Le travail, séquence culture bac philo 2024-Travail, technique et humanités-Finalités du travail et du progrès technique

Penser les origines-Pourquoi les hommes en sont-ils venus à devoir travailler à avoir recours à la technique?Par la technique l'homme fait servir la nature à ses fins-Par le travail l'homme s'humanise

Trepalium

 

 

Tripalium définition :

 «tripalium”, c’était le nom d’un instrument de torture à trois branches chez les Romains, et c’est la racine du mot “travail”. Étymologiquement le mot “travail” vient d’un instrument de torture qui s’appelle comme les bâtiments d’ici, où ils nous exploitent et nous torturent, tu saisis ? 

Dans ce cours = Repérage et analyse des distinctions conceptuelles autour des corrigés des sujets suivants :

 Ne travaille-t-on que pour subvenir à ses besoins ? Distinctions conceptuelles, nécessité/Obligation/Choix

Doit-on faire du travail une valeur ? Il faut définir la notion de «devoir». Elle renvoie tantôt à une nécessité (est-il nécessaire de), tantôt à une exigence  éthique, morale ou  logique

Philosophie

Problématiser les notions essentielles du programme du bac de philosophie : nécessité, contrainte, obligation = repères philosophiques

Problématiser les notions essentielles du programme du bac de philosophie: nécessité, contrainte, obligation- Ne travaille-t-on que pour subvenir à ses besoins ? Le respect de la morale est-il une preuve de liberté ? Doit-on faire du travail une valeur? L’homme politique doit-il être efficace à tout prix?

Travail, technique et humanité :

Le travail et la technique = Penser les origines : Pourquoi et comment les hommes en sont-ils venus à devoir travailler ou à avoir recours à la technique ?

 

Notions également traitées dans ce chapitre :

La culture - La conscience - La liberté - Le bonheur - La société et les échanges - Le désir - Le devoir - La matière et l'esprit

Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l'Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ? La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin. Mais quant au fruit de l'arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n'en mangerez point et vous n'y toucherez point, de peur que vous ne mouriez. Alors le serpent dit à la femme : Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal. La femme vit que l'arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu'il était précieux pour ouvrir l'intelligence ; elle prit de son fruit, et en mangea ; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d'elle, et il en mangea. Les yeux de l'un et de l'autre s'ouvrirent, ils connurent qu'ils étaient nus, et ayant cousu des feuilles de figuier, ils s'en firent des ceintures. Alors ils entendirent la voix de l'Éternel Dieu, qui parcourait le jardin vers le soir, et l'homme et sa femme se cachèrent loin de la face de l'Éternel Dieu, au milieu des arbres du jardin. Mais l'Éternel Dieu appela l'homme, et lui dit : Où es-tu ? Il répondit : J'ai entendu ta voix dans le jardin, et j'ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché. Et l'Éternel Dieu dit : Qui t'a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l'arbre dont je t'avais défendu de manger ? L'homme répondit : La femme que tu as mise auprès de moi m'a donné de l'arbre, et j'en ai mangé. Et l'Éternel Dieu dit à la femme : Pourquoi as-tu fait cela ? La femme répondit : Le serpent m'a séduite, et j'en ai mangé. L'Éternel Dieu dit au serpent : Puisque tu as fait cela, tu seras maudit entre tout le bétail et entre tous les animaux des champs, tu marcheras sur ton ventre, et tu mangeras de la poussière tous les jours de ta vie. Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité : celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon. Il dit à la femme : J'augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. Il dit à l'homme : Puisque tu as écouté la voix de ta femme, et que tu as mangé de l'arbre au sujet duquel je t'avais donné cet ordre : Tu n'en mangeras point ! le sol sera maudit à cause de toi. C'est à force de peine que tu en tireras ta nourriture tous les jours de ta vie, il te produira des épines et des ronces, et tu mangeras de l'herbe des champs. C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris ; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière. Adam donna à sa femme le nom d'Eve : car elle a été la mère de tous les vivants. L'Éternel Dieu fit à Adam et à sa femme des habits de peau, et il les en revêtit. L'Éternel Dieu dit : Voici, l'homme est devenu comme l'un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d'avancer sa main, de prendre de l'arbre de vie, d'en manger, et de vivre éternellement. Et l'Éternel Dieu le chassa du jardin d'Éden, pour qu'il cultivât la terre, d'où il avait été pris. C'est ainsi qu'il chassa Adam ; et il mit à l'orient du jardin d'Éden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l'arbre de vie.

La Bible, Livre de la genèse

 Analyse des termes :

Quels peuvent être les différents sens ou usages du mot

Travail dans la langue française ? (préciser la connotation éventuelle)

A quels mots ou idées associez-vous le travail ?

A quels mots ou idées l'opposeriez-vous ?

Chercher les différentes définitions du mot Technique.

Quels liens y'a-t-il entre le travail et la technique ?

Travail, technique et humanité :

Le travail et la technique sont-ils des activités spécifiquement humaines ?

En quoi nous renseignent-ils sur le rapport de l'homme à la nature ?

Le travail est-il humanisant ou révèle-t-il notre soumission à la nécessité ?

La technique nous éloigne-t-elle de la nature, de notre nature, ou l'accomplit-elle ?  

