Fiche auteur bac philosophie terminale 2024- Lévi-Strauss, biographie, citations, oeuvres principales, textes de référence, vidéos

Textes de référence, réflexions, lexiques de citations et de définitions. Deux commentaires philosophiques sur les structures élémentaires de la parenté

Strauss

La culture, définition, réflexions autour de Darwin, Lévi-Strauss, Arendt, La controverse de Valladolid,les Indiens du Nouveau-Monde sont-ils des hommes?

Qu'est-ce qui fait de l'homme un être de culture? Est-il par nature un être de culture ? la culture sert-elle à changer le monde? Y a t'-il en nous quelque chose qui échappe à la culture? Suis-je défini par ma culture?la culture fait-elle l'homme?

Commentaires philosophiques sur la Crise de la culture, Arendt et Claude Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté

Commentaires philosophiques sur Les structures élémentaires de la parenté

Supports textes dans le cours 

Deux commentaires philosophiques sur la Crise de la culture, Arendt 

Support 1 : philosophie C. étrangers groupe 1, 2019
Support 2 : Bac philo technologique Pondichéry 2018

 

Arendt 2

L'existence humaine et la culture. Bac de philosophie 

L'existence humaine et la culture. Bac de philosophie 2023- Parcours d'étude : Notre nature : notre constitution biologique-notre culture-Critère du culturel et relativité des cultures-L’être humain comme être culturel-Ethnocentrisme et relativité des cultures - Ressources scolaires diverses.

Strauss

Qu'est-ce qui fait de l'homme un être de culture? Ethnocentrisme et relativité des cultures- Cours, réflexions sur la séquence culture

Qu'est-ce qui fait de l'homme un être de culture? Ethnocentrisme, relativité des cultures- bac de philosophie 2023-Définition, réflexions autour de Darwin, Lévi-Strauss, Arendt, La controverse de Valladolid, Indiens du Nouveau-Monde sont-ils des hommes? l'homme un être de culture? la culture fait-elle l'homme?

Biographie

Claude Lévi-Strauss, né Gustave Claude Lévi le 28 novembre 1908 à Bruxelles et mort le 30 octobre 2009 (à 100 ans) en son domicile, 2, rue des Marronniers, dans le 16e arrondissement de Paris, est un anthropologue et ethnologue français qui a exercé une influence décisive sur les sciences humaines dans la seconde moitié du XXe siècle, devenant notamment l'une des figures fondatrices du structuralisme.

Professeur honoraire au Collège de France, il y a occupé la chaire d'anthropologie sociale de 1959 à 1982. Il était également membre de l'Académie française dont il est devenu le premier centenaire

Depuis ses premiers travaux sur les peuples indigènes du Brésil, qu'il avait étudiés sur le terrain entre 1935 et 1939, et la publication de sa thèse Les Structures élémentaires de la parenté en 1949, il a produit une œuvre scientifique dont les apports ont été reconnus au niveau international. Il a ainsi consacré une tétralogie, les Mythologiques, à l'étude des mythes. Mais il a également publié des ouvrages qui sortent du strict cadre des études académiques, dont le plus célèbre, Tristes Tropiques, publié en 1955, l'a fait connaître et apprécier d'un vaste cercle de lecteurs.

 

 

Vous pouvez aussi consulter 

 

 

 

 

Oeuvres

1948 La Vie familiale et sociale des Indiens Nambikwara

1949 Les Structures élémentaires de la parenté

1952 Race et Histoire

1955 Tristes Tropiques

1958 Anthropologie structurale (Plon)

1961 Entretiens avec Claude Lévi-Strauss - Georges Charbonnier

1962 La Pensée sauvage (Plon)

1962 Le Totémisme aujourd’hui (PUF)

1964 Le Cru et le Cuit

1967 Du miel aux cendres

1968 L’Origine des manières de table

1971 L’Homme nu

1973 Anthropologie structurale, II

1975 La Voie des masques - édition augmentée (Plon)

1983 Le Regard éloigné (Plon)

1984 Paroles données (Plon)

1985 La Potière jalouse (Plon)

1988 De près et de loin (Odile Jacob)

1991 Histoire de Lynx (Plon)

1993 Regarder, écouter, lire (Plon)

1994 Saudades do Brasil

1995 Saudades de São Paulo

Discours et travaux académiques

Discours de réception de Claude Lévi-Strauss, le 27 juin 1974

Réponse au discours de réception d’Alain Peyrefitte, le 13 octobre 1977

Réponse au discours de réception de Georges Dumézil, le 14 juin 1979

Discours pour l’inauguration d’une place Henry de Montherlant, Paris VIIe, le 1 décembre 1982

