Etude littéraire, l'Île des esclaves, scène 3 Marivaux bac programme 2023 voie technologique

Scène 3 : «Trivelin – Venons maintenant à l’examen de son caractère » […] «En vérité, elle a raison»

L ile des esclaves

Bandeau

 

- L’île, espace théâtral

- Île et utopie

- La Grèce dans L ’Île des Esclaves

- La Commedia dell’arte dans L'Île des esclaves et La Colonie

- Marivaux Philosophe ?

La publication de ces pages est le fruit du travail collectif de professeurs de Lettres de l'académie de Rouen (Mme Martine Lombaerde, MM. Pascal Bernhart, Bernard Chambré, Hervé Chesnais, Thierry Morand et Dominique Morineau sous la direction de M. François Didier, IA-IPR de Lettres)

Comprendre le parcours bac

  • Quiz n° 1 :
  • La vie et l'oeuvre de Marivaux
  • 22 questions / réponses
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  • Questionnaire  :
  • Questionnaire sur le siècle des lumières
  • 22 questions / réponses 
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  • Quiz n° 2 :
  • Quiz sur le parcours bac "Maîtres et valets"
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Pour revoir vos études linéaires, entraînez-vous 

  • Quiz n°3
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  • 21 questions / Correction 
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  • 15 questions / Correction 
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  • Quiz sur la scène 5
  • 17 questions / Correction 
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  • Quiz n° 6
  • Quiz sur la scène 9
  • 17 questions / Correction 
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Exercices bac français Marivaux L'Île des esclaves parcours maîtres et valets -Evaluez votre niveau, testez vous, progressez avec les quiz

Exercices 2 4

Exercices bac français Marivaux L'Île des esclaves parcours maîtres et valets. Evaluez votre niveau, testez vos connaissances

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Quelles représentations, les comédies du 18e donnent-elles des maîtres et des valets et de leurs relations? Maîtres et valets des comédies du 18ème siècle

Acte 1 scène 3

«? Trivelin – Venons maintenant à l’examen de son caractère? » […] «? En vérité, elle a raison.? »

 

Vous pouvez aussi consulter 

 

A consulter pour vous entraîner 

 

Lecture de la scène

TRIVELIN, à part, à Euphrosine - Il faut que ceci ait son cours; mais consolez-vous, cela

finira plus tôt que vous ne pensez. (A Cléanthis.) J'espère, Euphrosine, que vous perdrez

votre ressentiment, et je vous y exhorte en ami. Venons maintenant à l'examen de son

caractère : il est nécessaire que vous m'en donniez un portrait, qui se doit faire devant la

personne qu'on peint, qu'elle se connaisse, qu'elle rougisse de ses ridicules, si elle en a, et

qu'elle se corrige. Nous avons là de bonnes intentions, comme vous voyez. Allons,

commençons.

CLÉANTHIS - Oh! que cela est bien inventé! Allons, me voilà prête; interrogez-moi, je suis

dans mon fort.

EUPHROSINE, doucement - Je vous prie, Monsieur, que je me retire, et que je n'entende

point ce qu'elle va dire.

TRIVELIN - Hélas! ma chère dame, cela n'est fait que pour vous; il faut que vous soyez

présente.

CLÉANTHIS - Restez, restez; un peu de honte est bientôt passé.

TRIVELIN - Vaine, minaudière et coquette, voilà d'abord à peu près sur quoi je vais vous

interroger au hasard. Cela la regarde-t-il?

CLÉANTHIS - Vaine, minaudière et coquette, si cela la regarde? Eh! voilà ma chère

maîtresse; cela lui ressemble comme son visage.

EUPHROSINE - N'en voilà-t-il pas assez, Monsieur?

TRIVELIN - Ah! je vous félicite du petit embarras que cela vous donne; vous sentez, c'est

bon signe, et j'en augure bien pour l'avenir : mais ce ne sont encore là que les grands traits;

détaillons un peu cela. En quoi donc, par exemple, lui trouvez-vous les défauts dont nous

parlons?

CLÉANTHIS - En quoi? partout, à toute heure, en tous lieux; je vous ai dit de m'interroger;

mais par où commencer? je n'en sais rien, et je m'y perds. Il y a tant de choses, j'en ai tant

vu, tant remarqué de toutes les espèces, que cela se brouille. Madame se tait, Madame

parle; elle regarde, elle est triste, elle est gaie : silence, discours, regards, tristesse et joie,

c'est tout un, il n'y a que la couleur de différente; c'est vanité muette, contente ou fâchée;

c'est coquetterie babillarde, jalouse ou curieuse; c'est Madame, toujours vaine ou coquette,

l'un après l'autre, ou tous les deux à la fois : voilà ce que c'est, voilà par où je débute; rien

que cela.

 EUPHROSINE - Je n'y saurais tenir.

TRIVELIN - Attendez donc, ce n'est qu'un début.