Penser les origines : Pourquoi et comment les hommes en sont-ils venus à devoir travailler ou à avoir recours à la technique ?

a) Dans la Bible, plus précisément dans la Genèse,le travail est décrit comme une malédiction, il est une des conséquences du pêché originel. L'homme est condamné à travailler, c'est-à-dire à produire ses moyens de subsistance, alors que dans le jardin d'Eden aucun effort n'était à produire. Notez au passage, que "la femme" est elle aussi condamné "au travail", mais cette fois dans le sens obstétrique, c'est-àdire à "enfanter dans la douleur". Dans ce contexte, et pour de nombreux siècles donc, le travail est labeur, il est associé à la peine, la souffrance, il est vécu comme une contrainte. Il faudra attendre la renaissance, et plus particulièrement l'émergence du protestantisme, comme l'a montré le sociologue Max Weber, pour que dans le cadre même du christianisme, l'activité "travail" soit réévaluée : Dans L'Ethique protestante et l'esprit du capitalisme (1905), le sociologue montre en effet que la théologie protestante a élaboré un nouveau sens des activités que l'on regroupe aujourd'hui sous le terme de travail. Pour le dire rapidement, travailler signifie exploiter ses talents, talents qui ont été mis en nous par Dieu. Travailler revient donc à rendre hommage à Dieu, à répondre à la vocation qu'il a définie pour nous. Weber signale d'ailleurs que dans la traduction en allemand de la Bible par Luther, le même mot désigne la vocation (dans son sens religieux : appel de Dieu) et le métier : Beruf.

 b) Si l'on revient sur la question de savoir comment ont été pensé les origines du travail (et de la technique), on peut également revenir aux grecs et plus précisément à un mythe célèbre raconté par Platon : le Mythe de Prométhée. Si on passe directement à l'interprétation que nous pouvons faire de ce mythe, au-delà de l'histoire légendaire qu'il raconte, on voit que l'homme est conçu comme naturellement démuni, inachevé, incapable de survivre uniquement grâce à ce que la nature lui a donné. Elle s'est d'ailleurs montré passablement avare envers l'homme : il est "nu, sans chaussures, ni couverture, ni armes". Ainsi, l'homme ne doit-il sa survie qu'à la culture (à l'intervention de Prométhée dans le mythe, qui vole aux dieux "la connaissance des arts" (autrement dit la technique) et le feu), c'est-à-dire à ces dispositifs par lesquels il peut modifier la nature, la dépasser, s'en arracher. L'homme est donc, par nature, un être technique, ou un être de culture.

Le mythe de Prométhée

Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d'un mélange de terre et de feu et des éléments qui s'allient au feu et à la terre. Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Épiméthée de les pourvoir et d'attribuer à chacun des qualités appropriées. Mais Épiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. "Quand je l'aurai fini, dit-il, tu viendras l'examiner." Sa demande accordée, il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force ; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d'autres moyens de conservation ; (...) Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races. (...) Cependant Épiméthée, qui n'était pas très réfléchi, avait, sans y prendre garde, dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire. Dans cet embarras, Prométhée vient pour examiner le partage ; il voit les animaux bien pourvus, mais l'homme nu, sans chaussures, ni couverture, ni armes, et le jour fixé approchait où il fallait l'amener du sein de la terre à la lumière. Alors Prométhée, ne sachant qu'imaginer pour donner à l'homme le moyen de se conserver, vole à Héphaïstos et à Athéna la connaissance des arts avec le feu ; car, sans le feu, la connaissance des arts est impossible et inutile ; et il en fait présent à l'homme. L'homme eut ainsi la science propre à conserver sa vie ; mais il n'avait pas la science politique.

c) Enfin, même si ce texte de Hume ne parle pas explicitement du travail ou de la technique, il peut être intéressant à lire dans ce chapitre car lui aussi insiste sur cette idée, à travers la nécessité de la vie sociale pour l'homme, de la nécessité que les hommes transforment le monde pour vivre, qu'ils modifient la nature ensemble et en coopérant. Ce texte met donc l'accent sur un aspect du travail dont nous n'avons pas parlé jusque là : il est une activité éminemment sociale, il est un "facteur de lien social" comme disent les sociologues, puisqu'il implique depuis très longtemps, dans toutes les sociétés complexes et dépassant la tribu faite de quelques individus, une division du travail (sur cette idée, voir déjà ce texte de Platon) : on gagne en efficacité en se répartissant les tâches, en se spécialisant. Une interdépendance apparaît donc entre les différents membres de la société, puisque l'agriculteur a besoin du forgeron, qui lui-même a besoin du boulanger etc...

La nature de l'homme appelle la culture, Hume

Il semble, à première vue, que de tous les animaux qui peuplent le globe terrestre, il n'y en ait pas un à l'égard duquel la nature ait usé de plus de cruauté qu'envers l'homme : elle l'a accablé de besoins et de nécessités innombrables et l'a doté de moyens insuffisants pour y subvenir. Chez les autres créatures, ces deux éléments se compensent l'un l'autre. Si nous regardons le lion en tant qu'animal carnivore et vorace, nous aurons tôt fait de découvrir qu'il est très nécessiteux, mais si nous tournons les yeux vers sa constitution et son tempérament, son agilité, son courage, ses armes et sa force, nous trouverons que ces avantages, sont proportionnés à ses besoins. Le mouton et le bœuf sont privés de tous ces avantages, mais leurs appétits sont modérés et leur nourriture est d'une prise facile. Il n'y a que chez l'homme que l'on peut observer à son plus haut degré d'achèvement cette conjonction de la faiblesse et du besoin. Non seulement la nourriture, nécessaire à sa subsistance, disparaît quand il la recherche et l'approche, ou, au mieux, requiert son labeur pour être produite, mais il faut qu'il possède vêtements et maison pour se défendre des dommages du climat : pourtant, à la considérer seulement en lui-même il n'est pourvu ni d'armes, ni de force, ni d'autres capacités naturelles qui puissent à quelque degré répondre à tant de besoins. Ce n'est que par la société qu'il est capable de suppléer à ses déficiences et de s'élever à une égalité avec les autres créatures, voire d'acquérir une supériorité sur elles par la société, toutes ses infirmités sont compensées et bien qu'en un tel état ses besoins se multiplient sans cesse, néanmoins ses capacités s'accroissent toujours plus et le laissent, à tous points de vue, plus satisfait et plus heureux qu'il ne pourrait jamais le devenir dans sa condition sauvage et solitaire.

Le travail, c'est pas humain ?

