Debout maintenant, mon pays et moi, Césaire. Etude de poésies engagées - Rimbaud, les effarés. Cours sur la poésie engagée

L'histoire de la négritude- Révolte contre l'occident - Protestation et humanité - Contexte historique - Qu'est-ce que la poésie engagée?

Aime cesaire 2003

La poésie engagée

C'est un texte poétique. Ecriture lyrique pour traduire la révolte après des siècles de soumission


Explication d'une poésie


Choix d'un poème engagé : Aimé Césaire Cahier d'un retour au pays natal



"Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi..." (Aimé Césaire, Cahier d'un retour au pays natal, 1947)
Césaire est un militant de l'autonomie antillaise. Après avoir dénoncé l'extrême misère à laquelle la colonisation a réduit la Martinique mais aussi la tendance de son peuple à accepter une prétendue infériorité, le poème s'achève sur une revendication de dignité.
    Et nous sommes debout maintenant, mon pays et moi, les cheveux dans le vent, ma main petite maintenant dans son poing énorme et la force n'est pas en nous, mais au-dessus de nous, dans une voix qui vrille la nuit et l'audience comme la pénétrance d'une guêpe apocalyptique. Et la voix prononce que l'Europe nous a pendant des siècles gavés de mensonges et gonflés de pestilences,
    car il n'est point vrai que l'oeuvre de l'homme est finie
    que nous n'avons rien à faire au monde
    que nous parasitons le monde
    qu'il suffit que nous nous mettions au pas du monde
mais l'oeuvre de l'homme vient seulement de commencer
    et il reste à l'homme à conquérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur
    et aucune race ne possède le monopole de la beauté, de l'intelligence, de la force
    et il est place pour tous au rendez-vous de la conquête et nous savons maintenant que le soleil tourne autour de notre terre éclairant la parcelle qu'a fixée notre volonté seule et que toute étoile chute de ciel en terre à notre commandement sans limite.





Quelques questions pour orienter votre réflexion

a) Questions de repérage

1) Etudiez la récurrence du pronom nous : quelle conviction et quelle revendication rend-il ?
2) Quelles figures de style sont présentes dans la première proposition du texte ("Et nous sommes...dans son poing énorme") ? : quels sentiments traduisent-elles de la part de l'auteur ?
3) Relevez le champ lexical présent dans les lignes 1 à 7 : à quel autre champ lexical s'oppose-t-il dans la dernière phrase du texte ?
 
b) Questions de synthèse
1) Comment la forme poétique est-elle au service du message délivré par Césaire ? Appuyez-vous sur des procédés précis propres à l'écriture poétique.
2) En quoi ce texte est-il également un acte de militantisme ?
3) Quelle conception de la négritude Césaire développe-t-il ici ? Plus généralement, quels principes défend-il face à toute forme d'altérité ?

 

Ecriture de la poésie

Vers libres. Prose et versets rythmés
Le poète est en quête d'identité noire
Il écrivit ce poème alors qu'il était étudiant
Classique de la littérature négro-africaine

Ce poème intitulé, Debout maintenant, mon pays et moi appartient au recueil Cahier d'un retour au pays natal. C'est un texte poétique.
Ecriture lyrique pour traduire la révolte après des siècles de soumission

L'histoire de la négritude

Un pays personnifié
Le pays est devenu un personnage allié, "Mon pays et moi". Il y a ne incise qui exprime l'idée que le pays est une personne.
Les personnifications du pays se multiplient avec la phrase suivante : "Ma main petite maintenant dans son ping énorme".
Cette phrase basée sur l'antithèse "petite", "énorme", exprime la fusion, la communion entre l'homme et son pays.

Le pronom "nous" assimile l'homme au pays et le pays à l'homme.

Révolte contre l'occident

Poésie et argumentation
"Conquérir", "conquête", "commandement" : expression de la révolte : champ lexical militaire.

