Sujets de bac de français 2003 de Pondichéry, annales bac série L. Objet d'étude les réécritures

Lycee francais de pondichery

 
 

Objet d'étude : les réécritures avec Sophocle, Antigone. Anouilh, Antigone et Bauchau, Antigone

Annales du bac de français 2003

Pondichéry, série L 

 

Objet d'étude : Réécritures.
 

Corpus textes :
Texte A -  Sophocle : Antigone (441 av. J.C.)
Texte B - Jean Anouilh : Antigone (1944)
Texte C - Henry Bauchau : Antigone (1997)

 

En 2003, les séries L, métropole, session de juin, ont travaillé sur un corpus de textes consacré à la réécriture avec Defoe, J. Perse, Giraudoux et Tournier

En 2002, les séries L, métropole, session de juin, ont travaillé sur un corpus de textes consacré à la poésie avec Corbière, Laforgue La Cigarette, Cendrars Académie Medrano Boileau Art poétique

 

 

Texte A - Sophocle : Antigone (vers 474 à 511).

[Créon, qui dirige Thèbes, a édicté un décret interdisant que l'on enterre Polynice, frère d'Antigone et d'Ismène, parce qu'il a porté les armes contre sa cité. Antigone a transgressé cette loi.]

CRÉON
Apprends que c'est le manque de souplesse, le plus souvent, qui nous fait trébucher. Le fer massif, si tu le durcis au feu, tu le vois presque toujours éclater et se rompre. Mais je sais aussi qu'un léger frein a bientôt raison des chevaux rétifs. Oui, l'orgueil sied mal à qui dépend du bon plaisir d'autrui. Celle-ci savait parfaitement ce qu'elle faisait quand elle s'est mise au-dessus de la loi. Son forfait accompli, elle pèche une seconde fois par outrecuidance lorsqu'elle s'en fait gloire et sourit à son œuvre. En vérité‚ de nous deux, c'est elle qui serait l'homme si je la laissais triompher impunément. Elle est ma nièce, mais me touchât-elle par le sang de plus près que tous les miens, ni elle ni sa sœur n'échapperont au châtiment capital. Car j'accuse également Ismène d'avoir comploté avec elle cette inhumation. Qu'on l'appelle : je l'ai rencontrée tout à l'heure dans le palais l'air égaré, hors d'elle. Or ceux qui trament dans l'ombre quelque mauvais dessein se trahissent toujours par leur agitation... Mais ce que je déteste, c'est qu'un coupable, quand il se voit pris sur le fait, cherche à peindre son crime en beau.
ANTIGONE
Je suis ta prisonnière; tu vas me mettre à mort : que te faut-il de plus ?
CRÉON
Rien, ce châtiment me satisfait.
ANTIGONE
Alors pourquoi tardes-tu ? Tout ce que tu me dis m'est odieux, - je m'en voudrais du contraire - et il n'est rien en moi qui ne te blesse. En vérité, pouvais-je m'acquérir plus d'honneur qu'en mettant mon frère au tombeau ? Tous ceux qui m'entendent oseraient m'approuver, si la crainte ne leur fermait la bouche. Car la tyrannie, entre autres privilèges, peut faire et dire ce qu'il lui plaît.
CRÉON
Tu es seule, à Thèbes, à professer de pareilles opinions.
ANTIGONE, désignant le choeur.
Ils pensent comme moi, mais ils se mordent les lèvres.
CRÉON
Ne rougis-tu pas de t'écarter du sentiment commun ?
ANTIGONE
II n'y a point de honte à honorer ceux de notre sang.

 

Texte B - Jean Anouilh  Antigone, 1944.