CLÉANTHIS - Madame se lève; a-t-elle bien dormi, le sommeil l'a-t-il rendue belle, se sentelle

du vif, du sémillant dans les yeux? vite, sur les armes; la journée sera glorieuse. "Qu'on

m'habille!" Madame verra du monde aujourd'hui; elle ira aux spectacles, aux promenades,

 aux assemblées; son visage peut se manifester, peut soutenir le grand jour, il fera plaisir à

voir, il n'y a qu'à le promener hardiment, il est en état, il n'y a rien à craindre.

TRIVELIN, à Euphrosine - Elle développe assez bien cela.

CLÉANTHIS - Madame, au contraire, a-t-elle mal reposé? "Ah! qu'on m'apporte un miroir;

comme me voilà faite! que je suis mal bâtie!" Cependant on se mire, on éprouve son visage

de toutes les façons, rien ne réussit; des yeux battus, un teint fatigué; voilà qui est fini, il faut

envelopper ce visage-là, nous n'aurons que du négligé, Madame ne verra personne

aujourd'hui, pas même le jour, si elle peut; du moins fera-t-il sombre dans la chambre.

Cependant, il vient compagnie, on entre : que va-t-on penser du visage de Madame? on

croira qu'elle enlaidit : donnera-t-elle ce plaisir-là à ses bonnes amies? Non, il y a remède à

 tout : vous allez voir. "Comment vous portez-vous, Madame? - Très mal, Madame; j'ai perdu

le sommeil; il y a huit jours que je n'ai fermé l'oeil; je n'ose pas me montrer, je fais peur." Et

cela veut dire : Messieurs, figurez-vous que ce n'est point moi, au moins; ne me regardez

pas, remettez à me voir; ne me jugez pas aujourd'hui; attendez que j'aie dormi. J'entendais

tout cela, car nous autres esclaves, nous sommes doués contre nos maîtres d'une

pénétration!... Oh! ce sont de pauvres gens pour nous.

TRIVELIN, à Euphrosine - Courage, Madame; profitez de cette peinture-là, car elle me

paraît fidèle.

EUPHROSINE - Je ne sais où j'en suis.

CLÉANTHIS - Vous en êtes aux deux tiers; et j'achèverai, pourvu que cela ne vous ennuie pas. 

TRIVELIN - Achevez, achevez; Madame soutiendra bien le reste.

CLÉANTHIS - Vous souvenez-vous d'un soir où vous étiez avec ce cavalier si bien fait?

J'étais dans la chambre; vous vous entreteniez bas; mais j'ai l'oreille fine : vous vouliez lui

plaire sans faire semblant de rien; vous parliez d'une femme qu'il voyait souvent. "Cette

femme-là est aimable, disiez-vous; elle a les yeux petits, mais très doux"; et là-dessus vous

ouvriez les vôtres, vous vous donniez des tons, des gestes de tête, de petites contorsions,

des vivacités. Je riais. Vous réussîtes pourtant, le cavalier s'y prit; il vous offrit son coeur. "A

moi? lui dîtes-vous. - Oui, Madame, à vous-même, à tout ce qu'il y a de plus aimable au

monde. - Continuez, folâtre, continuez", dîtes-vous, en ôtant vos gants sous prétexte de

m'en demander d'autres. Mais vous avez la main belle; il la vit, il la prit, il la baisa; cela

anima sa déclaration; et c'était là les gants que vous demandiez. Eh bien! y suis-je?

TRIVELIN, à Euphrosine - En vérité, elle a raison.

Voici toutes les problématiques possibles sur la scène

  1. COMMENT L’ILLUSION THEATRALE ET LA COMEDIE PEUVENT REVELER DES VERITES ET AINSI DENONCER LES VICES DE LA SOCIETE ?

  2. POUVEZ-VOUS, A PARTIR DE CETTE SCENE, CONSIDERER L’ILE DES ESCLAVES DE MARIVAUX COMME UNE « PIECE DES LUMIERES » ?

  3. MONTREZ QUE, DANS CETTE SCENE DE L’ILE DES ESCLAVES, LE PROCEDE DU THEATRE DANS LE THEATRE IMPLIQUE L’AUTEUR LUI-MEME AINSI QUE LE PUBLIC DE L’EPOQUE.

  4. QUELLES SONT LES CIBLES ET LES MODALITES DE LA SATIRE DANS LE PORTRAIT BROSSE PAR CLEANTHIS DE SA MAITRESSE ?

  5. QUELLES SONT LES FORMES DE COMIQUE QUI APPARAISSENT DANS CET EXTRAIT ?

  6. MONTREZ LA DIMENSION SATIRIQUE DE CET EXTRAIT DE COMEDIE ?

  7. MONTREZ QUE LE MASQUE DEMASQUE.

 

En quoi le portrait d’Euphrosine, et, à une plus grande échelle, la comédie corrigent-ils les mœurs  ?

