Le vivant - l'esprit, la matière -La conception spiritualiste, finaliste, matérialiste, mécaniste du vivant - Aristote - Descartes- Philo 2024

Dossier pédagogique le réel et le virtuel - La matière et l'esprit La question de la nature du réel - Enjeux et problèmes L'esprit n'est-il pas lui-même matériel ? Fiche synthèse sur le cours

Le vivant

Le vivant 

Vocabulaire de la leçon

Vocabulaire

Matière / Esprit - Vie / Vivant - Monisme / Dualisme - Matérialisme / Idéalisme / Spiritualisme / Immatérialisme - Vitalisme / Mécanisme - Modèle - Réductionnisme

 

vivantla définition est problématique. On peut cependant définir le vivant par sa capacité à se reproduire. Il faut souligner l'expression « être vivant » qui ne renvoie pas spécifiquement à l'homme mais à tout ce qui vit

Mécanisme = Doctrine selon laquelle tout dans l'univers s'explique par les relations de cause à effet d'ordre mécanique

Finalisme = Doctrine qui comme celle d'Aristote affirme que les phénomènes naturels, la vie, s'expliquent par des fins ou causes finales

Le vivant est un organisme naturel. Il se distingue de la matière inerte en ce qu'il semble animé. Mais l'âme existe t'-elle ? Le vivant est-il un être à part dans la nature, ou bien n'est-il constitué que de matière comme le reste ? Est-ce l'organe qui crée la fonction (mécanisme) ou bien le besoin qui fait apparaître l'organe (finalisme) ? Avons-nous des yeux pour voir, ou bien voyons-nous parce que nous avons des yeux ?

 

Le vivant

  1. La vie / Le vivant : La biologie est une connaissance de la vie ou des phénomènes vivants ? Qu'est-ce qui définit le vivant ?

  2. Vitalisme et mécanisme : Pour connaître le vivant, faut-il en faire un objet ? Peut-on le réduire à des agencements mécaniques ou à des processus physico-chimiques ? Au contraire, faut-il affirmer son irréductibilité aux lois de la chimie et de la physique ?

  3. La question de la finalité : L'ordonnancement étonnant des êtres vivants, leur ordre interne (celui des organes) comme leur adaptation extraordinaire à l'environnement, nous obligent-t-ils à penser une finalité dans la nature ? L'évolution est-elle orientée de manière immanente vers un but, une fin ? Y'a-t-il une espèce de grand architecte (Dieu) à l'origine de la vie et des vivants, qui dirige également leur évolution ? Ou bien peut-on se passer de telles hypothèses expliquer tout cela également par le jeu de causes mécaniques ?

  4. Questions éthiques : les questions morales impliquées dans une réflexion sur le lien matière/esprit.

La conception spiritualiste du vivant - La conception aristotélicienne du vivant = tous les vivants ont une âme

  • l'âme est le principe de la vie, elle peut se concevoir comme ce qui anime la matière, la met en vie et en mouvement. A ce niveau les êtres vivants se distinguent des choses inanimées
  • Tous les vivants ont une âme. Il y a selon Aristote, trois sortes d'âme. L'âme végétative, commune à tous les êtres vivants, l'âme sensitive, elle engendre la sensation et la sensibilité, elle est commune aux animaux et à l'homme, l'âme raisonnable ou intellective, propre à l'homme, elle est le principe de la pensée.
  • L'âme joue pour le vivant le rôle de moteur et de fin. Elle n'est pas seulement une force motrice mais une force formatrice qui, par exemple transforme le gland en chêne. L'âme est comme une force invisible qui modèle la matière et l'anime. Les êtres vivants se développent spontanément selon un plan comme s'ils étaient fabriqués par un artisan intérieur: «Si l'art de construire des vaisseaux était dans le bois, il agirait comme la nature » écrit Aristote. L'âme est la forme du corps, elle donne sa forme à l'être vivant.

Le finalisme - La conception aristotélicienne de l'âme s'inscrit dans un contexte finaliste.

