L'Etat, la société, le pouvoir, cours et sujets bac corrigés

L’homme politique doit-il être efficace à tout prix ? Le pouvoir politique est-il une menace pour la liberté? L’histoire peut-elle servir l’action politique?

Rousseau

 L’État : définition et fondement.

 

On peut définir l’État comme « l’ensemble organisé des institutions politiques, juridiques, policières, militaires, administratives et économiques sous un gouvernement autonome et sur un territoire propre et indépendant » (Vocabulaire de la philosophie et des sciences humaines, L.-M. Morfaux). Nous pouvons ajouter que l’existence d’un État implique l’institution d’un pouvoir séparé de la société. L’État détient le pouvoir de dicter les lois et de contraindre, comme le dit Max Weber dans cette célèbre définition : 

“L’État est cette communauté humaine, qui à l’intérieur d’un territoire déterminé (...) revendique pour elle-même et parvient à imposer le monopole de la violence physique légitime.”

(Le savant et le politique)

L’État est-il seulement une puissance qui, de fait, s’impose à nous ? Autrement dit ne lui obéissons-nous que parce que nous y sommes contraints ? Au contraire, qu’est-ce qui peut conférer à ce pouvoir une légitimité ? Qu’est-ce qu’un pouvoir légitime ?


Les penseurs politiques classiques ont forgé les concepts d’état de nature, d’état civil et de contrat social pour penser les conditions de légitimité du pouvoir.

les théoriciens du droit naturel introduisent  l’idée que le fondement véritable de l’autorité ne peut être trouvé que dans la volonté du peuple

Rousseau Du Contrat social (1762) : le fondement du pouvoir légitime se trouve dans le contrat

Thèse conventionnaliste : Rousseau + Hobbes

On peut être homme sans être citoyen par opposition à Aristote pour qui l'homme est un animal politique

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A consulter 

L’homme, un animal politique - Peut-on être homme sans être citoyen?la politique est-elle naturelle à l’homme-Est-ce une construction artificielle?

 

 

  Freud: Nature insociable de l’homme. La vie civile pour Freud suppose des frustrations, des refoulements, des pulsions : elle n’est pas  naturelle à l’homme

  Rousseau

= la sociabilité n’est pas naturelle à l’homme.  L’association ne vient pas d’un mouvement naturel mais d’un artifice permettant à l’homme de résoudre le problème de leur survie.

Hobbes :

L’homme n’est pas politique, il le devient

«?L’homme est un loup pour l’homme «? : conflit : «?guerre de tous contre tous?» : jalousie, crimes, rapports de force : état de nature.

Il faut donc imposer un pouvoir artificiellement, pouvoir appartenant à un seul homme, un souverain obligeant les hommes à se dessaisir de leur puissance naturelle. Dans ce cas une vie politique est possible. 

= L’homme par nature n’est pas citoyen. La politique est donc une construction artificielle à imposer aux hommes naturellement asociaux. 

 

- Le Livre I (chapitre 1) : l’ordre social n’a pour fondement que des conventions

L'homme est né libre, et partout il est dans les fers, Tel se croit le maître des autres, qui ne laisse pas d'être plus esclave qu'eux. Comment ce changement s'est-il fait ? Je l'ignore. Qu’est-ce qui peut le rendre légitime ? Je crois pouvoir résoudre cette question.

Si je ne considérais que la force et l'effet qui en dérive, je dirais : «Tant qu'un peuple est contraint d'obéir et qu'il obéit, il fait bien; sitôt qu'il peut secouer le joug, et qu'il le secoue, il fait encore mieux : car, recouvrant sa liberté par le même droit qui la lui a ravie, ou il est fondé à la reprendre, ou on ne l’était point à la lui ôter». Mais l'ordre social est un droit sacré qui sert de base à tous les autres. Cependant, ce droit ne vient point de la nature; il est donc fondé sur des conventions. Il s'agit de savoir quelles sont ces conventions. Avant d'en venir là, je dois établir ce que je viens d'avancer.

 

Le chapitre 2 : la communauté politique ne peut être comparée à la famille car l’autorité du père ne dure qu’autant que les enfants « ont besoin de lui pour se conserver ». La famille n’existe ensuite que comme par convention, c’est-à-dire par décision de tous ses membres, et non de manière naturelle. 

