Commentaire littéraire, Hymne à la beauté, Baudelaire les Fleurs du mal, bac français 2022. Parcours« Alchimie poétique : la boue et l’or »

« Alchimie poétique : la boue et l’or » - contextualiser / problématiser "La boue et l’or"-Bac général et technologique Programme bac de français 2022

Baudelaire

Baudelairela vie, l'oeuvre de Baudelaire et le symbolisme

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Baudelaire"Alchimie poétique, la boue et l'or"

Commentaires et questionnaires

Exercices bac français Baudelaire Les Fleurs du Mal /parcours Alchimie poétique : la boue et l'or-Evaluez votre niveau

Exercices 2 3

Exercices bac français Baudelaire Les Fleurs du Mal /parcours Alchimie poétique : la boue et l'or-Evaluez votre niveau, testez vos connaissances

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Commentaire littéraire, Hymne à la beauté. En quoi cette allégorie de la beauté incarne t'-elle une nouvelle esthétique moderne, fascinante et destructrice pour le poète?

Hymne à la Beauté, Baudelaire

 

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Viens-tu du ciel profond ou sors-tu de l'abîme,

Ô Beauté ! ton regard, infernal et divin,

Verse confusément le bienfait et le crime,

Et l'on peut pour cela te comparer au vin.

Tu contiens dans ton œil le couchant et l'aurore ;

Tu répands des parfums comme un soir orageux ;

Tes baisers sont un philtre et ta bouche une amphore

Qui font le héros lâche et l'enfant courageux.

Sors-tu du gouffre noir ou descends-tu des astres ?

Le Destin charmé suit tes jupons comme un chien ;

Tu sèmes au hasard la joie et les désastres,

Et tu gouvernes tout et ne réponds de rien.

Tu marches sur des morts, Beauté, dont tu te moques ;

De tes bijoux l'Horreur n'est pas le moins charmant,

Et le Meurtre, parmi tes plus chères breloques,

Sur ton ventre orgueilleux danse amoureusement.

L'éphémère ébloui vole vers toi, chandelle,

Crépite, flambe et dit : Bénissons ce flambeau !

L'amoureux pantelant incliné sur sa belle

A l'air d'un moribond caressant son tombeau.

Que tu viennes du ciel ou de l'enfer, qu'importe,

Ô Beauté ! monstre énorme, effrayant, ingénu !

Si ton œil, ton souris, ton pied, m'ouvrent la porte

D'un Infini que j'aime et n'ai jamais connu ?

De Satan ou de Dieu, qu'importe ? Ange ou Sirène,

Qu'importe, si tu rends, - fée aux yeux de velours,

Rythme, parfum, lueur, ô mon unique reine !

- L'univers moins hideux et les instants moins lourds ?

  • Définitions :
  • *Spleen : Malaise existentiel : Un état d'âme synonyme d'ennui, d'enlisement = Le mal baudelairien
  • *L'idéal : L'anti-monde du Spleen : Le spleen se rapporte au temps. L'idéal se rapporte à l'instant.

 

Problématique

En quoi cette allégorie de la beauté incarne t'-elle une nouvelle esthétique moderne, fascinante et destructrice pour le poète?

Plan du commentaire

I – Figure allégorique: une divinité double

A – Ange, origine céleste

B – Démon, origine infernale

II – Divinité double, une attraction fatale

A – Éros, thanatos

B – Cruauté de la beauté

III – La muse moderne

A – L'enthousiasme de Baudelaire

B – Un art nouveau

 

c’est à travers le chaos esthétique que Baudelaire réinvente au milieu du 19ème siècle la poésie, ouvrant la voie à Rimbaud, Verlaine et Mallarmé.

Poème dédié à Jeanne Duval, il est tiré des Fleurs du mal et appartient à la section Spleen et Idéal. Baudelaire met en avant le double postulat de la notion de beauté, elle est divine et satanique à la fois;

Accroche : Un hymne est un chant à la gloire de quelqu’un en quelque chose. La démarche de Baudelaire est singulière et souvent étonne, voire scandalise puisque beaucoup de ses poèmes publiés en 1857 dans les Fleurs du Mal furent censurés.