Le finalisme

La conception aristotélicienne de l'âme s'inscrit dans un contexte finaliste. On qualifie de finaliste toute doctrine qui attribue un rôle majeur à la finalité dans l'explication de l'univers en général et des êtres vivants en particulier Il se résume dans la formule d'Aristote « la nature ne fait rien en vain »

Il y aurait partout de la finalité dans la nature, toute chose tendrait vers une fin, un but ou une cause finale. Par exemple, voir est la finalité des yeux, marcher celle des jambes, arroser la terre est le but de la pluie... Le finalisme cherche la raison d'être des choses, il répond à la question pourquoi ? Il se demande pourquoi ou en vue de quoi les choses sont ce qu'elles sont

Par exemple, Aristote interprète la chute des corps comme la manifestation de la tendance spontanée qu'aurait chaque élément, la terre, l'air, le feu, l'eau à retrouver son lieu naturel, sa place. Or cette finalité partout à l'oeuvre dans la nature, l'univers est particulièrement manifeste dans le monde vivant. Les organes ont par définition une fonction, les êtres vivants sont utiles les uns aux autres et l'âme enfin joue pour le vivant le rôle de moteur et de fin.

La conception matérialiste et mécaniste du vivant - Descartes, la théorie des animaux machines

 

Est-il vraiment nécessaire de recourir à la notion d'âme pour expliquer la vie ? Descartes estime que les animaux sont des machines créées par Dieu. Nul besoin de supposer une âme, un principe de vie pour expliquer le fonctionnement du corps des animaux. « Ceux qui, sachant combien de divers automates, ou machines mouvantes, l'industrie des hommes peut faire... considéreront ce corps, celui des animaux comme une machine qui ayant été faite des mains de Dieu, est incomparablement mieux ordonnée et a en soi des mouvements plus admirables qu'aune de celles qui peuvent être inventées par les hommes ».

Le philosophe estime que si on pouvait fabriquer une machine semblable à un signe par exemple, une machine qui aurait à la fois les mêmes organes internes et la même apparence extérieure, rien ne permettrait de distinguer la machine du véritable animal, car l'animal véritable n'est lui-même rien de plus qu'une machine.

Toutefois Descartes ne renonce pas entièrement à la notion d'âme. Si les animaux sont des machines sans âmes, le corps de l'homme est uni à une âme qui est le principe de la pensée ou de la conscience. Cette âme qui distingue radicalement l'homme de l'animal et fait sa dignité n'est plus comme chez Aristote, un principe de vie. Elle ne confère par la vie au corps humain qui n'est lui-même qu'une machine

 

Je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose, sinon que les effets des machines ne dépendent que de l'agencement de certains tuyaux, ou ressorts, ou autres instruments, qui, devant avoir quelque proportion avec les mains de ceux qui les font, sont toujours si grands que leurs figures et mouvements se peuvent voir, au lieu que les tuyaux ou ressorts qui causent les effets des corps naturels sont ordinairement trop petits pour être aperçus de nos sens. Et il est certain que toutes les règles des mécaniques appartiennent à la physique, en sorte que toutes les choses qui sont artificielles, sont avec cela naturelles. Car, par exemple, lorsqu'une montre marque les heures par le moyen des roues dont elle est faite, cela ne lui est pas moins naturel qu'il est à un arbre de produire des fruits.

DescartesPrincipes de la philosophie, IV, art.203, 1644

 

Le mécanisme de Descartes s'oppose au finalisme d'Aristote qui privilégie l'explication par les fins ou cause finale.

Le vivant s'explique donc de manière matérielle et mécanique. Matérielle car aucun principe immatériel ne donne la vie ni aux animaux, ni à l'homme, mécanique car dans un être vivant, un organisme, tout s'explique par l'agencement et le mouvement des parties.

 

La théorie des animaux machine s'intègre dans une conception mécaniste de l'ensemble de l'univers. Le mécanisme = doctrine selon laquelle tous les phénomènes s'expliquent par les lois des mouvements matériels. L'univers est comparable à une grande machine et à l'intérieur se trouvent les machines plus petites, les animaux.