Protestation et humanité

La vision de l'humanité est remise en question "car il n'est point vrai que l'oeuvre de l'homme est finie..."
"Mais l'oeuvre de l'homme vient seulement de commencer" :
thèse : l'humanité se doit d'être à la hateur de sa tâche.
Elle a un travail à accomplir.
"Il reste à l'homme à conqérir toute interdiction immobilisée aux coins de sa ferveur..."
"Et il est place pour tous au rendez-vous".
Idée d'un engagement universel : engagement de l'Homme.

Volonté de l'homme en révolte.
"Notre volonté seule... à notre commandement sans limite"
Ouverture sur l'homme et le monde : l'univers tout entier.
Ex chp lexical des étoiles
Portée universelle du texte poétique


Contexte historique

Césaire invente le mot négritude par rapport à l'oppression du colonialisme français. Combat de Césaire pour lutter contre le colonialisme en Martinique et défendre l'identité du peuple noir.

La poésie engagée, définition, caractéristiques formelles, thèmes et visées


1. Définition :

Articles du Petit Robert :

Engagement = (sens n°10) (1945) Acte ou attitude de l’intellectuel, de l’artiste qui, prenant conscience de son appartenance à la société et au monde de son temps, renonce à une position de simple spectateur et met sa pensée ou son art au service d’une cause.

Engagé = (1945) Mis par son engagement au service d’une cause.

Le poète, de même que l’écrivain, le chanteur, le peintre,… peut, dans un contexte historique précis (guerres de religion, guerres mondiales, périodes de misère sociale,…) décider de mettre son art au service d’une cause. On parle alors de poésie engagée.

La poésie engagée est toujours ancrée dans la réalité, dans l’Histoire. On trouve donc souvent des noms de lieux, de personnes, et des dates.

Ex : « Napoléon Bonaparte » dans « Souvenir de la Nuit du 4 » de V. Hugo

« C’est Hitler, C’est Goebbels » dans « Le Legs » de R.Desnos


2. Caractéristiques formelles :

La poésie engagée met en jeu des symboles, des personnifications, des allégories. Elle incarne les idées par des images concrètes.

Ex : L’allégorie de la liberté chez Eluard

Les figures de style : hyperboles, métaphores, comparaisons,.. sont nombreuses, et utilisées dans une démarche argumentative, afin de solliciter l’imagination et la sensibilité du lecteur pour susciter son émotion et son adhésion.

Le rythme et le jeu sur les sonorités sont particulièrement importants dans un poème engagé : la reprise d’expressions ou de structures syntaxiques (répétition et anaphore), les rejets et les enjambements, les parallélismes et les oppositions, les assonances et les allitérations, créent un dynamisme musical qui facilite la mémorisation et la diffusion des textes.

Ces caractéristiques se retrouvent dans le poème classique (« Le Legs » de Desnos).


3. Thèmes :

Le poète prend la plume lorsque les droits de l’homme sont bafoués dans différents domaines :

- religieux (intolérance, fanatisme)

- social (injustice, inégalité, misère, racisme…) : V.Hugo dénonce le travail des enfants dans « Mélancholia »

- politique (guerre, dictature, violence…) : durant la 2ème GM, de nombreux poètes ont refusé l’indifférence et le silence face au nazisme ; ils ont parfois pris le risque physique de résister jusqu’à y laisser leur vie (R.Desnos).


4. Visées :

Le poète engagé vise à :


- révéler la réalité, témoigner, dénoncer

- transmettre un message d’espoir

- convaincre les hommes d’adhérer à une cause, défendre des valeurs

- faire agir

- mettre en garde contre l’oubli, rendre hommage


Pour atteindre ces objectifs, le poète engagé doit :

- toucher la sensibilité du lecteur : l’émouvoir, l’indigner

- toucher l’esprit du lecteur : le faire réfléchir, l’amener à une prise de conscience

 

Brevet blanc, sujet corrigé, Arthur Rimbaud, Les Effarés, Cahiers de Douai-un poème au service d'une dénonciation, d'une satire sociale

Arthur Rimbaud, Les Effarés, Cahiers de Douai (1870)

LES EFFARÉS

1 Noirs dans la neige et dans la brume,

Au grand soupirail qui s’allume,

Leurs dos en rond,

 

A genoux, cinq petits – misère !