Le travail est-il une activité spécifiquement humaine ? L'homme se réalise-t-il en travaillant ou au contraire est-il ravalé au rang de bête (de somme) ?

a) L'homme s'affirme par le travail en s'opposant à la nature : Dans les deux textes qui suivent le travail est vu comme ce qui définit l'homme, ce qui lui permet de se distinguer de la nature dans laquelle il est pris, ce qui veut dire aussi, se distinguer des autres animaux. Cette manière de définir l'homme par sa capacité de s'éloigner, voire de "s'arracher" à la nature (selon une formule qu'utilisent souvent les auteurs se rattachant à cette vision de l'homme), a été désignée par la philosophe Dominique Meda par l'expression d'humanisme technologique. Le travail et la technique définissent l'homme, car c'est la distance que la culture creuse d'avec la nature qui lui permet de réaliser son essence. - Marx, L'abeille et l'architecte. - Bataille, L'homme nie la nature

b) Le travail nous enferme dans le cycle naturel production/consommation : Dans Condition de l'homme moderne (1958), Hannah Arendt s'interroge sur les différentes dimensions de ce qu'elle appelle la vita activa (par opposition à la vita contemplativa). Elle distingue dans ce champ, trois activités : le travail, l'œuvre et l'action. Arendt analyse ces différentes activités en fonction de leur rôle dans la construction du "monde humain". Or, qu'est-ce que le monde pour Arendt ? Il est constitué par les œuvres que les hommes ont produites depuis la nuit des temps : ce sont les œuvres d'art, les grandes législations, les découvertes scientifiques, les pensées des philosophes etc... Le monde humain est constitué de toutes ces créations qui donnent du sens à l'existence humaine, qui constituent un environnement qui dit aux hommes, spécialement aux "nouveaux venus", à tous ceux qui naissent, dans un mouvement perpétuel qui apporte du nouveau, ce que c'est qu'être humain. La caractéristique principale de ces œuvres est la durabilité : elles n'existent pas seulement pour une génération, mais sont transmises, précieusement conservées (penser aux œuvres d'art dont les conservateurs de musées ont la charge). Le travail au contraire ne produit que des biens destinés à être rapidement consommés (voir ce texte). Il s'inscrit, et il inscrit l'homme, dans le cycle de la nature. Il est l'expression de la part animale de l'homme. Nous travaillons parce que nous devons nous nourrir, protéger notre corps des attaques de la nature etc. Aucun produit du travail ne dure véritablement : c'est évident pour les aliments que nous produisons, mais cela est vrai aussi, de manière absolue, de biens qui ont une durée de vie plus longue relativement. Nos vêtements, nos ordinateurs, nos voitures ou même nos maisons sont rongés par l'obsolescence (programmée ou non...). C'est pour cette raison qu'Hannah Arendt, en revenant à la manière dont les grecs considéraient le travail, développe l'idée qu'il faut retrouver le sens d'autres activités, pour construire le monde humain : les activités réflexives, les œuvres, l'action politique.

Finalités du travail et du progrès technique :

Pourquoi travaillons-nous? Le travail, une nécessité naturelle - un accès à la liberté - Une contrainte -La valeur morale et anthropologique du travail

Le travail : une nécessité naturelle

Par la technique l'homme fait servir la nature à ses fins

  Le projet de la modernité, sa foi dans les progrès des sciences et des techniques, a été exprimé dans un texte célèbre de Descartes. Il y formule l'idée selon laquelle l'homme peut, grâce au progrès de la raison, espérer devenir "comme maître et possesseur de la nature

 

Le travail permet à l'homme d'accéder à la conscience de lui-même

 Hegel considère que l'homme ne se connaît pas lui-même, ou ne parvient pas à la conscience de soi, seulement de manière théorique, par la philosophie par exemple. Il y parvient aussi en agissant sur le monde, en le modifiant : "l'homme se constitue pour soi par son activité pratique, parce qu'il est poussé à se trouver lui-même, à se reconnaître lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce qui s'offre à lui extérieurement. Il y parvient en changeant les choses extérieures, qu'il marque du sceau de son intériorité et dans lesquelles il ne retrouve que ses propres déterminations


    - Hegel, texte tiré de l'introduction de l'Esthétique.

Les choses de la nature n'existent qu'immédiatement et d'une seule façon, tandis que l'homme, parce qu'il est esprit, a une double existence; il existe d'une part au même titre que les choses de la nature, mais d'autre part il existe aussi pour soi, il se contemple, se représente à lui-même, se pense et n'est esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi. Cette conscience de soi l'homme l'acquiert de deux manières : Primo, théoriquement, parce qu'il doit se pencher sur lui-même pour prendre conscience de tous les mouvements, replis et penchants du cœur humain et d'une façon générale se contempler, se représenter ce que la pensée peut lui assigner comme essence, enfin se reconnaître exclusivement aussi bien dans ce qu'il tire de son propre fond que dans les données qu'il reçoit de l'extérieur. Deuxièmement, l’homme se constitue pour soi par son activité pratique, parce qu'il est poussé à se trouver lui-même, à se reconnaître lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce qui s'offre à lui extérieurement. Il y parvient en changeant les choses extérieures, qu'il marque du sceau de son intériorité et dans lesquelles il ne retrouve que ses propres déterminations. L'homme agit ainsi, de par sa liberté de sujet, pour ôter au monde extérieur son caractère farouchement étranger et pour ne jouir des choses que parce qu'il y retrouve une forme extérieure de sa propre réalité. Ce besoin de modifier les choses extérieures est déjà inscrit dans les premiers penchants de l'enfant; le petit garçon qui jette des pierres dans le torrent et admire les ronds qui se forment dans l'eau, admire en fait une œuvre où il bénéficie du spectacle de sa propre activité.