Le mécanisme de Descartes s'oppose au finalisme d'Aristote qui privilégie l'explication par les fins ou cause finale.

les organismes vivants sont si bien adaptés à leur milieu, ou si leurs organes sont agencés de manière harmonieuse, c'est parce que la nature, comme cause productrice de ces êtres, a créé ces organes pour remplir cette fonction. La nature et ses productions sont finalisées

 

Anaxagore prétend que c'est parce qu'il a des mains que l'homme est le plus intelligent des animaux. Ce qui est rationnel plutôt, c'est de dire qu'il a des mains parce qu'il est intelligent. En effet, l'être le plus intelligent est celui qui est capable d'utiliser le plus grand nombre d'outils : or la main semble bien être non pas un outil, mais plusieurs. Car elle est pour ainsi dire un outil qui tient lieu des autres. C'est donc à l'être capable d'acquérir le plus grand nombre de techniques que la nature a donné l'outil de loin le plus utile, la main. Aussi ceux qui disent que l'homme n'est pas naturellement bien constitué, qu'il est le plus désavantagé des animaux, parce qu'il est sans chaussures, qu'il est nu et n'a pas d'armes pour combattre, sont dans l'erreur. Car les autres animaux n'ont chacun qu'un seul moyen de défense, et il ne leur est pas possible d'en changer. Ils sont forcés, pour ainsi dire, de garder leurs chaussures pour dormir comme pour faire tout le reste, il leur est interdit de déposer l'armure qu'ils ont autour du corps et de changer l'arme qu'ils ont reçue en partage. L'homme, au contraire, possède de nombreux moyens de défense, et il lui est toujours permis d'en changer, et même d'avoir l'arme qu'il veut quand il le veut. Car la main devient griffe, serre, corne, elle devient lance ou épée, ou toute autre arme ou outil. Elle peut être tout cela, parce qu'elle est capable de tout saisir et de tout tenir. La forme même que la nature a imaginée pour la main est adaptée à cette fonction. Elle est, en effet, divisée en plusieurs parties. Et le fait que ces parties peuvent s'écarter implique aussi pour elles la faculté de se réunir, tandis que la réciproque n'est pas vraie. Il est possible de s'en servir comme d'un organe unique, double ou multiple.

AristoteLes parties des animaux, IVe siècle av. J.-C.

 

Prenons pour exemple ce morceau de cire

 

Descartes n'explique les phénomènes que par leurs causes, ou cause efficiente.

 Cette matière est d'ailleurs plus adéquatement saisie par l'entendement qu'elle ne l'est par les sens ou l'imagination, comme le montre ce passage célèbre, dit du "morceau de cire" :

Commençons par la considération des choses les plus communes, et que nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons et que nous voyons. Je n'entends pas parler des corps en général, car ces notions générales sont d'ordinaire plus confuses, mais de quelqu'un en particulier.

Prenons pour exemple ce morceau de cire : il vient tout fraîchement d'être tiré de la ruche, il n'a pas encore perdu la douceur du miel qu'il contenait, il retient encore quelque chose de l'odeur des fleurs dont il a été recueilli ; sa couleur, sa figure, sa grandeur sont apparentes ; il est dur, il est froid, il est maniable, et si vous frappez dessus, il rendra quelque son. Enfin toutes les choses qui peuvent distinctement faire connaître un corps se rencontrent en celui-ci.

Mais voici que pendant que je parle, on l'approche du feu : ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évapore, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, à peine peut-on le manier, et quoique l'on frappe dessus, il ne rendra plus aucun son.

La même cire demeure-t-elle encore après ce changement ? Il faut avouer qu'elle demeure ; personne n'en doute, personne ne juge autrement. Qu'est-ce donc que l'on connaissait en ce morceau de cire avec tant de distinction ? Certes ce ne peut être rien de tout ce que j'y ai remarqué par l'entremise des sens, puisque toutes les choses qui tombaient sous le goût, sous l'odorat, sous la vue, sous l'attouchement et sous l'ouïe, se trouvent changées, et que cependant la même cire demeure. Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que cette cire n'était pas, ni cette douceur du miel, ni cette agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son ; mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sensible sous ces formes, et qui maintenant se fait sentir sous d'autres. Mais qu'est-ce, précisément parlant, que j'imagine lorsque je le conçois en cette sorte ? Considérons-le attentivement, et, retranchant toutes les choses qui n'appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste. Certes il ne demeure rien que quelque chose d'étendu, de flexible et de muable.