Sujet : Le poème « Hymne à la beauté » a de quoi surprendre puisqu’il mêle étrangement le beau et le laid, l’horrible et le sublime pour forger une image inédite de la Beauté. Ce poème est allégorique et donne une définition de l’art selon Baudelaire.

Problématique :

On se demandera en quoi cette allégorie de la Beauté incarne une nouvelle esthétique dont la modernité à la fois fascine et détruise le poète.

Plan :

Nous répondrons à cette problématique en trois temps. D’abord, nous analyserons la figure allégorique puis la divinité double et une attraction fatale, la souffrance du poète.

Questions sur l'introduction

A qui cette poésie est-elle dédiée?

De quel recueil est-elle tirée?

A quelle section appartient-elle?

Quel est le thème du poème?

Comment Baudelaire met-il en avant le concept de beauté?

Qu'est-ce qu'un hymne?

Pourquoi cette poésie est-elle surprenante?

Avons-nous une image inédite de la beauté?

Ce poème est-il allégorique?

Donne t'-il une définition de l'art?

I – FIGURE ALLEGORIQUE : UNE DIVINITE DOUBLE Dans cette première partie, nous analysons la divinité double en nous penchant d’abord sur l’origine céleste puis l’origine infernale.

A – ANGE, ORIGINE CELESTE

Vers 1 « Viens-tu du ciel profond » : le « tu » est une apostrophe à la Beauté et question sur son origine. Le « ciel profond » est un oxymore. Vers 2 « O beauté » Le « ô » est vocatif et un rejet de l’apostrophe sur le vers 2. « Nom unique » : L’Unique est le nom de Dieu dans la Bible. « Ange ». Vers 1 + Vers 9 : Confusion entre ascension et la chute

Questions sur le développement en fonction des axes du commentaire

I -

A -

Comme l'origine de la beauté se traduit-elle dans le vers 1?

Relevez l'oxymore qui traduit l'origine céleste

Relevez les autres indices suggestifs de l'origine céleste de la beauté

Quels sont les deux vers caractéristiques d'une confusion entre la chute et l'ascension?

B – DEMON, ORIGINE INFERNALE « Sors-tu du gouffre noir ? » : Il s’agit d’une métaphore de l’enfer et une hyperbole. « Ton regard infernal » : Qui vient de l’enfer « Sirène » référence à Homère, l’Odyssée. « Fée » : Fée Morgane, c’était une méchante fée. « Que tu viennes de l’enfer » : origine infernale « de Satan » : Diable dans la Bible.

B -  Questionnaire

Relevez et analysez la métaphore de l'enfer

Relevez une hyperbole

Montrez l'origine infernale de la beauté, son aspect démoniaque dans son opposition à son origine céleste

Cette conception du Beau comme Divinité double est-elle surprenante?

Peut-on parler d'une figure allégorique?

Proposez la définition de l'allégorie

 II – DIVINITE DOUBLE ET UNE ATTRACTION FATALE

Dans cette seconde partie, nous étudierons la divinité double et son attraction fatale à travers Eros-Thanatos le couple mythique et la cruauté de la Beauté.

A – EROS – THANATOS

« Tes baisers sont un philtre » : potion magique que burent Tristan et Iseut. A l’origine, c’était un philtre de mort et non de mort = INTERTEXTUALITE Philtre = comparaison entre le baiser et le philtre. Cette métaphore d’amour ayant un pouvoir magique ambigu. « Amoureux (…) moribond : Métaphore du poète.

II -  Questionnaire

A -

Analysez la métaphore d'amour au pouvoir ambigu

Est-elle évocatrice et représentative du double postulat inhérent à la beauté?

Quelle est la métaphore du poète?

Relevez la et analysez la

B – CRUAUTE DE LA BEAUTE

« Mon unique Reine » : Métaphore d’une monarchie amoureuse. Lui est le vassal. Elle est la suzeraine. « Tu marches sur les morts, dont Beauté, tu t’en moques » : froideur, aucun sentiment. Impitoyable. « Horreur » et « Meurtre » : 2 allégories symbolisant sa cruauté. Ces 2 allégories forment l’image de ses bijoux (« breloques ») cf. Mythe d’Icare (Les plaintes d’un Icare dans les Fleurs du Mal) « éphémère » : métaphore du poète « chandelle » « flambeau » : métaphores de la beauté mortelle. « Tu gouvernes tout et ne réponds de rien » : La beauté par ces mots révélateurs fait preuve de tyrannie. « Le Destin » est comparé à un chien (image dégradante) : immense pouvoir car le Destin chez les Grecs étaient au-dessus des Dieux ce qui constitue un paradoxe.