Hegel, Esthétique, 1818-1829

 

Par le travail l'homme s'humanise et acquiert l'estime de soi

  Dans le texte qui suit, qui est tiré d'une œuvre dans laquelle Kant réfléchit sur le sens de l'histoire humaine, il interprète le fait que la nature ait été particulièrement "économe" avec l'homme (idée déjà rencontrée dans le mythe de Prométhée), comme signifiant que "l'homme dût parvenir par son travail à s'élever de la plus grande rudesse d'autrefois à la plus grande habileté, à la perfection intérieure de son mode de penser et par là (autant qu'il est possible sur terre) au bonheur, et qu'il dût ainsi en avoir tout seul le mérite et n'en être redevable qu'à lui-même; c'est aussi comme si elle tenait plus à ce qu'il parvînt à l'estime raisonnable de soi qu'au bien-être".
  Autrement dit, il fallait que l'homme travaille pour survivre et construire un monde dans lequel il puisse atteindre un certain bien-être, voire le bonheur, car il fallait que par là il développe les facultés ou dispositions de sa nature, qui sans cela seraient restées en sommeil. C'est à cette seule condition qu'il peut parvenir à "l'estime de soi" et se rendre digne du bonheur. N'est-ce pas une expérience que tout le monde a pu faire un jour, celle de ressentir la satisfaction morale d'avoir soi-même accompli quelque chose ? N'est-il pas beaucoup plus estimable d'arriver à un résultat par soi-même, par ses propres efforts ? N'est-ce pas une source de fierté ?
  - KantIdée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, Troisième proposition.

La nature, le travail et la technique

La nature a voulu que l'homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l'agencement mécanique de son existence animale et qu'il ne participe à aucun autre bonheur ou à aucune autre perfection que ceux qu'il s'est créés lui-même, libre de l'instinct, par sa propre raison. La nature, en effet, ne fait rien en vain et n'est pas prodigue dans l'usage des moyens qui lui permettent de parvenir à ses fins. Donner à l'homme la raison et la liberté du vouloir qui se fonde sur cette raison, c'est déjà une indication claire de son dessein en ce qui concerne la dotation de l'homme. L'homme ne doit donc pas être dirigé par l'instinct; ce n'est pas une connaissance innée qui doit assurer son instruction, il doit bien plutôt tirer tout de lui-même. La découverte d'aliments, l'invention des moyens de se couvrir et de pourvoir à sa sécurité et à sa défense (pour cela la nature ne lui a donné ni les cornes du taureau, ni les griffes du lion, ni les crocs du chien, mais seulement les mains), tous les divertissements qui peuvent rendre la vie agréable, même son intelligence et sa prudence et aussi bien la bonté de son vouloir, doivent être entièrement son oeuvre. La nature semble même avoir trouvé du plaisir à être la plus économe possible, elle a mesuré la dotation animale des hommes si court et si juste pour les besoins si grands d'une existence commençante, que c'est comme si elle voulait que l'homme dût parvenir par son travail à s'élever de la plus grande rudesse d'autrefois à la plus grande habileté, à la perfection intérieure de son mode de penser et par là (autant qu'il est possible sur terre) au bonheur, et qu'il dût ainsi en avoir tout seul le mérite et n'en être redevable qu'à lui-même; c'est aussi comme si elle tenait plus à ce qu'il parvînt à l'estime raisonnable de soi qu'au bien-être.

Kant, Idée d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitique, 1784

 

Pour aller plus loin dans le cours 

 

Le travail permet à l'homme de se libérer en maîtrisant et en transformant la nature

Travail et nature sont liés : le travail consiste toujours en une transformation de la nature. 

Dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité, Rousseau nous explique que les hommes  travaillent, faute d'être comblés par une  nature très généreuse, l'homme s'est donc vu obligé de produire des biens pour sa survie. 

Accès à la liberté.

Animalité=humanité. Travail révélateur des capacités de l'homme dans le but de maîtriser, de transformer, d'agir et de créer.

Hegel = travailler ce n'est pas seulement être aliéné aux ordres d'un autre, c'est aller dans le sens de la transformation de la nature = le début d'un espace de liberté. Sartre: «L'élément libérateur de l'opprimé c'est le travail». Dialectique du maître et de l'esclave.

Karl Marx note qu'à la différence des autres animaux, l'Homme produit les conditions de son existence. Celui-ci modifie son environnement naturel en en changeant les formes et en exploitant les matières premières. L'Homme, auparavant asservi dans les temps primitifs par la nature, en devient propriétaire par le travail et la technique.

Le travail comme contrainte

Le travail est synonyme d'aliénation et d'esclavage.

Travail = fatigue = contraintes. Dans l'antiquité, les citoyens libres ne travaillaient pas mais faisaient travailler leurs esclaves. Karl Marx: « Le domaine de la liberté commence là où cesse le travail « Le travail n'est donc pas libérateur.

Travail = asservissement/Machines+Lois de la productivité = Entrave à la liberté intellectuelle.

La valeur morale et anthropologique du travail

Le travail du point de vue de la morale

 La morale étudie la relation du travail avec l’homme qui travaille

Nous savons que l’économie politique concerne l’étude des besoins.

Elle prend pour objet de réflexion l’être au travail et non pas le travail considéré objectivement avec ses moyens et ses produits. Le travail est évalué dans son acte et non dans ses produits. Il peut être considéré de trois manières :

     expression du besoin de gagner sa vie :

l’impératif gagne ton pain à la sueur de ton front laisse chacun seul aux prises avec le travail à faire. Le sentiment d’affrontement  se comprend au sens de l’effort.

     expression d’une coopération :

tout travail est une participation à la collectivité. La division du travail est l’expression de cette coopération.

     réalisation de quelque chose :

soit directement, soit par la participation à l’effort collectif, le travailleur est celui qui peut montrer les résultats de son travail. La valeur est l’évaluation de l’effort.

Les trois aspects de l’être au travail expriment des valeurs morales

     l’autonomie et le courage : le travail est synonyme de liberté

     la justice : il suffit que nous vivions pour que nous utilisions les produits du travail des autres par le jeu même de la vie en société et de la division du travail. Notre travail sera la contre partie de cette mise à contibution d’autrui, le paiement de notre dette envers la société, la collectivité. Le travail  est donc le prix dont nous payons le service social que  nous recevons des autres; l’oisif est un parasite. Le sentiment aigu de l’injustice de l’oisivité a poussé les auteurs comme Rousseau à contester la légitimité de tout refus de travailler et à dénoncer comme immorale l’idée même de loisir.

     la réalisation d’une œuvre : la valeur du travail, celle par laquelle il devient une fonction de l’existence morale est son caractère de création et donc de responsabilité. Un travail qui tend à la répétition machinale d’un geste réduit le travailleur à la condition d’automate. C’est un travail qui  a perdu sa valeur morale et son sens. Il y a déshumanisation par le machinisme. Nous sommes dans un monde où la valeur n’est plus l’homme mais le rendement.