- Le chapitre 3 : la force n’engendre aucun droit, autrement dit qu’à parler justement il n’existe aucun droit du plus fort 

Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force en droit et l’obéissance en devoir. De là le droit du plus fort; droit pris ironiquement en apparence, et réellement établi en principe. Mais ne nous expliquera-t-on jamais ce mot ? La force est une puissance physique; je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets. Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté; c’est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ?

Supposons un moment ce prétendu droit. Je dis qu’il n’en résulte qu’un galimatias inexplicable. Car sitôt que c’est la force qui fait le droit, l’effet change avec la cause : toute force qui surmonte la première succède à son droit. Sitôt qu’on peut désobéir impunément on le peut légitimement, et puisque le plus fort a toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte qu’on soit le plus fort. Or qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse ? S’il faut obéir par force, on n’a pas besoin d’obéir par devoir, et si l’on n’est plus forcé d’obéir, on n’y est plus obligé. On voit donc que ce mot de droit n’ajoute rien à la force; il ne signifie ici rien du tout.

Obéissez aux puissances. Si cela veut dire : cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu, je réponds qu’il ne sera jamais violé. (...) Qu’un brigand me surprenne au coin d’un bois : non seulement il faut par force donner la bourse, mais quand je pourrais la soustraire suis-je en conscience obligé de la donner ? car en fin le pistolet qu’il tient est aussi une puissance.

Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes. Ainsi ma question primitive revient toujours

 

Hobbes,  « aussi longtemps que les hommes vivent sans pouvoir commun qui les tienne tous en respect, ils sont dans cette condition qui s’appelle guerre » (Léviathan (1651), ch. XIII)

Aussi longtemps que les hommes vivent sans un pouvoir commun qui les tienne en respect, ils sont dans cette condition qui se nomme guerre, et cette guerre est guerre de chacun contre chacun. (...)

C'est pourquoi toutes les conséquences d'un temps de guerre où chacun est l'ennemi de chacun, se retrouvent aussi en un temps où les hommes vivent sans autre sécurité que celle dont les munissent leur propre force ou leur propre ingéniosité. Dans un tel état, il n'y a pas de place pour une activité industrieuse, parce que le fruit n'en est pas assuré; et conséquemment il ne s'y trouve ni agriculture, ni navigation, ni usage des richesses qui peuvent être importées par mer; pas de constructions commodes; pas d'appareils capables de mouvoir ou d'enlever les choses qui pour se faire exigent beaucoup de force; pas de connaissance de la face de la terre; pas de computation du temps; pas d'arts, pas de lettres; pas de société;

et ce qui est pire que tout, la crainte et le risque continuels d'une mort violente; la vie de l'homme est alors solitaire, besogneuse, pénible, quasi-animale et brève.

 

Rousseau a très explicitement formulée : « Comment trouver une forme d’association qui défende et protège de toute le force commune la personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun, s’unissant à tous, n’obéisse pourtant qu’à lui-même, et reste aussi libre qu’auparavant ? » (Du contrat social, L.I, ch.6)

 

 

Sujets corrigés bac 

L’homme politique doit-il être efficace à tout prix ?

 

Concepts :

Fin/moyen

Etat, société

Politique et morale : le « doit-il » renvoie à une nécessité : est-ce une nécessité pratique ou une obligation morale pour l’homme politique ?

Le sujet interroge la formule « la fin justifie les moyens » : autrement dit, est-ce que l’homme politique peut tout faire (même des choses immorales, mêmes des sacrifices » en se revendiquant de la recherche d’efficacité ?

Il faut aussi s’interroger sur l’homme politique : la formule peut être comprise au sens strict du dirigeant ou au sens large de l’ensemble des hommes (Aristote : l’homme est un animal politique)

Ëtre efficace : se fixer des buts et les atteindre en un temps imparti. Se pose la question du but et des moyens pour l’atteindre

Problématique : L’efficacité est-elle une obligation en politique ?

 

La nécessaire efficacité de l’homme politique

  1. L’homme politique se fixe des objectifs et détermine donc les moyens pour les atteindre. Il paraît logique qu’il utilise tous les moyens à sa disposition, y compris la violence si besoin puisque l’Etat a le monopole de la violence légitime (Weber), son usage ne compromet pas la légitimité de l’Etat

  2. Le principe de l’action politique se trouve dans la pérennité d’un pouvoir qui puisse penser sur le long terme. Ainsi, si l’homme politique n’est pas efficace, la pérennité du pouvoir peut être mise en cause par le peuple. Machiavel, Le Prince : Machiavel théorise un art du gouvernement dans lequel la violence est nécessaire au pouvoir du Prince.

L’efficacité à tout prix ?

