L'Abbé Prévost, Manon Lescaut : commentaires littéraires, séquence bac, lecture cursive, questionnaires sur l'auteur et l'oeuvre

Schmidt prevost

Les ressources pour le bac de français : l'Abbé Prévost

 

Le roman à l’âge classique

Le mépris du XVI° siècle pour le roman s’accentuera au XVII° siècle, notamment avec l’aire héroïque et sentimentale. Pour le clergé, il est impossible d’atteindre la vérité et le réel à travers la fiction et le mensonge, l’illusion romanesque détournant selon eux la réalité.

Néanmoins, entre le XVII° et le XVIII° siècles, le roman est un genre fécond, beaucoup lu et écrit, permettant aux auteurs une certaine liberté (tous les procédés d’écriture y sont possible), si bien qu’il passera au stade d’art de vivre chez nobles et bourgeois.

Sont appréciés les romans romanesques d’idéalisation (L’Astrée), accumulant héroïsme et sentimentalisme, les romans comiques (Sorel, Histoire comique de Francion, Scaron, Le roman bourgeois) plus proche du réalisme, et les romans picaresque (Cervantès, Dom Quichotte). Le classicisme impose sa sobriété face aux excès du baroque. Ainsi naissent des romans d’analyse comme La Princesse de Clèves (Mme de la Fayette).

Au XVIII°, la tendance se poursuit avec l’apparition du roman-mémoire (Manon Lescaut), du roman épistolaire et de l’antiroman (Diderot : Jacques le Fataliste).

 

Etude litteraire

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer Elle n'affecta ni rigueur ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence, qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse, mais que c'était apparemment la volonté du Ciel, puisqu'il ne lui laissait nul moyen de l'éviter La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt, l'ascendant de ma destinée qui m'entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. Je l'assurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu'elle m'inspirait déjà, j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse. Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d'où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m'exprimer ; mais on ne ferait pas une divinité de l'amour, s'il n'opérait souvent des prodiges. J'ajoutai mille choses pressantes. Ma belle inconnue savait bien qu'on n'est point trompeur à mon âge ; elle me confessa que, si je voyais quelque jour à la pouvoir mettre en liberté, elle croirait m'être redevable de quelque chose de plus cher que la vie. Je lui répétai que j'étais prêt à tout entreprendre, mais, n'ayant point assez d'expérience pour imaginer tout d'un coup les moyens de la servir je m'en tenais à cette assurance générale, qui ne pouvait être d'un grand secours pour elle et pour moi. Son vieil Argus étant venu. nous rejoindre, mes espérances allaient échouer si elle n'eût eu assez d'esprit pour suppléer à la stérilité du mien. Je fus surpris, à l'arrivée de son conducteur qu'elle m'appelât son cousin et que, sans paraître déconcertée le moins du monde, elle me dît que, puisqu'elle était assez heureuse pour me rencontrer à Amiens, elle remettait au lendemain son entrée dans le couvent, afin de se procurer le plaisir de souper avec moi. J'entrai fort bien dans le sens de cette ruse. Je lui proposai de se loger dans une hôtellerie, dont le maître, qui s'était établi à Amiens, après avoir été longtemps cocher de mon père, était dévoué entièrement à mes ordres. Je l'y conduisis moi-même, tandis que le vieux conducteur paraissait un peu murmurer et que mon ami Tiberge, qui ne comprenait rien à cette scène, me suivait sans prononcer une parole.

 

Etude de Manon Lescaut : "J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens.... me suivait sans prononcer une parole"

Plan de l'étude :

I - Le coup de foudre

II - Mécanisme du coup de foudre par mémoire affective

III - Un récit apologétique

Questionnaires sur l'auteur, l'oeuvre, l'extrait 

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Les fiches auteurs

 

Manon Lescaut, L'ABBÉ PREVOST

La scène du prince

Lecture du texte :