Or qu'est-ce que cela : flexible et muable ? N'est-ce pas que j'imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figure triangulaire ? Non certes, ce n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j'ai de la cire ne s'accomplit pas par la faculté d'imaginer. Qu'est-ce maintenant que cette extension ? N'est-elle pas aussi inconnue ? Car elle devient plus grande quand la cire se fond, plus grande quand elle bout, et plus grande encore quand la chaleur augmente ; et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c'est que de la cire, si je ne pensais que même ce morceau que nous considérons est capable de recevoir plus de variétés selon l'extension que je n'en ai jamais imaginé. Il faut donc demeurer d'accord que je ne saurais pas même comprendre par l'imagination ce que c'est que ce morceau de cire, et qu'il n'y a que mon entendement seul qui le comprenne. Je dis ce morceau de cire en particulier : car pour la cire en général, il est encore plus évident. Mais quel est ce morceau de cire qui ne peut être compris que par l'entendement ou par l'esprit ? Certes c'est le même que je vois, que je touche, que j'imagine, et enfin, c'est le même que j'ai toujours cru que c'était au commencement.

Or ce qui est ici grandement à remarquer, c'est que sa perception n'est point une vision, ni un attouchement, ni une imagination, et ne l'a jamais été quoiqu'il le semblât ainsi auparavant, mais seulement une inspection de l'esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle était auparavant, ou bien claire et distincte, comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus ou moins aux choses qui sont en elle, et dont elle est composée.

Analyse du morceau de cire

Dans la célèbre analyse du morceau de cire qui achève la seconde Méditation, Descartes s'interroge sur la manière dont on peut connaître les choses extérieures, il recherche la faculté de connaissance requise à cet égard. Si la perception n’était qu’une image basée sur les sens, on ne comprendrait pas comment nous pourrions reconnaître la cire une fois qu’elle a été chauffée, alors que toutes ses qualités sensibles se sont trouvées modifiées. Il convient de s’interroger sur notre capacité à reconnaître les choses même si nos sens ne les reconnaissent pas. Nous montrerons tout d’abord que Descartes nous a exposé sa thèse à travers l’exemple du morceau de cire qui a perdu son odeur, sa saveur et sa forme à l’approche du feu. Descartes choisit trois options pour répondre à sa question, comment peut-on reconnaître les choses extérieures ? Nous étudierons la première de ses options, l'appréhension par les sens, puis en second lieu par l'imagination et enfin par l'entendement, intelligence conceptuelle.

Descartes commence tout d’abord par mettre en avant ce que nous connaissons le mieux, c'est-à-dire ce qui admet le plus de clarté et de distinction, donc ce qui passe pour une évidence (une évidence ne peut-être fausse car elle requiert la clarté et la distinction et « ce qui est clair et distinct ne peut-être faux ». Descartes interroge donc, «ce que nous croyons comprendre le plus distinctement, à savoir les corps que nous touchons et que nous voyons... ». Ce serait donc les corps physiques et les choses sensibles que l'on connaîtrait le mieux car ils affectent nos sens qui les appréhendent directement. Mais cela n'est qu'une croyance «que nous croyons comprendre », le philosophe invite donc le lecteur à mettre à l'épreuve cette croyance.

Pour mener à bien son étude, Descartes prend l'exemple du « morceau de cire qui vient d'être tiré de la ruche ».

Descartes nous présente l’expérience ainsi que le constat qu’il fait à partir de ce dernier. La thèse du philosophe consiste à affirmer que pour connaître qu’il s’agit du morceau de cire, il a commencé par faire appel aux sens comme le toucher, l’ouie , l’odorat et la vue : « il est dur, il est froid, il n’a pas perdu la douceur du miel, il retient encore quelque chose de l’odeur des fleurs ». On voit que le morceau de cire affecte nos sens, on peut lui donner certaines déterminations comme l'odeur, la couleur, la taille, la dureté, et chacune de ses déterminations se distinguent les unes des autres ainsi la taille de la couleur.... Donc le morceau de cire est tel qu'il apparaît à nos sens, il est l'ensemble de ses déterminations saisies par les différents sens. Le morceau de cire est ce qu'il apparaît.

