L'intertextualité, définition, les enjeux, les jeux avec le texte. Réécriture autour des fables : avatars et détournements
Parodie, le pastiche, l'allusion sont des genres qui participent de l'intertexte - Réécriture autour des fables : avatars et détournements. La cigale et la fourmi
L'intertextualité - Définition et enjeux = L'intertextualité : il peut s'agir du plagiat, de l'allusion, de la citation. Elle peut prendre plusieurs formes.
L'intertextualité
Définition :
La notion apparait en 1960, elle se fonde sur l'idée qu'on ne peut pas envisager un texte sans penser à ceux qui ont été écrits auparavant.
Il s'agit en fait de mettre un texte en rapport avec un autre texte. c'est en fait en quelques sorte une permutation de textes; ainsi, une auteur construirait son texte en exploitant des fragments de textes antérieurs. L'intertextualité nest pas à proprement parler conçue comme un phénomène d'imitation : les textes antérieurs ne sont pas cités mais présents à l'état de traces, parfois disséminées par l'auteur.
Parmi les genres qui participent de l'intertexte, on peut citer la parodie, le pastiche, l'allusion.
Dans le fait de mettre en rapport un texte avec un autre, il y a 4 types de relations.
L'architextualité : il s'agit d'envisager la relatin qu'un texte a avec la catégorie générique à laquelle il appartient.
La paratextualité : la relation d'un texte avec son paratexte, préfaces, avertissements ........
la métatextualité : la relation de commentaire qui "unit un texte à un autre textee dont il parle sans pour autant le cter, c'est la relation critique.
L'intertextualité : il peut s'agir du plagiat, de l'allusion, de la citation. Elle peut en effet prendre plusieurs formes.
Quels sont les enjeux de l'intertextualité ?
On peut dire que l'intertextualité permet de faire revivre les différents mythes et de faire appel à la mémoire culturelle.
On peut citer la parodie, l'allusion, le pastiche
Citation, plagiat, allusion, parodie, pastiche, les différentes jeux avec le texte
Les différents jeux avec le texte :
La citation :
c'est la forme la plus visible de l'intertextualité, emploi des caractères italiques et des guillemets.
Le plagiat :
c'est une atteinte à la propriété littéraire. C'est l'emprunt d'un texte littéraire sans que les références à ce texte soient inidiquées.
L'allusion :
elle complète la citation, elle repose sur l'implicite et suppose que le lecteur comprenne qu'il s'agit d'un jeu de mots.
La parodie :
c'est la transformation d'un texte dont le sujet noBLE est dégradé en un sujet vulgaire. La parodie désigne tout détournement à visée ludique ou satirique d'une oeuvre.
Le pastiche :
pasticher par opposition à la parodie n'est pas transformer mais imiter le style.
Le vocabulaire de la réécriture à connaître
Vocabulaire : la réécriture
L'intertextualité : la perception par le lecteur des rapports entre une œuvre et d'autres qui l'ont précédée ou suivie.
L"amplification: réécriture qui repose sur la multiplication des personnages, des péripéties
La réduction: réécriture qui consiste à réduire, à rechercher la concision (exercice de résumé par exemple).
Un hypotexte : texte source
Un hypertexte : une réécriture
L'imitation : le texte doit approcher du modèle.
Le burlesque (travestissement burlesque) :
Le plagiat : reprise quasi intégrale de l'hypotexte, texte source
La citation : reprise exacte intercalée dans un discours avec une référence explicite ou non (elle peut venir étayer une thèse, une idée).
Une allusion : est une référence à un texte.
La transposition : Cela peut être une transposition générique ou au niveau du registre. Le changement de point de vue est une transposition qui a à voir avec le romanesque.
Un pastiche : imitation d'un style, d'une manière d'écrire. Le pastiche comporte souvent une dimension comique.
Une parodie : imitation burlesque d'une œuvre sérieuse.
Exemple d'intertextualité autour d'une fable : la cigale et la fourmi avec La Fontaine, Esope, Queneau
l'intertextualité est fondatrice de la littérature
Citations sur l'intertextualité :
- " tout texte est absorption et transformation d'un autre texte."
Julia Kristeva, "Bakhtine, le mot, le dialogue et le roman", Critique, avril 1967.