Marx souligne qu'en révélant à l'homme ses propres capacités, tant mentales que physiques, et en développant des facultés qui étaient encore en sommeil, le travail est un moyen privilégié de manifestation de soi. Il a ainsi non seulement une valeur morale mais aussi une valeur anthropologique.

Le risque d'aliénation

Marx, s'il voit dans le travail la réalisation de l'essence humaine, montre aussi que le travail peut perdre toute humanité dans le cadre de l'organisation capitaliste. Il souligne le caractère aliénant de la division du travail dans la manufacture. Par définition, l'aliénation est une dépossession de soi.
Pour Marx, le travailleur est aliéné de trois façons:

Par rapport à lui-même: l'ouvrier n'est plus seulement un producteur de marchandises, mais aussi une marchandise qu'on achète (par le salaire).

Par rapport à la marchandise: le produit du travail de l'ouvrier ne lui appartient pas (contrairement, par exemple, à l'artisan).

Par rapport au capitaliste: le salariat est considéré comme une forme substitutive de l'esclavage.

Ce n'est plus l'outil qui est approprié par l'homme mais l'homme aliéné qui est approprié aux machines du système productif: « Dans la manufacture et le métier, l'ouvrier se sert de son outil; dans la fabrique, il sert la machine. »

Un instrument de libération

Le travail est aussi un moyen de ne plus travailler

L'homme est libre lorsqu'il a fini sa semaine de travail. L'homme ne réalise pleinement sa liberté que dans les loisirs. Travail = fatiguant = esclavage+exploitation. L'homme doit se libérer de l'esclavage du travail.

On pense au week-end ou aux vacances qui nous aident à supporter la semaine de travail. 

L'intérêt du travail = gain = salaire pour profiter de notre temps libre.  On travaillerait donc pour profiter du temps où on ne travaille pas. 

La finalité du travail = se libérer du travail = paradoxe du chômeur qui ne se réalise pas et n'a aucune reconnaissance sociale;

Le « droit au travail = un droit au loisir et à la liberté.

Aliénation:

Marx: processus par lequel les hommes asservis à un travail qui leur est imposé se voient privés de leur liberté et d'eux-mêmes.

Dialectique du maître et de l'esclave

Hegel: Relation d'opposition entre dominants et dominés. Moteur de l'Histoire. En travaillant les esclaves se libèrent de leurs maîtres oisifs et prennent à leur tour le pouvoir.

 

Complément

Jules Vuillemin : « Si l’histoire a un sens c’est à la condition d’emprunter son principe même, l’activité par laquelle l’homme crée le destin collectif de son espèce. Je travaille donc je suis ».
L’être et le travail, 1949.
C’est dans le travail et par le travail que l’homme mesure ses possibilités et ses limites, qu’il s’affirme en triomphant du réel en le modelant, le rectifiant. Il se crée lui-même en réalisant quelque chose qui n’existait pas avant lui et qui n’existerait pas sans lui.


I. Le travail du point de vue de l’économie politique :
L’économie politique est la science qui étudie les besoins économiques et la façon dont sont produits les objets correspondant à ces besoins. Le travail est un objet d’étude pour l’économiste au double point de vue des besoins économiques qu’il satisfait par ses produits et des moyens de cette production.
1. Besoins et valeurs :
Les besoins humains correspondent à des besoins économiques. Le besoin de manger fait rechercher les produits comestibles et du fait qu’ils sont recherchés, ces produits représentent une valeur proportionnelle à l’intensité du besoin, à la masse de gens qui les recherchent.
C’est la loi du marché c’est-à-dire, la valeur marchande des objets de consommation. Le travail est ce qui crée ou procure les objets destinés à satisfaire ces besoins.
2. Travail et production :
L’économie politique étudie aussi les modalités du travail, les moyens de production et la structure économique, c’est-à-dire, le rapport entre la production, le travail et la vie collective. L’économie politique concerne le travail = En étudiant les modes de production, les forces de production, les relations sociales liées au système de production.

Dangers de la technique :

Dangers de la technique :

  Quels sont les risques que le développement technique fait courir à l'homme ? Tout ce que nous pouvons imaginer et que nous pourrons un jour réaliser, doit-il être développé ? Au-delà des limites de fait de notre pouvoir sur le monde, y a-t-il lieu de poser des limites de droit (morales, juridiques) ? Si oui, sur quelles bases, au nom de quels principes ? Qu'avons-nous à craindre de la technique ?

Risques écologiques : Le développement technique menace la nature. La prise de conscience de ces risques est aujourd'hui réelle. Mais que signifie "protéger la nature" ? Il y a différentes manières de penser notre rapport à la nature et les raisons que nous avons de nous en soucier. Voir ce texte de Luc Ferry qui distingue trois formes d'écologies.

