné ni imité. Le génie crée des œuvres originales sans pouvoir expliquer comment il y parvient lui-même. Ainsi, l’art génial échappe à la méthode : il produit des effets qui dépassent les intentions.

L’inconscient et le hasard : Pour certains artistes comme les surréalistes (Breton, Dali), la création procède de l’inconscient. Les techniques d’écriture automatique ou de collage visent à laisser parler ce qui échappe à la volonté consciente. De même, dans l’art contemporain, le hasard ou l’accident peut jouer un rôle dans la création. L’artiste ne contrôle pas tout.

 Il y a donc une part irréductible, qui résiste à l’analyse : un mystère de l’acte créatif, un surgissement.

III.  Une explication partielle, plurielle, jamais totale

Faut-il pour autant renoncer à expliquer la création artistique ? Peut-on trouver un juste milieu entre analyse et mystère ?

Une compréhension partielle est possible : On peut analyser des éléments de la création artistique sans prétendre en épuiser le sens. Par exemple, une critique d’art peut éclairer un tableau sans prétendre en dire la vérité ultime. L’explication est possible, mais elle est toujours limitée, ouverte à l’interprétation.

Une pluralité de lectures : La création peut être expliquée par plusieurs approches complémentaires : historique, technique, psychanalytique, esthétique, philosophique… Chacune apporte un éclairage, sans épuiser l’œuvre.

L'œuvre résiste à l'explication totale : L’art garde une part d’ambiguïté, qui est aussi sa richesse. Si l’on pouvait tout expliquer, l’émotion esthétique disparaîtrait. La création artistique est précieuse aussi parce qu’elle échappe : elle ouvre un espace de sens, d’interprétation, d’imaginaire.

 L’acte de créer se laisse partiellement comprendre, mais garde un noyau de liberté, de mystère et de singularité, qui rend chaque œuvre unique.

 

La création artistique s’explique en partie : on peut en analyser les influences, les intentions, les techniques, les contextes. Mais elle comporte aussi une dimension qui échappe à la raison, qui relève de l’inspiration, du génie ou de l’inconscient. Cette part d’inexplicable ne doit pas être vue comme un échec de la pensée, mais comme ce qui fait la richesse et la puissance de l’art. Ainsi, la création artistique ne s’explique jamais totalement, mais elle s’éclaire sous différents angles. C’est peut-être là sa force : ouvrir un espace de sens, plutôt que le refermer dans une explication définitive.




Explication de texte :

Sujet 3 Expliquer le texte suivant :

Posons, pour fixer les idées, qu’une société est une association, plus ou moins autosuffisante, de personnes qui, dans leurs relations réciproques, reconnaissent certaines règles de conduite comme obligatoires, et qui, pour la plupart, agissent en conformité avec elles. Supposons, de plus, que ces règles déterminent un système de coopération visant à favoriser le bien de ses membres. Bien qu’une société soit une tentative de coopération en vue de l’avantage mutuel, elle se caractérise donc à la fois par un conflit d’intérêts et par une identité d’intérêts. Il y a identité d’intérêts puisque la coopération sociale procure à tous une vie meilleure que celle que chacun aurait eue en cherchant à vivre seulement grâce à ses propres efforts. Il y a conflit d’intérêts puisque les hommes ne sont pas indifférents à la façon dont sont répartis les fruits de leur collaboration, car, dans la poursuite de leurs objectifs, ils préfèrent tous une part plus grande de ces avantages à une plus petite. On a donc besoin d’un ensemble de principes pour choisir entre les différentes organisations sociales qui déterminent cette répartition des avantages et pour conclure un accord sur une distribution correcte des parts. Ces principes sont ceux de la justice sociale.

 John Rawls, Théorie de la justice (1971)

 

 

 

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  • Dissertation n°1 :
  • L'erreur nous rapproche-t-elle de la vérité ?
  • Dissertation n°2 :
  • En quel sens peut-on dire que les êtres humains naissent libres ?
  • Explication de texte :
  •  John Stuart Mill, Trois Essais sur la religion (1874). Ce texte évoque la notion philosophique de la religion.


Si le candidat choisit de suivre le développement proposé par le sujet, il devra alors répondre à des questions d'analyse et de synthèse.
- En quoi la poésie et la religion satisfont-elles un désir d'idéal ?
- Quelle est la différence entre l'attitude religieuse de "ceux qui sont égoïstes" et celle de "ceux qui sont tendres et reconnaissants" ?
- En quoi la poésie et la religion nous consolent-elles de nos souffrances ?
- Pensez-vous que la religion nous éloigne de la vie terrestre ?

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Date de dernière mise à jour : 05/10/2025

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