- "Tout texte est un intertexte ; d'autres textes sont présents en lui, à des niveaux variables, sous des formes plus ou moins reconnaissables : les textes de la culture antérieure et ceux de la culture environnante ; tout texte est un tissu nouveau de citations révolues. […] L'intertexte est un champ général de formules anonymes, dont l'origine est rarement repérable, de citations inconscientes ou automatiques, données sans guillemets."
Roland Barthes, article "Texte (théorie du)", Encyclopaedia universalis, 1973.
Exemple d'intertextualité autour d'une fable : la cigale et la fourmi
DÉTOURNEMENTS, PASTICHES ET PARODIES
La cigale et les fourmis
On était en hiver et les fourmis faisaient sécher leur grain que la pluie avait mouillé. Une cigale affamée leur demanda de quoi manger. Mais les fourmis lui dirent : "Pourquoi n'as-tu pas, toi aussi, amassé des provisions durant l'été ? - Je n'en ai pas eu le temps, répondit la cigale, cet été je musiquais. - Eh bien, après la flûte de l'été, la danse de l'hiver", conclurent les fourmis. Et elles éclatèrent de rire.
Esope (VIIe-Ve siècle avant J.-C.), Fables,
La cigale et la fourmi
La cigale, ayant chanté
Tout l'été,
Se trouva fort dépourvue
Quand la bise fut venue.
Pas un seul petit morceau de mouche ou de vermisseau.
Elle alla crier famine
Chez la fourmi sa voisine,
La priant de lui prêter
Quelque grain pour subsister
Jusqu'à la saison nouvelle.
"Je vous paierai, lui dit-elle,
Avant l'oût, foi d'animal,
Intérêt et principal."
La fourmi n'est pas prêteuse ;
C'est là son moindre défaut.
"Que faisiez-vous au temps chaud ?
Dit-elle à cette emprunteuse.
- Nuit et jour à tout venant
Je chantais, ne vous déplaise.
- Vous chantiez ? j'en suis fort aise.
Eh bien ! dansez maintenant."
Jean de La Fontaine, Fables, 1668
La cimaise et la fraction
La cimaise ayant chaponné tout l'éternueur
se tuba fort dépurative quand la bixacée fut verdie :
pas un sexué pétrographique morio de mouffette ou de verrat.
Elle alla crocher frange
Chez la fraction sa volcanique
La processionnant de lui primer
Quelque gramen pour succomber
Jusqu'à la salanque nucléaire.
"Je vous peinerai, lui discorda-t-elle,
avant l'apanage, folâtrerie d'Annamite ! interlocutoire et priodonte."
La fraction n'est pas prévisible :
c'est là son moléculaire défi.
"Que ferriez-vous au tendon cher ?
discorda-t-elle à cette énarthrose.
- Nuncupation et joyau à tout vendeur,
Je chaponnais, ne vous déploie.
- Vous chaponniez ? J'en suis fort alarmante.
Eh bien ! débagoulez maintenant."
Raymond Queneau, Oulipo, La littérature potentielle, 1973.
*** On voit qu'il fait de nombreux remplacements sur les noms, les adjectifs et les verbes de la fable "la cigale et la fourmi". Il y substitue le septième mot de la même catégorie grammaticale après le mot à modifier.
La cigale et la fourmi
C'était verl'hi. Il avait génei et le vent flaitsouf. La tetipe legaci taitlotgre. Elle n'avait rien géman depuis deux jours. "Je vais aller voir ma nesivoi", se dit-elle. Elle frappa à la tepor de la nettesonmai. "Jourbon, medaMa la mifour", dit-elle. "Jourbon", répondit la mifour. "Pourriez-vous, damande la legaci, me terprê du grain ?" La mifour n'était pas seteuprê. Elle fit la cemagri. "Que faisiez-vous donc, l'été nierder, pendant que j'étais au vailtra ?" damande-t-elle d'un air chantmé. "Je taischan de jolies sonschan dans le gelafeuil des bresar", dit la legaci. "Vous tiezchan ?" fit la mifour. "Eh bien nanttemain, sezdan" ! Elle rentra dans sa nettesonmai et laissa la pauvre legaci horsde. C'est très tetris !
Yak Rivais, Les contes du miroir, 1988
*** Autre version de la fable mais écrite en verlan cette fois. Fable moderne.
Entraînez vous :
Essayez de trouver à partir de ces différentes versions de la même fable
- le point commun et l'histoire commune à toutes ces versions. Quel est leur dénominateur commun?
