Voyage, altérité et engagement-DIDEROT, Supplément au voyage de Bougainville ch. 4 - Littérature d'idées EAF 2021

« l’aumônier–Vous ne connaissez guère la jalousie… avis n’en vaut-il pas bien un autre » Supplément au voyage de Bougainville-Comment la connaissance de l’autre favorise-t-elle la découverte de soi?

Diderot

Exemples d'essais et de textes réduits. Contractions corrigées-support Lévi-Strauss Parcours l’Autre et l’Ailleurs 

Contraction de texte

L'essai et le résumé. Exemples d'essais et de textes réduits. Contractions corrigées-support Lévi-Strauss Parcours l’Autre et l’Ailleurs 

L'essai, bac technologique.Exemple corrigé. Les voyages et le tourisme favorisent-ils aujourd’hui l’ouverture à la diversité des cultures?Contractions corrigées-support Lévi-Strauss Parcours : l’Autre et l’Ailleurs programme français 2021-Schéma d'ensemble Travail sur les connecteurs logiques-Organisation de la pensée

Le Supplément au Voyage de Bougainville, ou Dialogue entre A et B sur l'inconvénient d'attacher des idées morales à certaines actions physiques qui n'en comportent pas, est un conte philosophique de Denis Diderot écrit en 1772. Il paraît pour la première fois en volume en 1796 — à titre posthume, donc — dans un recueil d'Opuscules philosophiques et littéraires, la plupart posthumes ou inédites.

 

A  consulter, la littérature d'idées, bac de français 2021

Le mythe du bon sauvage, Diderot, le Supplément au voyage de Bougainville   -  Autre analyse 

Saint John Perse, commentaires littéraires, "Le mur", Image à Crusoé, et "Vendredi" Éloge. Version du mythe du bon sauvage.

  Questionnaire sur le siècle des lumières

 

Voyage, altérité et engagement

Denis DIDEROT, Supplément au voyage de Bougainville, 1772

 Extrait du chapitre IV

L'AUMONIER. Vous ne connaissez guère la jalousie, à ce que je vois ; mais la tendresse maritale, l'amour paternel, ces deux sentiments si puissants et si doux, s'ils ne sont pas étrangers ici, y doivent être assez faibles.

OROU. Nous y avons suppléé par un autre, qui est tout autrement général, énergique et durable, l'intérêt. Mets la main sur la conscience, laisse là cette fanfaronnade de vertu, qui est sans cesse sur les lèvres de tes camarades, et qui ne réside pas au fond de leur cœur; dis-moi si, dans quelque contrée que ce soit, il y a un père qui, sans la honte qui le retient, n'aimât mieux perdre son enfant, un mari qui n'aimât mieux perdre sa femme que sa fortune et l'aisance de toute sa vie. Sois sûr que partout où l'homme sera attaché à la conservation de son semblable comme à son lit, à sa santé, à son repos, à sa cabane, à ses fruits, à ses champs, il fera pour lui tout ce qu'il est possible de faire. C'est ici que les pleurs trempent la couche d'un enfant qui souffre ; c'est ici que les mères sont soignées dans la maladie ; c'est ici qu'on prise une femme féconde, une fille nubile, un garçon adolescent ; c'est ici qu'on s'occupe de leur institution, parce que leur conservation est toujours un accroissement, et leur perte toujours une diminution de fortune.
L'AUMONIER. Je crains bien que ce sauvage n'ait raison. Le paysan misérable de nos contrées, qui excède sa femme pour soulager son cheval, laisse périr son enfant sans secours et appelle le médecin pour son bœuf...

OROU. Je n'entends pas trop ce que tu viens de dire ; mais, à ton retour dans ta patrie si policée, tâche d'y introduire ce ressort ; et c'est alors qu'on y sentira le prix de l'enfant qui naît, et l'importance de la population. Veux-tu que je te révèle un secret? mais prends garde qu'il ne t'échappe. Vous arrivez, nous vous abandonnons nos femmes et nos filles, vous vous en étonnez, vous nous en témoignez une gratitude qui nous fait rire. Vous nous remerciez, lorsque nous asseyons sur toi et sur tes compagnons la plus forte de toutes les impositions. Nous ne t'avons point demandé d'argent, nous ne nous sommes point jetés sur tes marchandises, nous avons méprisé tes denrées ; mais nos femmes et nos filles sont venues exprimer le sang de tes veines. Quand tu t'éloigneras, tu nous auras laissé des enfants ; ce tribut levé sur ta personne, sur ta propre substance, à ton avis, n'en vaut-il pas bien un autre ?

Extrait du chapitre IV

 

Problématique Comment la connaissance de l’autre favorise-t-elle la découverte de soi ?

Problématiques possibles :

  • MONTREZ QUE CE DIALOGUE PHILOSOPHIQUE TRAITE DE FACON DIRECTE ET ORIGINALE LE THEME DE LA COLONISATION.
  • COMMENT DIDEROT DEFEND-IL D’UNE MANIERE ORIGINALE LA PHILOSOPHIE DES LUMIERES ?
  • COMMENT LA CONNAISSANCE DE L’AUTRE FAVORISE-T-ELLE LA DECOUVERTE DE SOI ?

