Revient-il à l’État de décider de ce qui est juste ? Dissertation corrigée, bac général 2022

Corrigé bac général de philosophie 2022

Bac diplome

Problème : revient-il réellement à l’État de décider de ce qui est juste, ou au contraire est-ce que cela ne va pas à l'encontre de sa mission ?

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L’État se définit comme l'ensemble des institutions qui exercent une autorité sur les individus, et notamment une autorité juridique. L’État fait la loi : c'est donc bien à lui de décider de ce qui est juste, c'est-à-dire de ce qui est légal. Pourtant la justice ne signifie pas seulement ce qui est conforme à la loi écrite, mais aussi à la loi morale. S'il revient à l’État de décider de la loi, ce n'est pas à lui de décider, de créer, de fabriquer la légitimité.

Problème : revient-il réellement à l’État de décider de ce qui est juste, ou au contraire est-ce que cela ne va pas à l'encontre de sa mission ?

I/ Il revient à l’État de décider de ce qui est juste (au sens de la légalité)

A) Le rôle de l’État est d'assurer la sécurité des citoyens. Dans le Léviathan, Hobbes explique que les hommes, pour sortir d'un état de conflit et d'insécurité permanents, se défont de leurs libertés et s'en remettent à l’État pour assurer leur sécurité. L’État a tous les droits, et même l'obligation de décider de ce qui est juste, de la loi qui permettra le mieux de protéger les sujets.

B) Il revient à l’État de décider de ce qui est juste, puisque non seulement il est de son rôle de garantir la sécurité des sujets, mais que c'est lui qui est le plus sage. Dans la République Platon théorise un État qui serait gouverné par des philosophes-roi. Il revient donc nécessairement à l’État de décider de la justice, c'est-à-dire de faire la loi, puisqu'il est celui qui rassemble le plus de sagesse pour le faire.

C) Le seul rôle de l’État est d'assurer la justice, c'est-à-dire la légalité. Kelsen formalise ce qu'il appelle une Théorie pure du droit : parmi les attributions de l’État, on trouve les décisions de justice. En effet Kelsen place les décisions constitutionnelles, qui sont des décisions d'instance de l’État, en haut de la « pyramide des normes ». Il est du rôle des instances de l’État de prendre les décisions juridiques, et donc de décider de ce qui est juste, au sens de conforme à la loi.

Transition : dans cette première partie on prend la justice au sens de la légalité. Mais juste cela ne veut pas seulement dire « légal » : cela veut aussi dire « légitime ». L’État certes décide de la loi, mais seulement en tant qu'elle est conforme à une morale qui lui est antérieure. En dernière instance ce n'est donc pas à l’État de décider de ce qui est juste.

II/ Il ne revient pas à l’État de décider de ce qui est juste (au sens de la légitimité)

A) La loi n'est juste qu'en tant qu'elle est conforme au « droit naturel » qui lui est antérieur : c'est ce que propose de voir le jusnaturalisme. En tant que théorie philosophique, le jusnaturalisme défend l'idée selon laquelle la légitimité de la loi se mesure à l'aune de sa conformité au « droit naturel », c'est-à-dire à des règles morales qui existeraient par nature, avant donc l'instauration de l’État et de la loi.

B) En effet l’État ne peut se penser sans faire appel à la notion de morale. L’État, explique Aristote, doit viser le Souverain Bien, qui est sa fin ultime. La légitimité de la loi est proportionnelle à sa conformité avec la morale qu'elle poursuit. Il ne revient pas à l’État de décider de ce qui est juste : c'est la morale qui lui dicte cette justice.

C) Il ne revient d'ailleurs à l’État de décider de rien. Pour les anarchistes, l’État est par naturel immoral, en tant qu'il opprime les hommes, les soumets, les force à se conformer à des lois artificielles et aliénantes. La seule chose juste que l’État pourrait décider, c'est de s'auto-détruire.

Transition : pourtant si l’État ne décide pas de la morale, il est pourtant de son ressort de la faire appliquer. Comment alors s'assurer que l’État respecte au mieux la morale qui guide la légitimité de ses lois ?

III/ L’État ne décide pas de ce qui est juste, mais il lui revient de veiller à ce que ses décisions soient justes.

A) Montesquieu, dans L'Esprit des lois, théorise que la séparation des pouvoirs (judiciaire, législatif, exécutif) est la meilleure manière de s'assurer de la justice de l’État. Pour que l’État fasse respecter au mieux la justice, il faut justement que ce ne soient pas les mêmes institutions qui : fassent la loi ; jugent des infractions à la loi ; appliquent la loi.

B) Pour que l’État reste juste, il faut que la souveraineté demeure aux mains de la société. Dans le Contrat Social, Rousseau explique qu'un État où les citoyens seraient privés de leur liberté de participation à la vie politique est fondamentalement injuste. Un État où le peuple est souverain est un État juste.

C) Et dans les cas où l’État se met à agir contre ce qui est le plus juste pour le peuple, Locke écrit que le peuple, dans ce cas là, à le droit de résister. Un État qui veille à prendre des décisions justes est donc un État qui permet les contre-pouvoirs, et qui accepte que ses décisions soient parfois contestées par un peuple essentiellement souverain.

Conclusion : l’État décide de la loi, et non de la morale. Pourtant c'est bien à lui que revient en dernière instance la tâche de veiller à ce que ses décisions soient justes, autrement dit : de veiller à ce que ses lois restent conformes à la morale. Dans le cas contraire, le peuple se réserve le droit de se soulever contre un État qui a cessé d'être juste. 

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