La thèse de Descartes ne s’arrête pas ici, l’expérience qu’il va réaliser avec le feu va nous démontrer qu'il rejette le préjugé empiriste. Le morceau de cire garde t'-il ses déterminations si on l'approche du source de chaleur ? Va t'-il affecter nos sens avec les mêmes déterminations ou pas ? Il semblerait que non. Ses apparences sensibles sont variables et il a pour chaque sens des apparences changeantes. Donc de nouvelles déterminations le caractérisent et affectent nos sens. "Mais voici que, cependant que je parle, on l'approche du feu: ce qui y restait de saveur s'exhale, l'odeur s'évanouit, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s'échauffe, à peine le peut-on toucher, et quoiqu'on le frappe, il ne rendra plus aucun son."

Le morceau de cire change et reste le même. Comment expliquer cela ? «C'est la même cire que je vois malgré les changements et la diversité de ses qualités sensibles ». L'intention de Descartes est de répondre à la question, les sens nous donnent-ils la connaissance de la cire ? Pour y répondre, il veut montrer que si nous n'avons que les sens, il nous est impossible de rendre compte de l'identité de l'objet car, les sens ne nous donnent que des informations concernant l'odeur, la saveur....., de plus les informations sur la cire sont variables, changeantes donc les sens ne sont pas fiables car ils ne nous donnent pas d'invariable. La connaissance sensible ne délivre que les apparences sensibles des objets mais cela reste une connaissance inessentielle. Nous n'avons pas pour autant l'identité de l'objet, il n'est pas saisi comme substance

 En effet, cette expérience consiste à mettre ce morceau de cire prés du feu et voir ainsi s’il change d’allure et de forme. Une fois le test effectué, Descartes remarque qu’effectivement l’allure et la forme de ce morceau de cire a bel et bien changé : «  toutes les choses qui tombaient sous le goût, ou l’odorat ou la vue, ou l’attouchement, ou l’ouïe, se trouvent changées ». Descartes déduit de cette conclusion que nous ne pouvons pas faire confiance à la connaissance empirique à travers nos sens puisque malgré les changements il s’agit toujours du même morceau de cire : «  Il faut avouer qu’elle demeure ; et personne ne le peut nier ». On peut donc dire que les sens me permettent de dire qu’une chose existe mais qu’ils ne me permettent pas d’en connaître l’essence.

C’est comme si on limitait la connaissance d’une personne par le biais des vêtements qu’elle porte. En changeant de vêtement, peut on dire qu’il ne s’agit plus de la même personne ? Non, d’après Descartes, car cette personne va garder son identité, il en est de même pour le morceau de cire, il peut changer de forme sans changer de nature.

Descartes résout ce problème en avançant une autre hypothèse. Le terme « peut être » montre que Descartes envisage une autre manière de connaitre les choses ailleurs qu’à travers les sens. Il pense à l’imagination en avançant que peut être que la connaissance du morceau de cire relève de l’imagination : «  Mais (…) que j’imagine, lorsque je la conçois en cette sorte (…) que j’imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carré ? ». Toutefois cette hypothèse ne lui a pas parue envisageable car les formes de la nature étant infinies, l’imagination humaine n’en peut percevoir qu’un nombre limité : « Non certes, ce n’est pas cela puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination ».

Finalement Descartes va énoncer sa réponse : l’essence des choses ne peut parvenir qu’à travers une inspection de l’esprit. C'est-à-dire chercher à connaitre la vérité et l’essence des choses qu’à travers une investigation claire et distincte des choses par le biais de l’esprit et de la connaissance intelligible . De ce point de vue la cire ne peut être définie par sa forme ni sa couleur ni son goût, mais plutôt à travers ses propriétés réelles : le fait qu’elle soit une substance étendue, flexible et muable.