 

Problématique

Comment la connaissance de l’autre favorise-t-elle la découverte de soi ?

Dialogue entre un tahitien et un occidental

  1. Des révélations d’une lointaine contrée

Deux personnages différents l’un de l’autre porteur de deux thèses.

Cet extrait met en scène deux personnages foncièrement différents : Orou et l’aumônier. L’aumônier est le représentant d’une civilisation (l’occident) et d’une religion. Il incarne les valeurs de fidélité, d’amour et les sentiments altruistes. Il commence à s’adresser à Orou avec condescendance dans sa première réplique mais ce dernier ne se laisse pas faire et répond à l’aumônier de manière brillante. Orou représente les Tahitiens, l’inconstance et paraît volage. Alors que l’aumônier défend « la tendresse maritale, l’amour paternel », Orou et son peuple prône « l’intérêt »

  1. L’intérêt prime sur l’amour

L’aumônier découvre des vérités qu’il n’aurait jamais imaginées et l’argumentaire de l’indigène porte ses fruits « je crains bien que ce sauvage n’ait raison. ». L’intérêt, défendu par Orou, semble avoir le dessus sur l’amour. L’intérêt ressort moral plus efficace que le sentiment, il est qualifié « général, énergique et durable ». De plus, intérêt et altruisme ne sont pas contradictoires. Orou utilise une loi générale qui met sur le même plan biens matériels et relations humaines. Ses propos sont illustrés par une série d’exemples qui sont mis en exergue par une anaphore « c’est ici ». Enfin, il termine sa tirade par une conclusion qui réaffirme la valeur de l’intérêt, introduite par « parce que ».

  1. La procréation : une richesse

La procréation est une richesse pour les Tahitiens et le sang une richesse matérielle « le sang de tes veines ». Les enfants sont la source de toutes richesses « Leur conservation est toujours un accroissement et leur perte toujours une diminution de fortune. ». La « femme féconde » la « fille nubile » et le « garçon adolescent » sont prisés.

Le secret d’Orou « Veux-tu que je te révèle un secret » met l’accent sur le manque d’intérêt qu’éprouve les européens envers les autres -hommes- alors que les tahitiens eux valorisent chaque individu. Les enfants que leur laissent les européens sont des biens valorisés. Prêter leurs femmes aux occidentaux est une stratégie d’accroissement. Ils prennent aux occidentaux non pas des biens superficiels mais une descendance. « ce tribut […] n’en vaut-il pas bien un autre ? »

  1. Qui entraine un nouveau regard sur sa société

  1. Une remise en question

Orou décide que l’aumônier doit se remettre en question.

Il est en train de convaincre : raisonnement logique et raisonné du général au particulier, preuves tangibles (recours au fait, exemples qui illustrent…). Il utilise également des questions rhétoriques. « dis-moi si dans quelque contrée que ce soit il y a » « ce tribut […] n’en vaut-il pas bien un autre ? »

Il emploie le tutoiement, preuve de familiarité contraire au comportement des Européens.

Phrases de types injonctives : impératif « mets la main sur ta conscience »

  1. Une supériorité inattendue : celle des indigènes

Orou monopolise la parole, c’est lui qui a le pouvoir dans cet échange, ses tirades sont plus longues et il est plus éloquent.

En réalité, l’hospitalité spontanée des Tahitiens cache un intérêt, un piège =  Les préjugés sur les tahitiens sont détrompés, ils ne sont pas idiots.

« Quand tu t’éloigneras, tu nous auras laissé des enfants »

Lexique de la guerre : « imposition » « tribut »

Les occidentaux sont en réalité les plus naïfs car ils pensent être supérieurs

  1. Des défauts mis en exergue

Orou se moque des Européens, qui, à travers ce texte, se rendent compte de leurs défauts. Tournure ironique  « ta patrie si policée »

Périphrase péjorative : « fanfaronnade de vertu » discrédite la morale traditionnelle et critique l’hypocrisie des occidentaux

Conclusion

Ainsi, Diderot en déléguant sa parole à Orou nous donne une leçon philosophique originale sous forme de dialogue qui nous permet de mieux nous connaître. L’aumônier, ce personnage sage et respecté, dont la parole est valorisée, au contact d’Orou, découvre des vérités sur son peuple. Nous est ici présenté un Tahitien très éloquent qui arrive à réfuter la thèse de l’aumônier. De cette confrontation entre deux civilisations ressort une compréhension accrue de soi-même.

 Ouverture : Quel autre auteur donne la parole à un opprimé ? (Marivaux à l’esclave Cléanthis)

 

 

Paul gauguin fatata te miti

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" En quoi le Détour par l'Autre est-il un bon moyen de dénoncer les travers de notre société ? Le voyage est-il à la fois une ouverture sur le monde et une découverte de nous-même?  

Pour aller plus loin dans votre réflexion 

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Pour aller plus loin, vous pouvez consulter une dissertation sur le thème du voyage

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Date de dernière mise à jour : 21/11/2022

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