  1. Il faut s’interroger sur le prix de l’efficacité ? Parfois, l’homme politique doit faire des sacrifices. Mais la recherche de l’efficacité en politique a-t-elle des limites ?

  2. Les limites dans l’Etat démocratique. L’homme politique doit aussi respecter les lois, c’est le principe de la démocratie qui contraint aussi les dirigeants. Efficacité doit se chercher dans la limite des lois (question de légitimité du pouvoir)

  3. La transgression de la morale. Il est bon que l’homme politique ait des valeurs morales, limitant la recherche d’efficacité. Pour Rousseau, morale et politique sont étroitement liés.

L’efficacité de l’homme politique au sens aristotélicien

  1. Pour Aristote, l’homme est par essence politique. La question de la recherche d’efficacité toucherait alors tout homme. Pour lui, chaque homme a dans la cité une vertu. La vertu se caractérise par l’excellence que l’on trouve en puissance dans tout homme. Ainsi, fonder un Etat où chacun peut exercer sa vertu est le prix de l’efficacité pour l’homme politique

  2. Tout le monde dans la société doit rechercher l’efficacité, voilà le prix d’une politique pérenne. Chacun est homme politique à sa manière. Pour Spinoza, la liberté est le but de l’Etat, ce vers quoi l’homme politique doit tendre. L’homme politique est celui qui met les intérêts communs au-dessus des intérêts individuels. L’injonction à être efficace à tout prix se trouve peut-être dans la possibilité de sacrifier certains intérêts individuels au profit de ceux de la commmunauté

 

Le contrat social permet-il à l'homme d'être libre en société?

Arguments thèse

Le contrat social garantit normalement l'égalité et la liberté de chacun. Il permet à l'homme vivre en société.

CONTRAT SOCIAL = pacte par lequel les hommes acceptent de vivre en société en déléguant à une autorité politique la bonne marche du bien commun et la liberté des hommes.

  • L'état social n'aliène pas la liberté = vie en société = guerre et conflits pour Rousseau. Pour préserver paix et liberté, les hommes doivent s'associer et conclure une pacte par lequel ils se donnent des lois et un gouvernement dont la fonction est de défendre le bien commun et la liberté individuelle. Ce n'est pas une aliénation car le contrat social est l'expression de la volonté générale.

  • Le pouvoir de l'état vient de la volonté générale. Etre libre, c'est obéir à la loi = cela concerne les hommes et les gouvernants = ( Rousseau était contre la monarchie). Seule la République est légitime.

  • Le peuple est souverain. «l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté». Rousseau

Le peuple ne peut pas aliéner sa liberté. Pas de confiscation du pouvoir par une minorité (référendum)

 

Arguments de l'antithèse

Le contrat social peut aussi justifier le principe de l'autorité et le droit de contraindre.

  • La volonté générale est une illusion = la minorité non représentée peut-être une menace pour la paix civile.

  • La majorité peut exercer une dictature = dictature de la majorité. Ex = l'Allemagne hitlérienne

  • L'état s'oppose à la liberté individuelle = ex. Du point de vue du libéralisme ou de l'anarchisme.

Donc la fin du pouvoir politique est l'exercice de l'autorité.

 

Libéralisme:

doctrine affirmant la primauté de la liberté individuelle et la nécessité de la protéger en limitant les pouvoirs de l'état

Anarchisme:

Doctrine politique rejetant l'autorité de l'état dans l'organisation de la société

Le pouvoir politique est-il une menace pour la liberté?

Plan dialectique

Arguments thèse :

L'homme selon Rousseau a été asservi par le pouvoir politique

Arguments antithèse :

La liberté de l'homme est inaliénable , il peut s'opposer aux abus du pouvoir.

I - Tout pouvoir crée de la servitude

La liberté naturelle de l'homme est une illusion et tout pouvoir politique crée de la servitude

  • L'homme est bon naturellement c'est la société qui le corrompt : Rousseau, le Contrat social. L'homme avant la constitution vivait heureux et libre mais par l'autorité politique et l'état civilisé, l'homme est devenu esclave.

  • La politique est perçue comme un instrument de domination qui repose sur la propriété. Les hommes veulent toujours s'approprier plus et toujours plus car ils sont cupides, la terre, par exemple puis les propriétaires pour se protéger ont édicté des lois pour assurer leur domination et préserver leurs biens sur ceux qui n'en n'ont pas. C'est la naissance de la société inégalitaire. La minorité de possédants domine la majorité.