Hommage prononcé à l’occasion du décès de M. André Roussin, le 5 novembre 1987

Entretiens

  • Entretiens avec Claude Lévi-Strauss par Georges Charbonnier, Plon et Julliard, 1961
  • Claude Lévi-Strauss et Didier Eribon, De près et de loin, Paris, Odile Jacob,  
  • Loin du Brésil : entretien avec Véronique Mortaigne, Paris, Chandeigne, 2005 
  • La Notion de maison, entretien avec Claude Lévi-Strauss par Pierre Lamaison, Terrain, 1987(9), p. 34-39 
  • Lévi-Strauss. L'homme derrière l'œuvre, Émilie Joulia, entretiens avec des proches de Claude Lévi-Strauss et discours à l'Académie française, Paris, Jean-Claude Lattès, 2008

 

Filmographie

  • Claude Lévi-Strauss, entretien réalisé dans la propriété bourguignonne de Claude Lévi-Strauss par Jean José Marchand et Pierre Beuchot, 1972 ; DVD produit par l'INA & Arte distribué par les Éditions Montparnasse
  • Entretien avec Claude Lévi-Strauss, Michel Treguer, 32 min, CNRS Audiovisuel, 1976
  • Claude Lévi-Strauss, entretien avec Bernard Pivot ; DVD édité par les éditions Gallimard et l'INA, 2004
  • À propos de « Tristes Tropiques », 52 min, film Super 16, 1991
  • Le siècle de Lévi-Strauss de Pierre Assouline, 52 min, INA, Arte, Cinétévé, 2016

 

VIDEOS

Citations 

Citations à retenir

LEVI-STRAUSS Claude (XX°)

« Le barbare, c’est l’homme qui croit à la barbarie », Race et Histoire

« Elle (la prohibition de l’inceste) constitue une règle, mais une règle qui, seule entre toutes les règles sociales, possède en même temps un caractère d'universalité ».

 « Partout où la règle se manifeste, nous savons avec certitude être à l’étage de la culture. Symétriquement, il est aisé de reconnaitre dans l’universel le critérium de la nature. " Les Structures élémentaires de la parenté (1948)

Race et Histoire, 1952

 

Le péché originel de l'anthropologie consiste dans la confusion entre la notion purement biologique de race (à supposer, d'ailleurs, que, même sur ce terrain limité, cette notion puisse prétendre à l'objectivité, ce que la génétique moderne conteste) et les productions sociologiques et psychologiques des cultures humaines.

  • Race et Histoire (1952), Claude Lévi-Strauss, éd. Folio, coll. « Essais », 1989 

 

[L'humanité] ne se développe pas sous le régime d'une uniforme monotonie, mais à travers des modes extraordinairement diversifiés de sociétés et de civilisations ; cette diversité intellectuelle, esthétique, sociologique, n'est unie par aucune relation de cause à effet à celle qui existe, sur le plan biologique, entre certains aspects observables des groupements humains ; elle lui est seulement parallèle sur un autre terrain.

  • Race et Histoire (1952), Claude Lévi-Strauss, éd. Folio, coll. « Essais », 1989 

 

Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie.

  • Race et Histoire (1952), Claude Lévi-Strauss, éd. Folio, coll. « Essais », 1989  

 

La simple proclamation de l'égalité naturelle entre tous les hommes et de la fraternité qui doit les unir, sans distinction de races ou de cultures, a quelque chose de décevant pour l'esprit, parce qu'elle néglige une diversité de fait, qui s'oppose à l'observation...

  • Race et Histoire (1952), Claude Lévi-Strauss, éd. Folio, coll. « Essais », 1989 

 

Les anciens chinois, les Eskimos, avaient poussé très loin les arts mécaniques ; et il s'en est fallu de fort peu qu'ils n'arrivent au point où la « réaction en chaîne » se déclenche, déterminant le passage d'un type de civilisation à l'autre.

  • L'exemple de la poudre à canon
  • Race et Histoire (1952), Claude Lévi-Strauss, éd. Folio, coll. « Essais », 1989 

 

La civilisation mondiale ne saurait être autre chose que la coalition de cultures, préservant chacune son originalité.

  • Race et Histoire (1952), Claude Lévi-Strauss

 

La tolérance n'est pas une position contemplative. C'est une attitude dynamique, qui consiste à prévoir, à comprendre et à promouvoir ceux qui veulent être tolérants.