B -  Questionnaire

Relevez la métaphore d'une monarchie amoureuse. Que signifie t'-elle?

Citez les vers caractéristique de la cruauté de la beauté

Comment son aspect froid et impitoyable est-il mis en évidence?

Relevez les deux allégories de la cruauté

A quel mythe Baudelaire fait-il allusion?

Quelle métaphore connote l'aspect de la beauté mortelle?

Comment le destin et son pouvoir sont-ils associés à la beauté?

Que veut dire Baudelaire?

En quoi peut-on parler d'un paradoxe?

III – LA MUSE MODERNE

Dans cette dernière partie nous étudions la Muse moderne à travers l’enthousiasme de Baudelaire et un art nouveau.

A – L’ENTHOUSIASME DE BAUDELAIRE

« ô beauté » : vocatif « ô beauté ! » : l’allégorie traduit la vénération. Il s’agit d’une anaphore : insistance, désir d’engager le dialogue avec elle… « ô mon unique reine » : ton de supplication de douceur Dans les deux derniers quatrains, la syntaxe hachée traduit son enthousiasme comme s’il perdait haleine.

III -  Questionnaire

A -

En quoi peut-on parler d'une muse moderne?

Comment la vénération se traduit-elle?

De quelle figure de style s'agit-il?

Quel effet a t'-elle?

Comment la supplication du poète se manifeste t'-elle?

Analysez la syntaxe des deux derniers quatrains: que met-elle en avant?

B – UN ART NOUVEAU

« vin/divin » : l’idée de Dieu est associée aux « Paradis artificiels » « astres/désastres » : antonymes : L’idée d’Apocalypse contamine celle du Paradis. Les quatre expressions évoquées sont un BLASPHEME. « Une infinité que j’aime et n’ai jamais connu » : Métaphore de la nouvelle poésie. Infinité est une allégorie. « qui font le héros (A) lâche (B) et l’enfant (B) courageux » (A) : ABBA : CHIASME. C’est un paradoxe. L’art nouveau de Baudelaire inverse la logique et le sens commun.

B -  Questionnaire

Comment les paradis artificiels sont-ils évoqués?

A quoi sont-ils associés? Pourquoi?

Quelle est l'intention de Baudelaire?

A quoi les antonymes «Astres et désastres» sont-ils liés? Quelle idée domine celle du paradis?

Analysez la métaphore de la nouvelle poésie:

Étudiez le chiasme

Quel est le paradoxe en présence?

En quoi consiste l'art Nouveau de Baudelaire?

Synthèse : le Dieu de Baudelaire est la beauté. C’est un esthète, il ne place rien au-dessus de cette divinité.

Conclusion générale :

Ce poème allégorique est une sorte de communication que fait Baudelaire à l’égard de son propre art. Il assure selon son cœur, la bouleverse, lui fait parfois mal mais le fascine en même temps. Baudelaire rejette la conception classique de la Beauté. Celle-ci est désormais terrible. Elle regarde du côté du Diable et du crime. Mais c’est à travers le chaos esthétique que Baudelaire réinvente au milieu du 19ème siècle la poésie, ouvrant la voie à Rimbaud, Verlaine et Mallarmé.

Questions sur la conclusion

Quel est le Dieu de Baudelaire? 

Est-il un esthète?

Hymne à la beauté: est-ce un poème allégorique?

Est-il révélateur de la conception Baudelairienne de l'art

Est-il le miroir des contradictions du poète?

Baudelaire rejette t'-il la conception classique de la beauté?

Cette Nouvelle poésie renvoie t'-elle au chaos esthétique?

Cette poésie Baudelairienne ouvre t'-elle la voie à Rimbaud, Verlaine et Mallarmé?