- Etudiez les modifications sur chacun des textes relativement aux personnages, au langage etc
- Faites une étude comparative des différents réécritures.
- Selon vous, quel est l'intérêt de ces réécritures? Reflètent elles et sont elles fondatrices de la littérature elle même? En quoi?
Réécriture autour des fables : avatars et détournements d'Esope à Orwell : la réécriture autour des fables : la cigale et la fourmi
avatars et détournements des fables d'Esope à Orwell : la réécriture autour des fables : la cigale et la fourmi - La critique d’un certain milieu social
Réécriture autour des fables : avatars et détournements
La fable : séquence la " réécriture"
La fable : argumenter
Tradition et innovation
Anouilh, « La cigale »
Le choix du titre
Anouilh élimine la fourmi au profit du renard, réputé
pour sa ruse, discret clin d’oeil au Roman de Renart.
La cigale devient le personnage principal, héroïne
triomphante qui dément ainsi sa légende et la fable
source. La cigale est en réalité une fourmi. Elle est le
moteur du récit (vers 9), impose sa parole, calcule,
décide, ordonne (« j’entends » répété deux fois, v. 38
et 42, « vous l’augmenterez », v. 40, « je veux », v. 50,
contraignant le renard à « s’incliner », v. 57).
La progression de la fable
Une construction, efficace, est fondée sur un coup
de théâtre qui constitue un renversement de situation
et un retournement du sens de la fable de La Fontaine.
Au plaidoyer pro domo de celui-ci en faveur de la cigale,
incarnation de l’insouciance prodigue du poète, Anouilh
substitue une satire mordante du milieu artistique et
fait de la cigale un personnage antipathique. La fable
est construite à la façon d’une petite comédie grinçante
en 5 actes :
– premier acte (vers 1 à : présentation du personnage
principal ;
– deuxième acte (vers 9 à 32), la visite chez le renard. La
cigale se tait et écoute sagement ce dernier lui proposer
un marché de dupes ;
– troisième acte (vers 32 à 44) : réponse inattendue de
la cigale qui dévoile le personnage et constitue un coup
de théâtre, le renard se tient coi ;
– quatrième acte (vers 45 à 55) : fausse sortie, très
théâtrale, de la cigale qui se drape dans ses atours et
occasionne un quiproquo, le renard se méprenant à
nouveau sur son interlocutrice ;
– le dernier acte, bref (deux vers), en forme de
dénouement et d’épilogue, revient sur le renard et sa
décision de changer de métier.
La critique d’un certain milieu social
La cigale est une chanteuse en tournée dans les
casinos. La fable est plaisamment actualisée dans le
contexte des années soixante, aujourd’hui, la cigale
passerait sans doute à la télévision.
Une fois sa tournée estivale achevée, elle cherche à
placer ses économies, on notera la satire acérée d’un
milieu qu’Anouilh connaît bien, celui des artistes qui
prétendent vivre d’amour et d’eau fraîche, affichent le
plus grand mépris pour l’argent, prennent la posture
de l’artiste, par définition désintéressé et dispendieux.
Rappelons qu’Anouilh est politiquement un anarchiste
de droite stigmatisant les faux-semblants d’une
profession qu’il exècre. Or, la cigale est tout le contraire,
aujourd’hui elle placerait ses économies en Suisse ou
à Monaco ! La fable est inscrite dans le contexte très
polémique des années soixante qui voient s’affronter
artistes engagés comme Sartre et écrivains refusant tout
engagement politique. Pragmatique, elle spécule et se
montre avide de profit, c’est une capitaliste plus rapace
que la fourmi qui thésaurise. Anouilh nous offre une
leçon d’économie. Profondément individualiste, la cigale
se montre à la fin cynique et âpre au gain, n’hésitant pas
à pratiquer l’usure. Sa dureté de coeur est soulignée par
son « oeil froid », son « regard d’acier » (v. 33 et 35), par
l’ironie mordante par laquelle elle réplique du tac au tac
à l’offre du renard au vers 32, mise en valeur par la rime
« muses »/ « amuse » (preuve qu’elle n’est pas dupe). Le
détail de la « cape de renard » (v. 47) révèle la cruauté
du personnage. La cigale d’Anouilh est plus proche de
Gobseck que de l’insecte de la Fontaine insouciant, tout
entier à son art, imprévoyant, incapable du moindre
calcul et totalement inadapté au monde.