  • Race et Histoire (1952), Claude Lévi-Strauss, éd. Folio, coll. « Essais », 1989  

 

La diversité des cultures est derrière nous, autour de nous et devant nous. La seule exigence que nous puissions faire valoir à son endroit (créatrice pour chaque individu des devoirs correspondants) est qu'elle se réalise sous des formes dont chacune soit une contribution à la plus grande générosité des autres.

  • Race et Histoire (1952), Claude Lévi-Strauss, éd. Folio, coll. « Essais », 1989

Tristes Tropiques, 1955

 

Je hais les voyages et les explorateurs.

  • Tristes Tropiques (1955), Claude Lévi-Strauss, éd. Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 2008 

 

Aujourd’hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions pesamment ancrés au fond des mers du Sud, où l’Asie tout entière prend le visage d’une zone maladive, où les bidonvilles rongent l’Afrique, où l’aviation commerciale et militaire flétrit la candeur de la forêt américaine ou mélanésienne avant même d’en pouvoir détruire la virginité, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique ? Cette grande civilisation occidentale, créatrice des merveilles dont nous jouissons, elle n’a certes pas réussi à les produire sans contrepartie. Comme son œuvre la plus fameuse, pile où s’élaborent des architectures d’une complexité inconnue, l’ordre et l’harmonie de l’Occident exigent l’élimination d’une masse prodigieuse de sous-produits maléfiques dont la terre est aujourd’hui infectée. Ce que d’abord vous nous montrez, voyages, c’est notre ordure lancée au visage de l’humanité.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001  

 

L'humanité s'installe dans la mono-culture ; elle s'apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que ce plat.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001 

 

Moins les cultures humaines étaient en mesure de communiquer entre elles et donc de se corrompre par leur contact, moins aussi leurs émissaires respectifs étaient capables de percevoir la richesse et la signification de cette diversité.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001  

 

Tout problème, grave ou futile, peut être liquidé par l'application d'une méthode, toujours identique, qui consiste à opposer deux vues traditionnelles de la question ; à introduire la première par les justifications du sens commun, puis à les détruire au moyen de la seconde ; enfin à les renvoyer dos à dos grâce à une troisième qui révèle le caractère également partiel des deux autres, ramenés par des artifices de vocabulaire aux aspects complèmentaires d'une même réalité: forme et fond, contenant et contenu, être et paraître, continu et discontu, essence et existence, etc.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001

 

Un voyage s'inscrit simultanément dans l'espace, dans le temps, et dans la hiérarchie sociale. Chaque impression n'est définissable qu'en les rapportant solidairement à ces trois axes, et comme l'espace possède à lui seul trois dimensions, il en faudrait au moins cinq pour se faire du voyage une représentation adéquate.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001  

 

Ce que nous nommons exotisme traduit une inégalité de rythme, significative pendant le laps de quelques siècles et voilant provisoirement un destin qui aurait bien pu demeurer solidaire.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001  

 

La liberté n'est ni une invention juridique ni un trésor philosophique, propriété chérie de civilisations plus dignes que d'autres parce qu'elles seules sauraient la produire ou la préserver. Elle résulte d'une relation objective entre l'individu et l'espace qu'il occupe, entre le consommateur et les ressources dont il dispose.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001 

 

Il faut beaucoup de naïveté ou de mauvaise foi pour penser que les hommes choisissent leurs croyances indépendamment de leur condition.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001  

 

Ce n’est pas seulement pour duper nos enfants que nous les entretenons dans la croyance au Père Noël : leur ferveur nous réchauffe, nous aide à nous tromper nous-mêmes et à croire, puisqu’ils y croient, qu’un monde de générosité sans contrepartie n’est pas absolument incompatible avec la réalité. Et pourtant, les hommes meurent, ils ne reviennent jamais ; et tout ordre social se rapproche de la mort, en ce sens qu’il prélève quelque chose contre quoi il ne donne pas d’équivalent.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001 

 

Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui. Les institutions, les mœurs et les coutumes, que j’aurai passé ma vie à inventorier et à comprendre, sont une efflorescence passagère d’une création par rapport à laquelle elles ne possèdent aucun sens, sinon peut-être de permettre à l’humanité d’y jouer son rôle. Loin que ce rôle lui marque une place indépendante et que l’effort de l’homme – même condamné – soit de s’opposer vainement à une déchéance universelle, il apparaît lui-même comme une machine, peut-être plus perfectionnée que les autres, travaillant à la désagrégation d’un ordre originel et précipitant une matière puissamment organisée vers une inertie toujours plus grande et qui sera un jour définitive.