Questions sur l'ouverture

En quoi le concept de la beauté diffère t'-il entre Beauté et Hymne à la beauté?

Y a t'-il une connotation morale dans Hymne à la beauté?

La beauté s'apparente t'-elle à une certaine forme de l'Idéal?

Dans quel poème Baudelaire assimile t'-il le Bien et le Beau?

Travailler l'ouverture

Le concept baudelairien de Beau

Hymne à la beauté et La Beauté, deux conceptions différentes de la beauté

Dans son sonnet, La Beauté, Baudelaire assimile la beauté à un «Sphinx», c'est-à-dire une statue, un monument de pierre figé qui n'a rien à voir avec la vie. 

 

Charles BAUDELAIRE (1821-1867)

La beauté

 

Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre,

Et mon sein, où chacun s'est meurtri tour à tour,

Est fait pour inspirer au poète un amour Éternel

et muet ainsi que la matière.

Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris ;

J'unis un coeur de neige à la blancheur des cygnes ;

Je hais le mouvement qui déplace les lignes,

Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Les poètes, devant mes grandes attitudes,

Que j'ai l'air d'emprunter aux plus fiers monuments,

Consumeront leurs jours en d'austères études ;

car j'ai, pour fasciner ces dociles amants,

De purs miroirs qui font toutes choses plus belles :

Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !

 

Dans hymne à la beauté, le poète n'associe plus la beauté à la statue froide et figée mais à un être hybride entre ange et démon, Dieu et Satan. La connotation morale est tout à fait absente . Le poète en proie au spleen est en quête d'ivresse, de sensations fortes et la beauté est finalement comparable au vin ouvrant les sens sur le paradis artificiel. Baudelaire manifeste une certaine dévotion pour la beauté car elle favorise l'évasion hors du temps qui emprisonne l'homme et le rappelle à son tragique destin de mortel.  La beauté devient donc un remède pour lutter contre le spleen, l'ennui, l'angoisse. C'est une certaine forme de l'Idéal qui promet à l'homme consolation.

Dans Hymne à la beauté, nous n'avons pas de connotations morales mais seulement esthétiques.

Nous retrouvons la notion de bien et de beau dans les poèmes d'amour inspirés par Mme Sabatier comme le Flambeau vivant.    

Charles BAUDELAIRE (1821-1867)

Le flambeau vivant

 

Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de lumières,

Qu'un Ange très savant a sans doute aimantés ;

Ils marchent, ces divins frères qui sont mes frères,

Secouant dans mes yeux leurs feux diamantés.

Me sauvant de tout piège et de tout péché grave,

Ils conduisent mes pas dans la route du Beau ;

Ils sont mes serviteurs et je suis leur esclave ;

Tout mon être obéit à ce vivant flambeau.

Charmants Yeux, vous brillez de la clarté mystique

Qu'ont les cierges brûlant en plein jour ;

le soleil Rougit, mais n'éteint pas leur flamme fantastique ;

Ils célèbrent la Mort, vous chantez le Réveil ;

Vous marchez en chantant le réveil de mon âme,

Astres dont nul Soleil ne peut flétrir la flamme !

 

Baudelaire

Quiz Baudelaire Fleurs du mal parcours Alchimie poétique

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Les femmes sont magnifiées et idéalisées par l’art du poète, opération d’alchimie qui traverse l’ensemble de sa création (cf. « tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or »)

 

Baudelaire

Comprendre le parcours, Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal Alchimie poétique la boue et l’or. Bac de français 

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Baudelaire et les femmes :


La partie des Fleurs du Mal que Baudelaire consacre aux femmes est située dans la section Spleen et Idéal et est habituellement décomposée en plusieurs cycles, bien qu’on trouve des poèmes sur les femmes depuis Tableaux Parisiens jusqu’à la Mort.