Analyse de la scène

Problématique

En quoi le portrait d’Euphrosine, et, à une plus grande échelle, la comédie corrigent-ils les mœurs? ?

Introduction

La comédie est un genre littéraire qui vise à corriger les vices des hommes par le rire. Marivaux, célèbre dramaturge du XVIIIème siècle, élu à l’Académie française en 1742, l’a utilisée pour exprimer ses idées et pour remettre en cause les préjugés sociaux de son époque. Dans sa pièce, L’île des esclaves, il critique la relation dominant/dominé en utilisant une utopie. Il crée en effet une île sur laquelle l’ordre établi est remis en question, les maîtres deviennent esclaves et les esclaves deviennent maîtres. La scène étudiée est la 3ème ; elle met en scène Trivelin, maître de l’île, Euphrosine, une noble travestie en esclave, ainsi que Cléanthis, qui décrit son ancienne maîtresse Euphrosine. Nous déterminerons en quoi le portrait d’Euphrosine, et, à une plus grande échelle, la comédie corrigent les mœurs. Nous traiterons premièrement la vivacité et la théâtralité de ce portait puis nous verrons en quoi c'est  un miroir tendu à la société

I- Un portait vivant et théâtral A- Une mise en scène et un portrait B- Une libération de la parole de l’esclave-C- Un masque qui démasque

I- Un portait vivant et théâtral

A- Une mise en scène et un portrait 

Cléanthis interprète le rôle d’Euphrosine comme une pièce de théâtre, de manière très organisée. En effet, elle paraît jouer plusieurs scènes par exemple selon si madame a «? bien dormi? » ou «? au contraire […] mal reposé? ». On retrouve des paroles rapportées «? qu’on m’habille? !? »  et un discours indirect libre. Cléanthis dévoile une autre indication donnant l’impression qu’elle joue du théâtre lorsqu’elle dit «? vous en êtes aux deux tiers? », tout paraît calculé. Elle donne également à travers ses paroles des indications scéniques, des didascalies internes.

B- Une libération de la parole de l’esclave

La parole est ici donnée à Cléanthis, pourtant esclave. C’est elle qui parle le plus dans cette scène, symbole de pouvoir. Marivaux donne ici la parole à l’opprimé. Elle a de longues répliques et a le courage de s’adresser directement à Euphrosine, sa maîtresse. Répétition du «? vous? »

C- Un masque qui démasque

Par une « peinture fidèle » d’après Trivelin, Cléanthis démasque sa maîtresse. En jouant son portrait, elle l'a décrite et met en exergue ses défauts. On retrouve le champ lexical du miroir, de la vue «? grands traits? » «? visage? » «? plaisir à voir? » «? un miroir? » «? me montrer? » «? ne me regardez pas? » «? me voir? » «? peinture? »

 

II- Un miroir tendu à la société - Le portrait d’Euphrosine est celui de la noblesse- Un renversement des rôles et une mise en abyme- comédie corrige les mœurs

II- Un miroir tendu à la société

A- Le portrait d’Euphrosine est le portrait de toute la noblesse

«? madame? » est un nom qui désigne toutes les nobles ainsi Cléanthis ne décrit pas uniquement Euphrosine. Cléanthis généralise son portrait «? nous autres esclaves, nous sommes doués contre nos maîtres? » = Les paroles de Cléanthis sont une double énonciation, s’adressant autant à Euphrosine qu’à toute la salle remplie de nobles.

B- Un renversement des rôles et une mise en abyme

Nous avons à la fois un travestissement des rôles entre Cléanthis et Euphrosine qui deviennent chacune l’autre et une mise en abyme. Cléanthis joue un autre personnage, elle représente les comédiens, et Euphrosine assiste à son portrait et représente le public «? profitez de cette peinture-là? »,  elle «? profite? » donc à la scène. Trivelin lui peut être considéré metteur en scène.

C- «? castigat midendo mores? », la comédie corrige les mœurs

Le but de la comédie étant de corriger les mœurs des hommes, on peut dire que Cléanthis et Trivelin en voulant corriger les mœurs d’Euphrosine, symbolisent et représentent Marivaux qui à travers la comédie cherche à corriger tous les hommes.

prolongement dans la scène 4 : Euphrosine doit reconnaître la vérité du portrait

Conclusion :

Le fait  que Cléanthis s’amuse à jouer sa maîtresse qui passe son temps à se montrer et à jouer la comédie du paraître permet de mieux démasquer ce que le personnage de coquette a de vain et superficiel. Elle semble en effet prisonnière de son image au point de perdre son identité.  Pas d'authenticité car nous sommes dans le simulacre et l'artifice. 

prolongement dans la scène 4 :

Euphrosine doit reconnaître la vérité du portrait = Il faut percer au travers du masque dont les êtres se couvrent. Il s'agit de découvrir le visage authentique. 

Date de dernière mise à jour : 26/11/2022

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