  • Tristes Tropiques, Claude Lévi-Strauss, éd. Pocket, 2001  

TEXTES DE REFERENCE

Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, 1955.

 [Lors d’une expédition au Brésil, en 1938, l’ethnologue Claude Lévi-Strauss a partagé la vie quotidienne d’un peuple indien, les Nambikwara.]

 

            Pour moi, qui les ai connus à une époque où les maladies introduites par l’homme blanc les avaient déjà décimés, mais où – depuis des tentatives toujours humaines de Rondon1 – nul n’avait entrepris de les soumettre, je voudrais oublier cette description navrante2 et ne rien conserver dans la mémoire, que ce tableau repris de mes carnets de notes où je le griffonnai une nuit à la lueur de ma lampe de poche : « Dans la savane obscure, les feux de campement brillent. Autour du foyer, seule protection contre le froid qui descend, derrière le frêle paravent de palmes et de branchages hâtivement planté dans le sol du côté d’où on redoute le vent ou la  pluie ; auprès des hottes emplies des pauvres objets qui constituent toute une richesse terrestre ; couchés à même la terre qui s’étend alentour, hantée par d’autres bandes également hostiles et craintives, les époux, étroitement enlacés, se perçoivent comme étant l’un pour l’autre le soutien, le réconfort, l’unique secours contre les difficultés quotidiennes et la mélancolie rêveuse qui, de temps à autre, envahit l’âme nambikwara. Le visiteur qui, pour la première fois, campe dans la brousse avec les Indiens, se sent pris d’angoisse et de pitié devant le spectacle de cette humanité si totalement démunie ; écrasée, semble-t-il, contre le sol d’une terre hostile par quelque implacable cataclysme ; nue, grelottante auprès des feux vacillants. Il circule à tâtons parmi les broussailles, évitant de heurter une main, un bras, un torse, dont on devine les chauds reflets à la lueur des feux. Mais cette misère est animée de chuchotements et de rires. Les couples s’étreignent comme dans la nostalgie d’une unité perdue ; les caresses ne s’interrompent pas au passage de l’étranger. On devine chez tous une immense gentillesse, une profonde insouciance, une naïve et charmante satisfaction animale, et, rassemblant ces sentiments divers, quelque chose comme l’expression la plus émouvante et la plus véridique de la tendresse humaine. »

 

1- Rondon (1865-1958), explorateur brésilien qui tenta d’adapter les Indiens à la vie moderne tout en cherchant à préserver leurs mœurs et coutumes. ?2- Lévi-Strauss vient de lire un compte-rendu ethnologique indiquant que la situation de la tribu dont il avait partagé la vie quinze ans auparavant s’est extrêmement dégradée.

 

Claude Lévi-Strauss, Les structures élémentaires de la parenté, Chapitre I Nature et culture, 1949.

«Posons donc que tout ce qui est universel, chez l'homme, relève de l'ordre de la nature et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier. Nous nous trouvons alors confrontés avec un fait, ou plutôt un ensemble de faits, qui n'est pas loin, à la lumière des définitions précédentes, d'apparaître comme un scandale : nous voulons dire cet ensemble complexe de croyances, de coutumes, de stipulations et d'institutions que l'on désigne sommairement sous le nom de prohibition de l'inceste. Car la prohibition de l'inceste présente, sans la moindre équivoque, et indissolublement réunis, les deux caractères où nous avons reconnu les attributs contradictoires de deux ordres exclusifs: elle constitue une règle, mais une règle qui, seule entre toutes les règles sociales, possède en même temps un caractère d'universalité. Que la prohibition de l'inceste constitue une règle n'a guère besoin d'être démontré ; il suffira derappeler que le mariage entre proches parents peut avoir un champ d'application variable selon la façon dont chaque groupe définit ce qu'il entend par proche parent ; mais que cette interdiction, sanctionnée par des pénalités sans doute variables, et pouvant aller de l'exécution immédiate des coupables à la réprobation diffuse, parfois seulement à la moquerie, est toujours présente dans n'importe quel groupe social.»

Claude Lévi-Strauss (né en 1908) quant à lui utilise l’opposition de l’universel et du particulier pour distinguer la nature de la culture.