-Les poèmes XXII (parfum exotique) à XXXIX constituent le cycle de Jeanne Duval, même si deux de ces poèmes ont été attribués à une prostituée surnommée « Sara la louchette » : le XXXII « Une nuit que j’étais près d'une affreuse Juive... » et le XXV « Tu mettrais l’univers entier dans ta ruelle/Femme impure !... » Elle était figurante dans un petit théâtre et on pense qu’elle s’appelait en réalité Jeanne Lemer, mais elle aurait changé de nom à plusieurs reprises pour fuir ses créanciers : on sait par exemple qu’elle avait pris en 1864 celui de « Mlle Prosper ». Au physique, elle avait une démarche triomphale, des cheveux noirs éclatants, de grands yeux bruns, des lèvres sensuelles, et ce que Baudelaire appelait des « seins aigus ». De caractère, elle aurait été sournoise, menteuse, débauchée, dépensière, alcoolique, ignorante et stupide... portrait peu flatteur, en vérité. Mais il est vrai qu’il recommande des femmes bêtes aux jeunes littérateurs car, selon lui, « la bêtise est toujours la conservation de la Beauté, elle éloigne les rides ; c’est un cosmétique divin qui préserve nos idoles des morsures que la pensée garde pour nous, vilains savants que nous sommes ! » Sa liaison avec le poète fut sans cesse rompue et renouée.

-Les poèmes XL (Semper Eadem) à XLVIII consacrent le cycle de Mme Apollonie Sabatier, surnommée « La Présidente ». Aussitôt écrits, la plupart des poèmes qui lui étaient adressés lui ont été envoyés anonymement : À celle qui est trop gaie fut reçu le 10 décembre 1852. Elle avait 30 ans, et à deux jours près un an de moins que Baudelaire. Richement entretenue par le fils d’un banquier, elle recevait chez elle (place Pigalle) de nombreuses compagnies d’artistes et d’écrivains. Tous ceux qui l’ont connue s’accordent à dire que trois grâces rayonnaient d’elle : la beauté, la bonté et la joie. En août 1857, elle cédera au poète et déchoira dès lors du piédestal sur lequel il l’avait élevée, puisque celui-ci lui écrira peu après: « Il y a quelques jours, tu étais une divinité, ce qui est si commode, ce qui est si beau, si inviolable. Te voilà femme maintenant... »

– Les poèmes XLIX (Le Poison) à LVIII forment le cycle de Marie Daubrun, actrice. On sait peu de choses d’elle, si ce n’est qu’elle est souvent surnommée « la femme aux yeux verts » et qu’il la fréquenta vers 1847. Baudelaire semble chercher en elle l’oubli de ses précédents tourments amoureux. Elle incarne plutôt le double, la sœur, que l’amante (cd. « Mon enfant, ma sœur/ Songe à la douceur/ D’aller là-bas vivre ensemble ! »)

– Vient ensuite le cycle des héroïnes secondaires, des poèmes LVIII à LXIV. Le LIX a pour objet une amie de Mme Sabatier nommée Élisa Neri dont la liberté de pensée et d’action avaient frappé Baudelaire ; le LXI (À une dame créole) fut le premier poème publié par Baudelaire, paru dans l'Artiste du 25 mai 1847. En vérité, le texte figurait dans une lettre adressée le 20 octobre 1841 à M. Autard de Bragard, le mari de la dame, à l’île Bourbon : « Vous m’avez demandé quelques vers à Maurice pour votre femme, et je ne vous ai pas oublié ». Le LXII évoque une Agathe, le LX une certaine Francisca et le LXIV une Marguerite. Toutes les destinataires de ces poèmes n’ont cependant pas pu être identifiées.

Les femmes fantasmées
De ces femmes réelles, en particulier de Jeanne Duval et de Mme Sabatier, Baudelaire accentuera les traits jusqu’à en faire de véritables icônes. Jeanne Duval devient la « Vénus noire », incarnation de l’amour sensuel. Plus que la volupté, Baudelaire voit dans cette femme une source d’évasion par l’exotisme ou par le plaisir esthétique. La beauté brune de Jeanne Duval, le parfum de sa chevelure éveillent un monde de sensations et d’images ensoleillées. Il aime voir « miroiter sa peau », et pour sa démarche ondulante, il la compare à « un beau vaisseau qui prend le large/ Chargé de toile et va roulant ». Sa sensibilité d’artiste s’émeut devant la beauté sculpturale de la Vénus Noire, « Statue aux yeux de jais, grand ange au front d’airain ». Mme Sabatier, quant à elle, incarne l’amour spiritualisé qui répondrait à la quête ardente et nostalgique d’un au-delà sentimental, correspondant à une mystique de l’amour. Du physique de Mme Sabatier, nous ne savons à peu près rien : elle apparaît comme désincarnée. Pour le poète, en effet, l’amour n’est un remède aux maux de notre âme que s’il se maintient hors des contingences charnelles. La femme aimée devient « l’ange gardien, la muse et la madone », parée de vertus et de charmes supraterrestres. L’amour s’établit ainsi sur des hauteurs divines, inaccessibles au spleen.