CRÉON, la secoue
Te tairas-tu enfin ?
ANTIGONE
Pourquoi veux-tu me faire taire ? Parce que tu sais que j'ai raison ? Tu crois que je ne lis pas dans tes yeux que tu le sais ? Tu sais que j'ai raison, mais tu ne l'avoueras jamais parce que tu es en train de défendre ton bonheur en ce moment comme un os.
CRÉON
Le tien et le mien, oui, imbécile
ANTIGONE
Vous me dégoûtez tous avec votre bonheur ! Avec votre vie qu'il faut aimer coûte que coûte. On dirait des chiens qui lèchent tout ce qu'ils trouvent. Et cette petite chance pour tous les jours, si on n'est pas trop exigeant. Moi, je veux tout, tout de suite, - et que ce soit entier - ou alors je refuse ! je ne veux pas être modeste, moi, me contenter d'un petit morceau si j'ai été bien sage. Je veux être de tout aujourd'hui et que cela soit aussi beau que quand j'étais petite - ou mourir.
CRÉON
Allez, commence, commence, comme ton père !
ANTIGONE
Comme mon père, oui ! Nous sommes de ceux qui posent les questions jusqu'au bout. Jusqu'à ce qu'il ne reste vraiment plus la petite chance d'espoir vivante, la plus petite chance d'espoir à étrangler. Nous sommes de ceux qui lui sautent dessus quand ils le rencontrent, votre espoir, votre cher espoir, votre sale espoir !
CRÉON
Tais-toi ! Si tu te voyais criant ces mots, tu es laide.

 

Texte C - Henry Bauchau : Antigone, 1997.

[C'est Antigone qui raconte.]

   Créon s'impatiente et ordonne à Ismène de prendre place de l'autre côté de la salle. Il y a de nouveau en face de nous la falaise ou le rempart livide derrière lequel se dissimulent le roi vautour et ses mangeurs de cadavres. Il énumère un à un les crimes de Polynice et déclare que la loi, condamnant les corps des traîtres à pourrir sans sépulture hors des murs de la cité, est la plus antique, la plus vénérable des lois de la Grèce.
   Repliée sur moi-même je me tais, comme le veut Ismène, je me tais de toutes mes forces.
   C'est en finissant que le Grand Proférateur1 énonce la véritable accusation :
   "Tout le monde à Thèbes m'obéit, sauf toi, une femme !"
   Ismène, d'un cillement des yeux, m'avertit : Nous y voilà !
   Nous y sommes, c'est vrai et je voudrais me taire encore mais cette fois je ne puis plus déguiser ma pensée. Mes yeux que le soleil fait larmoyer, ne peuvent plus discerner dans les formes de pierre le véritable Créon, et c'est à voix basse, peut-être pour lui seul, que je trouve la force de dire :
   "Je ne refuse pas les lois de la cité, ce sont des lois pour les vivants, elles ne peuvent s'imposer aux morts. Pour ceux-ci il existe une autre loi qui est inscrite dans le corps des femmes. Tous nos corps, ceux des vivants et ceux des morts, sont nés un jour d'une femme, ils ont été portés, soignés, chéris par elle. Une intime certitude assure aux femmes que ces corps, lorsque la vie les quitte, ont droit aux honneurs funèbres et à entrer à la fois dans l'oubli et l'infini respect. Nous savons cela, nous le savons sans que nul ne l'enseigne ou l'ordonne."
    La grande falaise royale s'élève et occupe tout l'horizon tandis qu'en face de moi le personnage crispé de Créon proclame :
    " A Thèbes il n'y a qu'une seule loi et jamais une femme n'y fera prévaloir la sienne."
    Il se tourne vers ses assesseurs :
    "Vous l'avez entendue, que dit la loi ?"
    Ils s'inclinent et leurs voix répondent en écho :
    "La mort."

1. Il s'agit de Créon.

 

ÉCRITURE

I. Vous répondrez d'abord à la question suivante (4 points) :

  A partir de ces trois textes, vous caractériserez le personnage d'Antigone.

Il. Vous traiterez ensuite un des trois sujets suivants (16 points) :

Commentaire :
Vous commenterez le texte C.

Dissertation :
Réécrire, est-ce imiter ou innover ?
Vous répondrez à cette question en un développement composé prenant appui sur les textes de ce corpus, sur les textes étudiés en classe et sur vos propres lectures.

Invention :
Face à Antigone, Ismène sa sœur défend à son tour "les lois de la cité" (texte C). Écrivez le dialogue de type théâtral qui oppose les deux personnages

 

 
 

Date de dernière mise à jour : 27/10/2019

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