On peut observer que partout où les débats théoriques sur l'écologie ont pris forme philosophique cohérente, ils se sont structurés en trois courants bien distincts. (…)

 

Le premier, sans doute le plus banal, mais aussi le moins dogmatique, (…) part de l'idée qu'à travers la nature, c'est encore et toujours l'homme qu'il s'agit de protéger, fût-ce de lui-même, lorsqu'il joue les apprentis sorciers. L'environnement n'est pas doté ici d'une valeur intrinsèque. Simplement, la conscience s'est fait jour qu'à détruire le milieu qui l'entoure, l'homme risque bel et bien de mettre sa propre existence en danger et, à tout le moins, de se priver des conditions d'une vie bonne sur cette terre. C'est dès lors à partir d'une position qu'on peut dire « humaniste », voire anthropocentriste, que la nature est prise, sur un mode seulement indirect, en considération. Elle n'est que ce qui environne l'être humain, la périphérie, donc, et non le centre. (…)

La seconde figure franchit un pas dans l'attribution d'une signification morale à certains êtres non humains. Elle consiste à prendre au sérieux le principe « utilitariste », selon lequel il faut non seulement rechercher l'intérêt propre des hommes, mais de manière plus générale tendre à diminuer au maximum la somme des souffrances dans le monde ainsi qu'à augmenter autant que faire se peut la quantité de bien-être. Dans cette perspective, très présente dans le monde anglo-saxon où elle fonde l'immense mouvement dit de « libération animale », tous les êtres susceptibles de plaisir et de peine doivent être tenus pour des sujets de droit et traités comme tels. À cet égard, le point de vue de l'anthropocentrisme se trouve déjà battu en brèche, puisque les animaux sont désormais inclus, au même titre que les hommes, dans la sphère des préoccupations morales.

La troisième forme est celle que nous avons déjà vue à l’œuvre dans la revendication d'un droit des arbres, c'est-à-dire de la nature comme telle, y compris sous ses formes végétale et minérale. (…) L'ancien « contrat social » des penseurs politiques est censé faire place à un « contrat naturel » au sein duquel l'univers tout entier deviendrait sujet de droit : ce n'est plus l'homme, considéré comme centre du monde, qu'il faut au premier chef protéger de lui-même, mais bien le cosmos comme tel, qu'on doit défendre contre les hommes. L'écosystème - la « biosphère » - est dès lors investi d'une valeur intrinsèque bien supérieure à celle de cette espèce, somme toute plutôt nuisible, qu'est l'espèce humaine.

Selon une terminologie désormais classique dans les universités américaines, il faut opposer l'« écologie profonde » (deep ecology), « écocentrique » ou « biocentrique », à l’« écologie superficielle » (shallow ecology) ou « environnementaliste » qui se fonde sur l’ancien anthropocentrisme.

Ferry (Luc), Le nouvel ordre écologique, 1992

 

Risques pour les libertés individuelles : Certaines techniques ne sont-elles pas mises au service de la surveillance ou du contrôle des populations, des individus ? Penser aux cauchemars imaginés par la littérature et le cinéma de science fiction .

Technique et démocratie : Le pouvoir techno-scientifique ne menace-t-il pas la démocratie ? La réflexion et la décision sur certains sujets ne sont-elles pas confisqués par les experts ? Le fait que certaines questions réclament des compétences spécialisées ne constitue-t-il pas une limite, une difficulté pour la démocratie ?

- Pour une mise en question encore plus radicale de la technique, voir Heidegger et "la question de la technique" : par exemple dans ce texte sur "l'essence de la technique".

La centrale électrique et le vieux pont de bois

Quelle est donc l'essence de la technique moderne, pour que celle-ci puisse s'aviser d'utiliser les sciences exactes de la nature ?

Qu'est-ce que la technique moderne ? Elle aussi est un dévoilement. C'est seulement lorsque nous arrêtons notre regard sur ce trait fondamental que ce qu'il y a de nouveau dans la technique moderne se montre à nous.

Le dévoilement, cependant, qui régit la technique moderne ne se déploie pas en une production au sens de la poièsis. Le dévoilement qui régit la technique moderne est une pro-vocation par laquelle la nature est mise en demeure de livrer une énergie qui puisse comme telle être extraite et accumulée. Mais ne peut-on pas en dire autant du vieux moulin à vent ? Non : ses ailes tournent bien au vent et sont livrées directement à son souffle. Mais si le moulin à vent met à notre disposition l'énergie de l'air en mouvement, ce n'est pas pour l'accumuler.

Une région, au contraire, est provoquée à l'extraction de charbon et de minerais. L'écorce terrestre se dévoile aujourd'hui comme bassin houiller, le sol comme entrepôt de minerais. Tout autre apparaît le champ que le paysan cultivait autrefois, alors que cultiver signifiait encore : entourer de haies et entourer de soins. Le travail du paysan ne pro-voque pas la terre cultivable. Quand il sème le grain, il confie la semence aux forces de croissance et il veille à ce qu'elle prospère. Dans l'intervalle, la culture des champs, elle aussi, a été prise dans le mouvement aspirant d'un mode de culture d'un autre genre, qui requiert la nature. Il la requiert au sens de la provocation. L'agriculture est aujourd'hui une industrie d'alimentation motorisée. L'air est requis pour la fourniture d'azote, le sol pour celle de minerais, le minerai par exemple pour celle d'uranium, celui-ci pour celle d'énergie atomique,laquelle peut être libérée pour des fins de destruction ou pour une utilisation pacifique. (...)

La centrale électrique est mise en place dans le Rhin. Elle le somme de livrer sa pression hydraulique, qui somme à son tour les turbines de tourner. Ce mouvement fait tourner la machine dont le mécanisme produit le courant électrique, pour lequel la centrale régionale et son réseau sont commis aux fins de transmission. Dans le domaine de ces conséquences s'enchaînant l'une l'autre à partir de la mise en place de l'énergie électrique, le fleuve du Rhin apparaît, lui aussi comme quelque chose de commis. La centrale n'est pas construite dans le courant du Rhin comme le vieux pont de bois qui depuis des siècles unit une rive à l'autre. C'est bien plutôt le fleuve qui est muré dans la centrale. Ce qu'il est aujourd'hui comme fleuve, à savoir fournisseur de pression hydraulique, il l'est de par l'essence de la centrale. Afin de voir et de mesurer, ne fût-ce que de loin, l'élément monstrueux qui domine ici, arrêtons-nous un instant sur l'opposition qui apparaît entre les deux intitulés : "Le Rhin", muré dans l'usine d'énergie, et "Le Rhin", titre de cette œuvre d'art qu'est un hymne de Hölderlin. Mais le Rhin, répondra-t-on, demeure de toute façon le fleuve du paysage. Soit, mais comment le demeure-t-il ? Pas autrement que comme un objet pour lequel on passe une commande, l'objet d'une visite organisée par une agence de voyages, laquelle a constitué là-bas une industrie des vacances. (...) Aussi longtemps que nous nous représentons la technique comme un instrument, nous restons pris dans la volonté de la maîtriser. Nous passons à côté de l'essence de la technique. (...)