– 5 Regardent le boulanger faire

Le lourd pain blond.

 

Ils voient le fort bras blanc qui tourne

La pâte grise et qui l’enfourne

Dans un trou clair.

10 Ils écoutent le bon pain cuire.

Le boulanger au gras sourire

Grogne un vieil air.

 

Ils sont blottis, pas un ne bouge,

Au souffle du soupirail rouge

15 Chaud comme un sein.

 

Quand, pour quelque médianoche 2 ,

Façonné comme une brioche

On sort le pain,

 

Quand, sous les poutres enfumées,

20 Chantent les croûtes parfumées

Et les grillons,

 

Que ce trou chaud souffle la vie,

Ils ont leur âme si ravie

Sous leurs haillons,

25 Ils se ressentent si bien vivre,

Les pauvres Jésus pleins de givre,

Qu’ils sont là tous,

 

Collant leurs petits museaux roses

Au treillage, grognant des choses

30 Entre les trous,

 

Tout bêtes, faisant leurs prières

Et repliés vers ces lumières

Du ciel rouvert,

 

Si fort, qu’ils crèvent leur culotte,

35 Et que leur chemise tremblote

Au vent d’hiver.

 

1 Effaré signifie à la fois étonné, inquiet et « sauvage » au sens de timide, qui s’enfuit dès qu’on le remarque. (du latin fera, bête sauvage).

2 Repas que l’on fait au milieu de la nuit (par exemple, au retour d’un spectacle).

* PREMIÈRE PARTIE

* QUESTIONS (15 points)

• LE BOULANGER ET SON LIEU DE TRAVAIL

1.a. Relevez les éléments du texte qui vous informent sur :

– le boulanger – son lieu de travail – ce qu’il produit (1,5 point)

1.b. Quelle est l’image du boulanger et de son travail donnée par ces éléments ? (0,5 point)

2. Observez l’emploi du mot « souffle » dans les groupes « au souffle du soupirail rouge » (vers 14) et « ce trou chaud souffle la vie » (vers 22)

2.a. À quelle classe de mot appartient le mot « souffle » dans chaque cas ? (1 point)

2.b. Pourquoi, d’après vous, l’auteur a t-il repris le même mot ? (0,5 point)

3. « Chantent les croûtes parfumées » (vers 20) Expliquez l’image qui apparaît ici. (1 point)

4. « […] ces lumières Du ciel rouvert, » (vers 32-33). Quelles expressions préparent cette image tout au long du poème ? (1 point)

LE TABLEAU DES ENFANTS

5.a. Relevez les expressions qui précisent la position des enfants dans cette scène. (1 point)

5.b. « misère » (vers 4). Quelle ponctuation accompagne ce mot ? Que traduit cette construction ? (1 point)

5.c. Relevez dans le poème les autres notations liées à la misère qui confirment votre réponse. (1 point)

6. « chaud comme un sein » vers 15 ; « on sort le pain » (vers 18). Quels sont les trois éléments (rythme, rime, lexique) qui permettent d’associer ces vers ? Quel est l’effet produit ? (2 points)

LE REGARD DU POÈTE

7. Relevez dans la strophe 10 deux termes qui présentent les enfants comme des animaux. Quelle relation pouvez-vous établir avec le titre du poème ? (1 point)

8. Relevez dans ce poème le champ lexical des couleurs. Quels contrastes observez–vous ? Comment les interprétez-vous ? (1,5 points) 9. Comment les univers du boulanger et des enfants peuvent-ils (ou ne peuvent-ils pas…) communiquer ? (2 points)

RÉÉCRITURE (5 points)

Vous remplacerez l’expression « cinq petits » par « cinq petites » et recopierez les vers 1 à 15 en effectuant les modifications nécessaires.