  • Pour Karl Marx, le pouvoir = la possession des moyens de production économique. Conséquence = les prolétaires doivent dans la solidarité prendre le pouvoir et s'approprier de manière collective les moyens de production.

Antithèse

La liberté de l'homme est inaliénable = non : le pouvoir politique n'est pas une menace pour la liberté de l'homme + Le pouvoir politique garantit la liberté des citoyens.

  • Le pouvoir politique garantit la liberté = Hobbes par opposition à Rousseau pense que c'est l'Etat, le pouvoir politique qui rend l'homme libre, l'état de nature étan Ut un état de guerre. Les hommes transmettent leur pouvoir à un souverain qui doit faire régner l'ordre. Cela garantit la liberté individuelle.

  • L'homme est libre, il naît libre et reste libre : La liberté est un droit naturel de l'homme et la propriété ne s'oppose en rien à cette liberté chez l'homme = on est déjà dans le libéralisme politique

  • Individu libre ou Etat = la même chose = Hegel. En fait l'autorité politique n'est rien d'autre que l'incarnation de la raison et de la liberté universelle. C'est la forme rationnelle de la société humaine. Un individu est fait pour vivre en société.

L’histoire peut-elle servir l’action politique ?

Histoire : connaissance du passé, des évènements. Il y a aussi une dimension de narration (on parle de « roman national »).

Action politique : action dans la sphère publique avec comme fin le bien de la communauté. Action politique se projette dans l’avenir, c’est une intention qui prend forme dans la durée

Peut-elle : pose la question de la possibilité sur le plan pratique mais aussi est-ce qu’il est souhaitable que l’histoire serve l’action politique ? Attention à la différence entre peut-elle et doit-elle : la notion de la nécessité de l’éclairage historique en politique peut aussi se poser.

Attention également à la polysémie de servir : cela peut être compris au sens d’un éclairage, de guider mais aussi au sens de la servitude : l’histoire peut-elle et doit-elle être soumise à l’action politique ?

Reformulation : l’action politique peut-elle et doit-elle être guidée par la connaissance historique ?

Problématique : Est-ce que le passé peut et doit servir de modèle pour penser l’avenir ?

 

Oui, l’histoire peut et doit servir l’action politique

  1. Marx et Engels mettent en relief la lutte des classes comme causalité des évènements historiques dans le Manifeste du parti communiste. La connaissance historique peut éclaire l’action politique dans la mesure où elle procure des cadres d’analyse pour penser la société et envisager l’avenir. L’histoire est un guide pour l’action (praxis)

  2. Pour Machiavel dans Le Prince, l’histoire doit faire partie des connaissances que l’on enseigne au prince. Il doit être capable d’en tirer des leçons, qui lui serviront de repères pour ses actions futures

Risque d’utilisation abusive de l’histoire par l’action politique

  1. L’histoire est un récit, donc une construction. Ce n’est pas une science exacte, il y a dans l’histoire une dimension subjective. Il n’y a pas une histoire mais des histoires (Braudel) : cela peut dépendre du point de vue d’où on se place. Le risque est alors celui d’une déformation des faits (propagande, totalitarismes)

  2. Le double sens de servir : servir, ce n’est pas seulement guider mais aussi être au service de. Est-ce que l’action politique doit maîtriser la connaissance historique, le récit historique pour le bien commun ? Encore une fois, il y a un risque de dérive

  3. Nietzsche : le devoir, la morale (et donc l’avenir) ne doivent pas s’incliner devant la puissance aveugle des faits historiques. L’histoire ne doit donc pas servir l’action politique de façon systématique (aux deux sens du mot servir)

Il faut considérer les faits historiques avec prudence lorsque l’action politique est pensée

  1. Hegel : il serait dangereux de confondre les problèmes du passé et ceux du présent ou de l’avenir. Le temps ne se répète pas. Il n’y a pas de leçons de l’histoire en ce qui concerne l’action.

  2. Le passé ne doit pas infester le présent (Nietzsche) : chaque temps a sa spécificité, chaque action politique doit avoir la sienne et être en accord avec son temps

  3. La connaissance de l’histoire est nécessaire pour penser une action politique mais elle ne doit pas s’imposer comme un absolu tyrannique. Elle peut être un éclairage, un guide. Mais pour penser une action politique différente, unique, il faut aussi pouvoir se projeter dans l’avenir sans que le poids de l’histoire ne soit trop lourd.

 

Date de dernière mise à jour : 26/07/2022

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