 Partout où la règle se manifeste, nous savons avec certitude être à l’étage de la culture. Symétriquement, il est aisé de reconnaître dans l’universel le critère de la nature. Car ce qui est constant chez tous les hommes échappe nécessairement au domaine des coutumes, des techniques et des institutions par lesquelles leurs groupes se différencient et s’opposent. À défaut d’analyse réelle, le double critère de la norme et de l’universalité apporte le principe d’une analyse idéale, qui peut permettre – au moins dans certains cas et dans certaines limites – d’isoler les éléments naturels des éléments culturels qui interviennent dans les synthèses de l’ordre plus complexe. Posons donc que tout ce qui est universel, chez l’homme, relève de l’ordre de la nature et se caractérise par la spontanéité, que tout ce qui est astreint à une norme appartient à la culture et présente les attributs du relatif et du particulier. 

 

Lévi-Strauss, Race et histoire, 1952

L'attitude la plus ancienne, et qui repose sans doute sur des fondements psychologiques solides puisqu'elle tend à réapparaître chez chacun de nous quand nous sommes placés dans une situation inattendue, consiste à répudier purement et simplement les formes culturelles : morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. « Habitudes de sauvages », « cela n'est pas de chez nous » , « on ne devrait pas permettre cela », etc., autant de réactions grossières qui traduisent ce même frisson, cette même répulsion, en présence de manières de vivre, de croire ou de penser qui nous sont étrangères. Ainsi l'Antiquité confondait-elle tout ce qui ne participait pas de la culture grecque (puis gréco-romaine) sous le même nom de barbare; la civilisation occidentale a ensuite utilisé le terme de sauvage dans le même sens. Or derrière ces épithètes se dissimule un même jugement. Il est probable que le mot barbare se réfère étymologiquement à la confusion et à l'inarticulation du chant des oiseaux, opposées à la valeur signifiante du langage humain et sauvage, qui veut dire « de la forêt », évoque aussi un genre de vie animale, par opposition à la culture humaine. Dans les deux cas, on refuse d'admettre le fait même de la diversité culturelle on préfère rejeter hors de la culture, dans la nature, tout ce qui ne se conforme pas à la norme sous laquelle on vit.

Ce point de vue naïf, mais profondément ancré chez la plupart des hommes, n'a pas besoin d'être discuté puisque cette brochure en constitue précisément la réfutation. I1 suffira de remarquer ici qu'il recèle un paradoxe assez significatif. Cette attitude de pensée, au nom de laquelle on rejette les « sauvages » (ou tous ceux qu'on choisit de considérer comme tels) hors de l'humanité, est justement l'attitude la plus marquante et la plus distinctive de ces sauvages mêmes. On sait, en effet, que la notion d'humanité, englobant, sans distinction de race ou de civilisation, toutes les formes de l'espèce humaine, est d'apparition fort tardive et d'expansion limitée. Là même où elle semble avoir atteint son plus haut développement, il n'est nullement certain l'histoire récente le prouve qu'elle soit établie à l'abri des équivoques ou des régressions. Mais, pour de vastes fractions de l'espèce humaine et pendant des dizaines de millénaires, cette notion paraît être totalement absente. L'humanité cesse aux frontières de la tribu, du groupe linguistique, parfois même du village; à tel point qu'un grand nombre de populations dites primitives se désignent d'un nom qui signifie les hommes » (ou parfois dirons-nous avec plus de discrétion les « bons », les « excellents », les « complets »), impliquant ainsi que les autres tribus, groupes ou villages ne participent pas des vertus ou même de la nature humaines, niais sont tout au plus composés de « mauvais », de « méchants », de « singes de terre » ou d' « œufs de pou ». On va souvent jusqu'à priver l'étranger de ce dernier degré de réalité en en faisant un « fantôme » ou une « apparition ». Ainsi se réalisent de curieuses situations où deux interlocuteurs se donnent cruellement la réplique. Dans les Grandes Antilles, quelques années après la découverte de l'Amérique, pendant que les Espagnols envoyaient des commissions d'enquête pour rechercher si les indigènes possédaient ou non une me, ces derniers s'employaient à immerger des blancs prisonniers afin de vérifier par une surveillance prolongée si leur cadavre était, ou non, sujet à la putréfaction.

Cette anecdote à la fois baroque et tragique illustre bien le paradoxe du relativisme culturel (que nous retrouverons ailleurs sous d'autres formes) c'est dans la mesure même où l'on prétend établir une discrimination entre les cultures et les coutumes que l'on s'identifie le plus complètement avec celles qu'on essaye de nier. En refusant l'humanité à ceux qui apparaissent comme les plus « sauvages» ou « barbares » de ses représentants, on ne fait que leur emprunter une de leurs attitudes typiques. Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie.

 

Date de dernière mise à jour : 01/08/2023

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