DICTÉE (5 points)

Le gamin de Paris « Ce petit être est joyeux. Il ne mange pas tous les jours et il va au spectacle, si bon lui semble, tous les soirs. Il n’a pas de chemise sur le corps, pas de souliers aux pieds, pas de toit sur la tête ; il est comme les mouches du ciel qui n’ont rien de tout cela. Il a de sept à treize ans, vit par bandes […]. Il a dans l’âme une perle, l’innocence ».

Victor Hugo, Les Misérables, 3 e partie, livre premier, chapitre 1.

* SECONDE PARTIE

* RÉDACTION (15 points)

Vous écrirez un récit proposant une suite et une fin à cette scène. Il comportera un dialogue et explicitera les « choses » que les petits « effarés » se disent entre les trous du treillage (vers 29-30).

Votre texte sera un récit. Il inclura un dialogue dont il présentera les caractéristiques essentielles : (verbes introducteurs, propositions incises, ponctuation, disposition typographique). Il sera tenu compte, dans l’évaluation, de la correction de la langue et de l’orthographe.

Correction du brevet blanc, Rimbaud, les Effarés

1.a. Les éléments textuels le boulanger : « le fort bras blanc », « au gras sourire », « grogne un vieil air » le lieu de travail : « Au grand soupirail qui s’allume », « trou clair », « soupirail rouge », « Chaud comme un sein », « poutres en fumées », « trou chaud », « treillage, « ces lumières / Du ciel rouvert » ce qu’il produit : « le lourd pain blond », « (pâte grise) », « le bon pain », « comme une brioche», «croûtes parfumées ».

1.b. Image de la force, qui transforme la pâte grise en pain blond et produit la nourriture, image du bonheur, associée à la chaleur et à la lumière. 2. « souffle du soupirail », « souffle la vie ».

2.a. Classe de mots : 1 substantif (nom), 2 verbe.

2.b. Association du mouvement de l’air chaud et du « souffle de vie », du sentiment de bien-être qu’il apporte aux enfants (« Ils ont leur âme si ravie »).

3. « chantent les croûtes parfumées » Association d’une odeur (parfum) et d’un bruit (celui des croûtes de pain qui craquent), lequel crée une impression auditive agréable (chantent).

4. « ces lumières /Du ciel rouvert » (vers 32 et 33) Expressions qui préparent cette image : « Au grand soupirail qui s’allume », « trou clair », « soupirail rouge ».

5.a. Position des enfants : « dos en rond », « à genoux », « blottis », « repliés ».

5.b. « misère » Ponctuation : entre tirets avec un point d’exclamation. Mouvement de sensibilité (pitié, indignation) dans un commentaire de l’auteur.

5.c. Autres notations : « Noirs dans la neige et dans la brume », « sous leurs haillons », « Les pauvres Jésus pleins de givre », « Tout bêtes », «crèvent leur culotte», «leur chemise tremblote/Au vent d’hiver».

6. Les trois éléments : 4 syllabes, même rime, champ lexical de la nourriture. L’effet produit : l’image du pain et du sein nourricier se trouvent ainsi associées.

7. Les deux termes : « museaux » et « grognant » marquent l’animalité des enfants. Une relation s’établit ainsi avec l’étymologie du mot effarés (fera : la bête sauvage).

8. Champ lexical des couleurs : « Noirs » s’oppose à « neige » et « givre », et ces trois termes qui désignent l’extérieur sombre et froid s’opposent à « s’allume », « blond », « clair », « rouge » qui désignent l’intérieur éclairé et chaud.

9. On admettra que les élèves répondent soit que les deux mondes ne communiquent que par la vue et la chaleur, soit qu’ils sont séparés par la grille du soupirail et ne communiquent pas.

 

Date de dernière mise à jour : 10/07/2021

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