C’est donc grâce à cette inspection de l’esprit qu’on peut échapper aux erreurs dues à la vision empirique et à l’imagination et accéder à la vérité : « Une inspection de l’esprit, laquelle peut être imparfaite et confuse, comme elle l’était auparavant, ou bien claire et distincte comme elle est à présent, selon que mon attention se porte plus au moins aux choses qui sont en elles, et dont elle est composée. ». C'est par l'entendement que je connais clairement et distinctement la cire. Connaître ce n'est ni sentir ni imaginer mais concevoir.          

Ainsi percevoir c'est interpréter, juger, je ne sens pas, je n'imagine pas que c'est la même cire, je la conçois. Il y a donc une interprétation et une activité de l'entendement. Descartes défend une théorie intellectualiste de la perception. Ainsi, l'esprit est à la base de toute notre connaissance. Nous assistons à la philosophie du sujet qui est aussi la naissance du dualisme cartésien. Le sujet est à l'origine de la connaissance.

Au vu de ce qui précède, peut-on affirmer que les sens doivent être rejetés puisqu’ils ne servent pas à la connaissance des choses extérieures ? L’expérience de Descartes vient de prouver que les sens n’étaient pas capables de reconnaitre le morceau de cire alors que l’esprit en était parfaitement capable. Il semblerait que le rôle des sens se limiterait à la perception de l’existence de la chose et non de la nature de la chose en elle-même. En effet, c’est grâce à nos sens que l’on appréhende la beauté du paysage ou l’odeur des roses, alors que l’entendement de l’esprit en est complètement incapable. On peut donc dire que les sens nous servent à approcher le monde dans sa variation. Ils constituent une approche nécessaire mais non suffisante dans la perception des choses.

Critique du mécanisme

Résumé

La conception spiritualiste du vivant

Aristote regarde les êtres vivants comme des corps animés par un principe de vie immatériel nommé âme. L'âme est ce qui confère la vie. Elle joue le rôle de moteur et de fin pour le vivant, elle l'anime et le forme

Cette conception du vivant s'inscrit dans un contexte finaliste.

La conception matérialiste et mécaniste du vivant

Descartes s'oppose au finalisme d'Aristote, tout dans l'univers s'explique par des relations de cause à effet d'ordre mécanique. Les animaux n''échappent pas à la règle, ils ne sont rien d'autre que des machines.

Lucrèce réfute le finalisme, nos organes n'ont pas été créés en raison de nos besoins. Tout dans la nature s'explique par des causes matérielles. L'âme elle même est matérielle

Critique du mécanisme

Canguilhem souligne que le mécanisme cartésien reste hanté par la finalité

Kant affirme que les êtres vivants ne sont pas des machines, ils s'en distinguent par des propriétés spécifiques comme la capacité à se reproduire.

Le vitalisme estime que la vie ne se réduit pas à des phénomènes physico chimiques.

Bergson estime que l'évolution du vivant est la manifestation de ce qu'il nomme l'élan vital

 

Exemples de sujets

 

Le vivant

  • - Une connaissance scientifique du vivant est-elle possible ?

  • - Un être vivant peut-il être assimilé à une machine ?

  • - Doit-on concevoir des limites à l'expérimentation sur le vivant ?

  • - La machine fournit-elle un modèle pour comprendre le vivant ?

  • - Le vivant a-t-il des droits ?

  • - Le vivant est-il un objet comme un autre ?

 

1.    Doit-on concevoir des limites à l'expérimentation sur le vivant ?
2.    Doit-on limiter le pouvoir de l'homme sur la vie ?
3.    En quoi la connaissance du vivant contribue-t-elle à la connaissance de l'homme ?
4.    La connaissance scientifique du vivant exige-t-elle que l'on considère l'organisme comme une machine ?
5.    La pensée de la mort a-t-elle un objet ?
6.    Le biologiste peut-il prétendre connaître la vie en étudiant les êtres vivants ?
7.    Le cerveau pense-t-il ?
8.    Quelles différences fait-on entre un corps mort et un corps vivant ?
9.    Un être vivant peut-il être assimilé à une machine ?
10.    Une connaissance scientifique du vivant est-elle souhaitable ?
11.    Y a-t-il continuité de l'être vivant à la personne ?