Le personnage du renard
Anouilh reprend les principaux traits de l’animal tels
qu’ils se sont perpétués depuis Le Roman de Renart :
rusé, il croit tenir « la bonne affaire », toujours prêt à
profiter de la crédulité d’autrui, beau parleur comme en
témoigne le long discours (19 vers) qu’il tient à la cigale,
obséquieux, « tout sucre et tout miel » (vers 34), c’est
un flatteur à l’instar du renard de La Fontaine auquel
la tournure « Maître Renard », fait clairement allusion :
« Madame » respectueux lancé à la visiteuse, vouvoiement
appuyé, hyperbole du vers 14, modestie feinte (« le rôle
ingrat » de gérer les économies de son interlocutrice),
opposant les « trop bas calculs » à « l’art » et au « génie »
de la cigale (v. 25-26), s’incluant dans ces « autres »
anonymes dépourvus de tout talent poétique (vers 23),
multipliant les compliments achevant sa péroraison
sur une exclamative pleine d’un regret feint (vers 30)
et ponctuant d’une formule stéréotypée et emphatique,
« ne sacrifier qu’aux muses ». « Maître renard » s’amuse
et croit tenir sa dupe.
Il se montre éloquent et persuasif, comme le renard
de la tradition : en guise de « captatio benevolentiae »
(vers 14 à 1, cinq vers sont destinés à amadouer la
cigale par un compliment, immédiatement suivi d’une
considération générale sur la nécessité de l’argent. Il s’agit
d’atténuer les préventions de cette dernière en feignant
un désintéressement censé séduire. Mais le renard
est victime d’un cliché raillé par Anouilh : les artistes
seraient des êtres éthérés méprisant les contingences
matérielles. Il entre ensuite dans le vif du sujet par
un argument présentant les inconvénients de gérer sa
fortune (« soins », « gêne ») et la nécessité de recourir à
des intermédiaires.
Les vers 25-26 font valoir un second argument
présentant les conséquences à vouloir s’occuper soimême
de sa fortune sur l’inspiration. Avec les impératifs
(« laissez » répété, « signez », « ne vous occupez de
rien »), le renard se fait plus pressant et joint le geste à la
parole, non sans avoir minoré (vers 27, bref octosyllabe,
qualificatif diminuatif) l’engagement qu’il propose.
Le vers 32 constitue un coup de théâtre, qui dévoile
au renard l’étendue de son erreur. Désormais, c’est la
cigale qui mréduit à écouter et obtempérer. Sa méprise est double : il
a cru une première fois duper sa visiteuse en lui faisant
signer un blanc-seing, il se trompe une seconde fois en se
méprenant sur la condition fixée par celle-ci au vers 50.
Une fable sans prétention morale
Anouilh ne prétend pas enseigner, ne délivre pas de
morale, il montre. Le renard tire la leçon de l’épisode et se
reconvertit, la cigale l’a tiré de son illusion (« il se croyait »,
v. 56), il reconnaît sa défaite (« il s’inclina », v. 57), mise
en valeur par l’enjambement avec rejet. Lui qui se pensait
maître ès cynisme, dépourvu de tout scrupule a trouvé
plus fort que lui, plus avide. Le « mais » du dernier vers est
humoristique et amorce la chute, le renard n’abandonne
pas la partie, on ne se refait pas ! « Il apprend la musique »
(v. 57) : le fabuliste joue sur le double sens de l’expression
courante légèrement modifiée « connaître la musique »,
à savoir il lui faut progresser encore pour parvenir au
niveau de sa rivale en matière de spéculation, il se met à
la musique qui lui semble un bon moyen de s’enrichir et
non par amour de l’art.
Corbière, Les Amours jaunes, « Le poète et la cigale » - De La Fontaine à Corbière. Un exemple d'intertextualité.
Les protagonistes animalisés des Fables sont devenus des êtres humains : la cigale négligente a cédé la place au poète en mal d’inspiration
Corbière, Les Amours jaunes,
« Le poète et la cigale »
La muse du poète
On rappellera la définition de « muse » : divinité
inspiratrice des poètes et des artistes. Au nombre de
neuf dans la mythologie grecque, elles sont les filles de
Zeus et Mnémosyne, la mémoire :
Clio, muse de l’histoire
Euterpe, muse de la musique
Thalie, muse de la comédie
Melpomène, muse de la tragédie
Terpsichore, muse de la danse
Érato, muse de l’élégie
Polhymnie, muse de la poésie lyrique
Calliope, muse de la poésie épique
Uranie, muse de l’astronomie
La muse est une personnification classique de
l’inspiration, une allégorie féminine.