L'être de la technique menace le dévoilement, il menace de la possibilité que tout dévoilement se limite au commettre (...).

L'essence de la technique n'est rien de technique : c'est pourquoi la réflexion essentielle sur la technique et l'explication décisive avec elle doivent avoir lieu dans un domaine qui, d'une part, soit apparenté à l'essence de la technique et qui, d'autre part, n'en soit pas moins foncièrement différent d'elle.

L'art est un tel domaine.

Heidegger, La question de la technique, 1953

Sujets corrigés bac 

Le travail est-il nécessaire pour devenir libre?

 

Arguments thèse

Le travail permet à l'homme de se libérer en maîtrisant et en transformant la nature

Accès à la liberté.

Animalité=humanité. Travail révélateur des capacités de l'homme dans le but de maîtriser, de transformer, d'agir et de créer.

Hegel = travailler ce n'est pas seulement être aliéné aux ordres d'un autre, c'est aller dans le sens de la transformation de la nature = le début d'un espace de liberté. Sartre: «L'élément libérateur de l'opprimé c'est le travail». Dialectique du maître et de l'esclave.

Le travail révèle la liberté: En travaillant je produis une œuvre qui me révèle ma propre liberté = je prends conscience de l'idée que je peux être libre.

 

Le travail rend l'homme maître des choses et de lui-même. Il permet à l'homme d'agir et donc d'être libre.

 

Arguments antithèse

Le travail est synonyme d'aliénation et d'esclavage.

Travail = fatigue = contraintes. Dans l'antiquité, les citoyens libres ne travaillaient pas mais faisaient travailler leurs esclaves.  Karl Marx: « Le domaine de la liberté commence là où cesse le travail « Le travail n'est donc pas libérateur.

Travail = asservissement/Machines+Lois de la productivité = Entrave à la liberté intellectuelle.

L'homme est libre lorsqu'il a fini sa semaine de travail. L'homme ne réalise pleinement sa liberté que dans les loisirs.   Travail = fatigant = esclavage+exploitation. L'homme doit se libérer de l'esclavage du travail.

 

Aliénation:

Marx: processus par lequel les hommes asservis à un travail qui leur est imposé se voit privé de leur liberté et d'eux-mêmes.

Dialectique du maître et de l'esclave

Hegel: Relation d'opposition entre dominants et dominés. Moteur de l'Histoire. En travaillant les esclaves se libèrent de leurs maîtres oisifs et prennent à leur tour le pouvoir.

 

Sujets corrigés de philosophie, bac Liban 2018 série ES. DURKHEIM, De la division du travail social (1893)

Expliquer le texte suivant :

Si l’intérêt rapproche les hommes, ce n’est jamais que pour quelques instants ; il ne peut créer entre eux qu’un lien extérieur. Dans le fait de l’échange, les divers agents restent en dehors les uns des autres, et l’opération terminée, chacun se retrouve et reprend tout entier. Les consciences ne sont que superficiellement en contact ; ni elles ne se pénètrent, ni elles n’adhèrent fortement les unes aux autres. Si même on regarde au fond des choses, on verra que toute harmonie d’intérêts recèle un conflit latent1 ou simplement ajourné2 . Car, là où l’intérêt règne seul, comme rien ne vient refréner les égoïsmes en présence, chaque moi se trouve vis-à- vis de l’autre sur le pied de guerre et toute trêve à cet éternel antagonisme ne saurait être de longue durée. L’intérêt est, en effet, ce qu’il y a de moins constant au monde. Aujourd’hui, il m’est utile de m’unir à vous ; demain la même raison fera de moi votre ennemi. Une telle cause ne peut donc donner naissance qu’à des rapprochements passagers et à des associations d’un jour.

DURKHEIM, De la division du travail social (1893) La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

__________________________

1 latent : caché

2 ajourné : reporté

 

DURKHEIM, De la division du travail social (1893)

 

Concepts :

Société et échanges

Intérêts -> rapport à l’autre ; individualisme

Conscience

Problématique : Les individus peuvent-ils s’unir autrement que par intérêts ?

Idée principale : Les hommes ne sont jamais liés autrement que par intérêts. Il n’y a pas de communication profonde des consciences. Les alliances, associations entre les hommes sont donc toujours temporaires. Règne une sorte d’égoïsme universel

Plan :

On peut distinguer deux mouvements dans le texte, qui serviront de base au plan. Il faut être attentif aux moments du texte, il n’est pas conseillé de vouloir absolument faire un plan en trois parties en commentaire de texte.

« Si l’intérêt rapproche (…) fortement les unes aux autres » : L’échange, la communication sont toujours superficiels

Toute forme d’association entre les hommes est temporaire. La société, les échanges créent des « lien[s] extérieur[s] » aux individus. L’autre est toujours un étranger pour un individu donné, le contact des « consciences » est toujours superficiel, ce qui crée une forme d’égoïsme puisque d’une certaine manière, on est condamné à rester extérieur aux autres.

 

« Si même on regarde (…) à des associations d’un jour » : la société est régie par le principe de l’égoïsme

  1. Le conflit est un principe fondateur de la société : dans les formes d’accord entre les individus, il est simplement « latent » ou « ajourné ». Les « égoïsmes » s’opposent par nature, ce qui crée un état de conflit

  2. Les unions sont motivées par l’intérêt. Or les intérêts divergent par nature : chaque « ego », chaque individu recherche ce qui est le mieux pour lui. Toutes les « associations » sont alors fragiles, sans intérêt commun durable.

Le travail divise-t-il les hommes ?