Matière et esprit

Dossier pédagogique en philosophie, le réel et le virtuel

Dossier pédagogique en philosophie, le réel et le virtuel 

Réel, réalité, virtuel, réalité virtuelle, réalité modifiée, réalité augmentée, hyper-réalité ... de quoi parlons-nous ?

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Problèmes essentiels La matière et l'esprit La question de la nature du réel - Enjeux et problèmes :

  Réfléchir sur la matière et l'esprit c'est, du point de vue le plus général, se demander de quoi est faite la réalité dans sa structure la plus intime ou la plus profonde.

Cette question est débattue depuis les origines de la philosophie : La matière est-elle au principe de tout (matérialisme) ? S'agit-il au contraire de l'esprit, d'un souffle, d'une âme (spiritualisme) ? Faut-il penser sinon qu'elle a une double nature matérielle et spirituelle (dualisme) ? Le lien corps/esprit : selon les réponses que l'on aura apportées aux questions qui précèdent le rapport entre ces deux entités sera pensé différemment, et les difficultés ne seront pas les mêmes : - Si la réalité n'est que spirituelle, qu'est-ce que la matière, que sont les objets ? De simples représentations ou idées dans notre esprit ? - Si le réel n'est que matière au contraire, quelle autonomie accorder à l'esprit et à ses productions ? - Si, troisième hypothèse, la réalité est double, matérielle et spirituelle, comment expliquer qu'un ordre de réalité agisse sur l'autre ? Comment expliquer que nous puissions agir sur notre corps, qu'il soit possible tout simplement de le mouvoir lorsque nous le voulons ? Il est d'ailleurs tout aussi difficile dans cette perspective d'expliquer comment ce qui atteint le corps peut également affecter l'âme (comme disait Descartes au XVIIe siècle) ou l'esprit...

Enjeux et problèmes :

Toutes ces questions semblent très abstraites, mais elles engagent pourtant des enjeux beaucoup plus "concrets" et réels.

- Liberté et responsabilité : Si l'esprit est dépendant de la matière ou du corps, pire, s'il y est réductible, qu'en est-il de la liberté humaine ? Nos pensées et volontés sont-elles les œuvres d'un sujet ? Ne nous illusionnons-nous pas en croyant avoir des pensées propres, dont nous serions les auteurs ? Pouvons-nous nous déterminer de manière autonome ou sommes-nous soumis à de purs déterminismes naturels ? Si le matérialisme mine la croyance dans une autonomie de l'esprit relativement au corps ou à la matière, ne rend-il pas aussi caduque l'idée de responsabilité ? Comment pourrait-on être tenus pour responsables des processus physico-chimiques (ou des mouvements d'atomes auraient dit les épicuriens) qui nous déterminent à agir en-deçà ou en amont de notre conscience et de notre volonté ?

- Éthique du vivant : Un être vivant, a fortiori (peut-être) un homme, peut-il être réduit simplement à de la matière, n'est-il qu'une chose quelconque du monde, n'a-t-il aucune dignité supérieure ? Peut-on alors le traiter comme un simple objet? Penser aux prolongements de ces questions dans le domaine médical, dans tous les débats qu'il est convenu d'appeler "bio-éthiques" : la question du statut de l'embryon dans le cadre d'une réflexion sur l'avortement ou sur les cellules souches, le clonage etc.; la question de l'euthanasie ou de l'accompagnement de la fin de vie; celle du statut de l'animal etc...

- Questions en lien avec les neurosciences : Quels lien entre le cerveau et la pensée ? Qu'est-ce que la conscience ? Comment a-t-elle émergé de la matière ?

- La question religieuse : Si tout n'est que matière, qu'en est-il de l'idée de Dieu ? De la religion ? Le matérialisme mène-t-il nécessairement à l'athéisme ? Qu'en est-il de l'antique question d'une finalité de la vie ? La vie / Le vivant : La biologie est une connaissance de la vie ou des phénomènes vivants ? Qu'est-ce qui définit le vivant ?