La dédicace poétique est explicite « À Marcelle ».
Elle se manifeste à l’intérieur même du poème :
vouvoiement du vers 12, compliment galant qui donne
au poème l’allure d’un madrigal (« blonde voisine »,
v. 8, « très prêteuse », v. 15), superlatifs, oxymore enjoué
du vers 16 (« son plus joli défaut »). On précisera que
Marcelle n’est pas la muse mais la « marraine » (v. 4)
qui va inspirer à nouveau celle-ci.
De La Fontaine à Corbière
Les protagonistes animalisés des Fables sont devenus
des êtres humains : la cigale négligente a cédé la place au
poète en mal d’inspiration, la fourmi avare, à Marcelle, jolie
voisine « très prêteuse » qui répond par l’affirmative à la
requête du poète, la nourriture n’est plus terrestre mais
artistique, il demande l’autorisation de « lui prêter/son
petit nom pour rimer ». Non seulement Marcelle accède à
sa demande mais elle se réjouit de l’honneur qui lui est fait
(exclamatives finales). Le lecteur est ainsi invité à considérer
favorablement l’aimable Marcelle si différente de la fourmi
moralisatrice et au fond égoïste de La Fontaine.
Le sens de la fable est ainsi profondément transformé.
Pas de morale chez Corbière, il s’agit d’une dédicace
flatteuse, d’un petit récit en guise d’hommage à la
résonance fortement autobiographique, alors que la
fable de la Fontaine comporte une morale implicite (un
appel à la prévoyance), la fourmi donnant une bonne
leçon à la cigale. La fable initiale finit mal et suggère
la mort probable de la cigale imprévoyante, celle de
Corbière, mais peut – on encore parler de fable ? – se
termine heureusement. Plus qu’une fable, il s’agit bien
ici d’un détournement de la fable de La Fontaine, d’un
hommage amoureux à l’inspiratrice du recueil.
Une fable à tonalité humoristique
Modification amusante du titre de la fable, la fourmi
laborieuse et pingre est éliminée, la cigale devient une
jeune femme dispendieuse qui prête son nom à tous
vents, jeu de mots du vers 2 (« rimé »/« imprimé »),
collage de citations de la fable source – on proposera
aux élèves de retrouver les citations du texte de La
Fontaine –, calembour sur « vers » et « vermisseau »
(v. 6), sur « famine » (v. 7), c’est-à-dire l’état de manque
d’inspiration, prosaïsme du prénom, inversion du
caractère de la jolie voisine « très prêteuse », alors que
la fourmi « n’est pas prêteuse/c’est là son moindre
défaut », autodérision du poète (« foi d’animal ! »),
oxymore plaisant (« joli défaut », v. 16), registre
familier des rimes (« morceau »/ « vermisseau », v. 5-6,
parenthèse pour la rime du vers 11).
La parodie conduit au renversement de situation et à
l’inversion des personnages, il ne s’agit plus de travailler
mais de rimer. Morale qui plaide en faveur de la création
poétique considérée comme une activité supérieure à
l’activité économique de la fourmi. L’humour de Corbière
sera utilement rapproché du Marot de « L’épître au roi »
avec son jeu sur les rimes holorimes.
L’autodérision du poète
Le poète pratique l’autodérision : en proie au manque
d’inspiration, réduit à la disette et contraint de s’adresser
à sa voisine, mendiant à l’instar de la cigale, ne lui
demandant que son « petit nom » (v. 10), juste de quoi
relancer une inspiration tarie. Pas de dramatisation
ici, mais l’aveu presque ingénu des intermittences de
la création. On comparera avec le sonnet de Du Bellay
« Las, où est maintenant ce mépris de fortune ». Ajoutons
le clin d’oeil à la fable et la discrète animalisation du vers
13, ainsi que la posture amusante du soupirant livrant
son appréciation sur la voisine consentante (vers 15, 16)
avec, sans doute, un sous-entendu licencieux. Le dernier
vers, détaché, en forme de chute, met le poète à l’épreuve :
sera-t-il à la hauteur ?
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