Les femmes qu’il rencontre sont donc magnifiées et idéalisées par l’art du poète, opération d’alchimie qui traverse l’ensemble de sa création (cf. « tu m’as donné ta boue et j’en ai fait de l’or »)

La conception ambivalente de la femme
Ambivalence de l’amour

L’amour est tout d’abord perçu comme un moyen d’évasion pour échapper au spleen, au même titre que la dissolution dans la foule, le vin ou la révolte. Il emporte le poète vers un autre monde, plus paisible où dominent les sens physiques, par opposition aux sentiments spirituels qui le tourmentent. Mais rapidement, l’amour lui aussi est rattrapé par les notions de souffrance et de mal-être. Sa douceur a un arrière goût de perdition et de néant : le charme physique de la femme aimée éveille irrésistiblement l’horreur du tombeau, la décomposition de la chair et la hantise du pêché qui prépare à de longs remords. Il écrit dans Fusées « l’amour ressembl[e] fort à une torture ou une opération chirurgicale. Mais cette idée peut être développée de la manière la plus amère. Quand même les deux amants seraient très épris et très pleins de désirs réciproques, l’un des deux sera toujours plus calme ou moins possédé que l’autre. Celui-là ou celle-là c’est l’opérateur ou le bourreau ; l’autre, c’est le sujet, la victime. » Ou encore dans le poème CXIII (La Fontaine de Sang) : « J’ai cherché dans l’amour un sommeil oublieux/Mais l’amour n’est pour moi qu’un matelas d’aiguilles/Fait pour donner à boire à ces cruelles filles ! » Il est donc à la fois élan et déception, plaisir et souffrance.

Le double postulat Duval/Sabatier
L’ambivalence baudelairienne, énoncée très clairement dans Mon cœur mis à nu « il y a en tout homme, à toute heure, deux postulations simultanées, l’une vers Dieu, l’autre vers Satan » se retrouve dans les deux amours de sa vie, à la fois complémentaires et antinomiques. Quand Jeanne l’attire vers le péché de chair, Apollonie le sauve par sa vertu (il lui écrira dans une lettre « Quand je fais quelque chose de bien, je me dis : Voilà quelque chose qui me rapproche d’elle – en esprit. » ; quand il apprécie la sensualité de Jeanne, il quitte Apollonie pour lui avoir cédé et lui écrira un assassin « il y a quelques jours, tu étais une divinité, ce qui est si commode, si beau, si inviolable. Te voilà femme maintenant. » L’une est blanche, l’autre est noire… la dichotomie est scellée.

Le beau dans la laideur / la laideur dans le beau
Que ce soit Sarah « la louchette » ou bien Jeanne Duval, mulâtresse, comédienne de bas étage, ou certaines prostituées du quartier Bréda, il y a toujours chez la femme baudelairienne une zone d’ombre, quelque chose d’inquiétant, de menaçant. Peut-être résidus de christianisme qui entachent la femme de la responsabilité du péché originel, peut-être angoisses inconscientes de la faiblesse face à la femme dont parlera Simone de Beauvoir ; laideur et beauté restent ici indissociables, comme dans le titre même de l’œuvre.

La femme, par la fascination qu’elle exerce sur Baudelaire, se constitue en clef de voûte de l’édifice des Fleurs du Mal. L’imagination du poète la sublime et il la situe dans une ambivalence toute personnelle, puisque cette « double postulation » est celle qui régit l’ensemble de son identité et de son œuvre. C’est cette appropriation de la figure féminine qui, finalement, la modernise profondément.
 

 
 

Date de dernière mise à jour : 27/11/2022

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