 

L'esprit n'est-il pas lui-même matériel ? Neurosciences et renouveau du matérialisme :

L'esprit n'est-il pas lui-même matériel ? :

Voir ces textes de Lucrèce qui s'inscrit dans la tradition épicurienne : - Tout n'est que matière et vide. - L'âme même est matérielle. Le dualisme cartésien :

- La matière et l'esprit ou le corps et l'âme sont deux substances hétérogènes. - L'esprit est plus aisé à connaître que le corps (Méditations métaphysiques, II) : Cheminement du doute et découverte du cogito.

- Qu'est-ce que la matière ? Ou que connaissons-nous dans un corps ? Texte du morceau de cire. - La question de l'union de l'âme et du corps : voir la correspondance avec Élisabeth et le traité des Passions de l'âme (1649). L'esprit fait la dignité de l'homme : - Pascal, Le roseau pensant. Berkeley et l'immatérialisme : L'esprit seul est réel

Neurosciences et renouveau du matérialisme : - Cf. les thèses de Jean-Pierre Changeux (neurobiologiste) depuis L'homme neuronal (1983), par exemple dans cet extrait. - Voir aussi les découvertes et analyses d'Antonio Damasio (neuroscientifique également) dans L'erreur de Descartes : la raison des émotions (1995), livre dans lequel, en se basant notamment sur le cas célèbre de Phinéas : il montre le rôle des émotions dans les prises de décision; et s'oppose donc au dualisme cartésien de l'âme et du corps.

- Questions sur le rapport à notre propre corps - - Questions posées à la technique

- Questions sur le rapport à notre propre corps : Puis-je disposer de mon corps et des organes qui le composent comme des biens (des choses, des objets) que je possède ? Doit-on permettre à un individu de louer ou de vendre son corps, ou des parties de celui-ci ? Penser aux débats sur la prostitution, la gestation pour autrui, le don ou le commerce d'organes, de spermatozoïdes ou d'ovocytes... Suis-je absolument libre de disposer de mon corps comme je le veux à partir du moment où cela ne crée aucun dommage pour autrui (principe d'une morale libérale radicale) ? Que penser des risques de marchandisation du corps que ces pratiques pourraient impliquer ?

- Questions posées à la technique

 Tout ce qui est techniquement possible est-il légitime (d'un point de vue moral) ou peut-il devenir légal (problème juridique) ? Quels principes doivent nous guider pour répondre à ces questions ? Doit-on suivre la nature et considérer toute transformation excessive de celle-ci comme une transgression de son "ordre naturel" ? Faut-il tenir compte de l'enseignement des religions ? Faut-il sinon se référer à une morale philosophique ? Si oui, laquelle ? Toutes ces questions renvoient aux cours sur la technique, la religion, la morale... mais aussi à celui sur la politique puisque dans le cadre d'une société donnée, d'une société démocratique moderne (pluraliste, laïque et multiculturelle) en particulier, c'est à un arbitrage entre ces différentes options philosophiques et religieuses que l'Etat ou le législateur aura à procéder

Vocabulaire

Matière / Esprit - Vie / Vivant - Monisme / Dualisme - Matérialisme / Idéalisme / Spiritualisme / Immatérialisme - Vitalisme / Mécanisme - Modèle - Réductionnisme

A lire

- Aldous Huxley, Le meilleur des monde - Réflexion à partir du manga de Masamune Shirow Ghost in the shell (1989).

Exemples de sujets

La matière et l'esprit

- L'homme peut-il vivre sans penser ? - Faut-il opposer la matière et l'esprit ? - Ai-je un corps ou suis-je mon corps ? - Tout est-il matériel ? - La matière est-elle plus facile à connaître que l'esprit ? - Peut-on assimiler l'esprit à une machine ? - Peut-on démontrer l'existence de la matière ? - La matière n'est-elle pour l'homme qu'un obstacle ?

Date de dernière mise à jour : 01/08/2023

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