Le travail : l'effort que l'homme réalise en vue d'un résultat

Le travail est nécessaire à l'espèce humaine pour qu'elle satisfasse ses besoins vitaux.

Problème : de nos jours, spectacle d'un monde divisé et délité, difficulté à trouver ce qui rassemble et fait communauté ; de plus, omniprésence du travail dans les activités des hommes. Le travail serait-il à la source de cette division, serait-il cause de division ?

 

  1. La division du travail

a) Le travail a pour but de satisfaire les besoins vitaux des hommes. L'homme est tel qu'il ne peut pas les satisfaire seul et qu'il a besoin des autres. Une division du travail = répartition des tâches est donc introduite, pour augmenter l'efficacité de chacun et permettre à l'ensemble de survivre. Cf poligenèse dans La République de Platon.

b) Le travail met donc l'homme seul face à la tâche spécifique qu'on lui confie. À la communauté succède des singularités éclatées. L'individu est effectivement seul, et de plus il est seul à pouvoir accomplir sa tâche, ce qui l'emmure dans cette solitude et le place sur un terrain où il ne peut échanger avec autrui.

c) Itinéraire qui se vérifie dans la plupart des trajectoires de vie dans le monde moderne. Enfance, jeunesse : sentiment de communauté important, par les études (classes, promotions) et par la classe d'âge. Puis, peu à peu, au fil de l'entrée dans la vie active, « spécialisation » et amenuisement progressif de ce sentiment de communauté. Ce sentiment se retrouve ensuite principalement dans la sphère familiale, c'est-à-dire à l'écart du travail. C'est l'amour qui rapproche, et le travail, qui est nécessaire, divise.

  1. Le travail qui rapproche

a) Approche trop partielle. Le travail peut aussi réunir. D'abord, la division du travail existe parce qu'il y a une communauté qui en a besoin. Le geste de la division est donc une première façon de faire exister et perdurer cette communauté. Ex : sentiment gratifiant de l'agriculteur qui nourrit une communauté.

b) Il y a un monde du travail qui se constitue. Si celui-ci peut dans un premier temps mettre un terme à des sentiments de communauté antérieurs, il peut aussi bien en faire exister de nouveaux : il crée des échanges, il crée des communautés. Ex : monde de l'entreprise, qui lie les différents employés par une tâche commune, et met en relation les différents employés. À l'inverse, les personnes en situation d'isolement sont souvent des individus professionnellement marginalisés (chômeurs, travailleurs précaires, retraités...).

c) Tout le travail ne vise pas directement la satisfaction des besoins vitaux. Distinction entre un travail vital et un travail superflu. Ex : le travail de l'artiste et la vie culturelle. Le travail vital présente plus fortement le risque de placer le travailleur dans la solitude. Le travail superflu est très créateur de lien.

  1. Ambivalence du travail et division intérieure

a) Le travail possède donc à la fois la capacité d'unir et celle de désunir. Comment est-ce possible ? Il faut une condition de possibilité de cette ambivalence du travail.

b) La vraie division du travail, c'est la division intérieure. Chaque homme a en lui une partie « laborante », dédiée au travail, et qui est nécessaire à la survie quel que soit le type de travail accompli, et une partie « loisible », qui concerne ses activités une fois le travail nécessaire réalisé. Ces deux moitiés de l'individu se recoupent en partie.

c) Ce n'est donc pas l'activité du travail qui divise : celle-ci peut aussi bien unir que désunir. C'est la division intérieure qu'elle entraîne. La partie laborante divise car c'est elle qui place l'individu face à une tâche solitaire, et la partie loisible qui rapproche, en créant tous les types de liens qui existent, et particulièrement l'amour. Elles peuvent se recouper : on peut aimer ses collègues, ou initier des travaux en commun avec des partenaires professionnels. Mais c'est dans le cœur de l'homme que se trouve la vraie division du travail.

Pour aller plus loin

Complément : Le travail, la société et les échanges : Le travail et la technique sont-ils facteurs de lien social ou divisent-t-ils les hommes ? Quels types d'échanges permettent-ils ou favorisent-t-ils entre les hommes ?

Vocabulaire et repères utiles

Travail/loisir/jeu - Moyen/fin - Liberté/aliénation - En fait/ en droit - Médiat/immédiat - Obligation/contrainte - Outil/ machine

A voir

Les Temps modernes, Charlie Chaplin (1936).

Ressources humaines, Laurent Cantet (1999).

Matrix, Andy et Larry Wachowski (1999).

Minority Report, Steven Spielberg (2002).

It's a free world, Ken Loach (2008).

Exemples de sujets

 

Travail, technique et humanité

L'homme s'accomplit-il dans le travail ?

Le travail est-il le propre de l'homme ?

Le développement technique transforme-t-il les hommes ?

Que gagnons-nous à travailler ?

Le travail n'est-il qu'un moyen de subvenir à ses besoins ?

Pourquoi travaillons-nous ?

Faut-il renoncer à faire du travail une valeur ?

Le travail nous apporte-t-il autre chose qu'un salaire ?

Travail, technique et liberté

Le travail n'est-il qu'une contrainte ?

Le travail est-il nécessairement aliénant ?

L'homme se libère-t-il en travaillant ?

Si la technique est libératrice, de quoi nous libère-t-elle ?

Peut-on être esclave d'un objet technique?

Travail et société

Le travail est-il un droit ?

Peut-on revendiquer un droit au travail ?

Le travail divise-t-il les hommes ?

 
 

Date de dernière mise à jour : 10/10/2023

Commentaires

  • Zavel
    • 1. Zavel Le 14/05/2021
    Bonjour Monsieur/ Madame,

    Je vous écris ce message afin de vous féliciter et vous remercier pour cette page documentaire décrivant à la perfection les thèmes de la culture technique et travail nécessaires au bac. Les compléments sont superbes et tout cela est disponible gratuitement... Alors encore un grand merci pour votre partage très utile, je n'ai jamais vu un site (ou page) aussi bien fait.

    Sincèrement,
    Aude.

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