A mon réveil, Manon me déclara que, pour passer le jour dans notre appartement, elle ne prétendait pas que j'en eusse l'air plus négligé, et qu'elle voulait que mes cheveux fussent accommodés de ses propres mains. Je les avais fort beaux. C'était un amusement qu'elle s'était donné plusieurs fois ; mais elle y apporta plus de soins que je ne lui en avais jamais vu prendre. Je fus obligé, pour la satisfaire, de m'asseoir devant sa toilette, et d'essuyer toutes les petites recherches qu'elle imagina pour ma parure. Dans le cours de son travail, elle me faisait tourner souvent le visage vers elle, et s'appuyant des deux mains sur mes épaules, elle me regardait avec une curiosité avide. Ensuite, exprimant sa satisfaction par un ou deux baisers, elle me faisait reprendre ma situation pour continuer son ouvrage. Ce badinage nous occupa jusqu'à l'heure du dîner. Le goût qu'elle y avait pris m'avait paru si naturel, et sa gaieté sentait si peu l'artifice, que ne pouvant concilier des apparences si constantes avec le projet d'une noire trahison, je fus tenté plusieurs fois de lui ouvrir mon coeur, et de me décharger d'un fardeau qui commençait à me peser. Mais je me flattais, à chaque instant, que l'ouverture viendrait d'elle, et je m'en faisais d'avance un délicieux triomphe. Nous rentrâmes dans son cabinet. Elle se mit à rajuster mes cheveux, et ma complaisance me faisait céder à toutes ses volontés, lorsqu'on vint l'avertir que le prince de... demandait à la voir. Ce nom m'échauffa jusqu'au transport. Quoi donc ? m'écriai-je en la repoussant. Qui ? Quel prince ? Elle ne répondit point à mes questions. Faites-le monter, dit-elle froidement au valet ; et se tournant vers moi : Cher amant, toi que j'adore, reprit-elle d'un ton enchanteur, je te demande un moment de complaisance, un moment, un seul moment. Je t'en aimerai mille fois plus. Je t'en saurai gré toute ma vie. L'indignation et la surprise me lièrent la langue. Elle répétait ses instances, et je cherchais des expressions pour les rejeter avec mépris. Mais, entendant ouvrir la porte de l'antichambre, elle empoigna d'une main mes cheveux, qui étaient flottants sur mes épaules, elle prit de l'autre son miroir de toilette ; elle employa toute sa force pour me traîner dans cet état jusqu'à la porte du cabinet, et l'ouvrant du genou, elle offrit à l'étranger, que le bruit semblait avoir arrêté au milieu de la chambre, un spectacle qui ne dut pas lui causer peu d'étonnement. Je vis un homme fort bien mis, mais d'assez mauvaise mine. Dans l'embarras où le jetait cette scène, il ne laissa pas de faire une profonde révérence. Manon ne lui donna pas le temps d'ouvrir la bouche. Elle lui présenta son miroir : Voyez, monsieur, lui dit-elle, regardez-vous bien, et rendez-moi justice. Vous me demandez de l'amour. Voici l'homme que j'aime, et que j'ai juré d'aimer toute ma vie. Faites la comparaison vous-même Si vous croyez lui pouvoir disputer mon coeur, apprenez-moi donc sur quel fondement, car je vous déclare qu'aux yeux de votre servante très humble, tous les princes d'ltalie ne valent pas un des cheveux que je tiens. Pendant cette folle harangue, qu'elle avait apparemment méditée, je faisais des efforts inutiles pour me dégager, et prenant pitié d'un homme de considération, je me sentais porté à réparer ce petit outrage par mes politesses. Mais, s'étant remis assez facilement, sa réponse, que je trouvai un peu grossière, me fit perdre cette disposition. Mademoiselle, mademoiselle, lui dit-il avec un sourire forcé, j'ouvre en effet les yeux, et je vous trouve bien moins novice que je ne me l'étais figuré. Il se retira aussitôt sans jeter les yeux sur elle, en ajoutant, d'une voix plus basse, que les femmes de France ne valaient pas mieux que celles d'ltalie. Rien ne m'invitait, dans cette occasion, à lui faire prendre une meilleure idée du beau sexe. Manon quitta mes cheveux, se jeta dans un fauteuil, et fit retentir la chambre de longs éclats de rire.

 

Etude de Manon Lescaut : La scène du prince : "A mon réveil... Longs éclats de rire"

Plan de l'étude :

I - Une scène de comédie

II Scène qui éclaire la psychologie des personnages

III - Une scène revécue

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Une oeuvre du parcours bac EAF 2023, Manon Lescaut personnages en marge, plaisirs du romanesque

Abbe prevost

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Séquence bac

Personnages féminin et ordre social Corpus d’extraits de romans du 18 au 20°

Séquence bac 

Le personnage féminin, trouble à l’ordre public ? 

Extrait 1 :

Manon Lescaut de l'abbé Prévost (1731) « J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens […] j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse. » Problématique possible : la femme, ou la fin de l’innocence ?

Extrait 2 :

Nana de Zola (1880) « On frappait les trois coups [… ] Nana avait pris possession du public, et maintenant chaque homme la subissait. » Lectures complémentaires : extraits de Nana Problématique possible :Nana, « ferment de destruction » de la société du second empire ?

Extrait 3 :

Thérèse Desqueyroux de Mauriac (1927) « La déposition de M. Desqueyroux était excellente[…] Le ciel, au- dessus d'elle, se frayait un lit encombré de branches » Problématique possible : Thérèse coupable, forcément coupable ? 

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves / parcours : individu, morale et société. Série générale, adaptable en série technologique.

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LECTURE CURSIVE / Activités - Ecrits d’appropriation

Manon Lescaut de l'abbé Prévost

Ecrits d’appropriation de l’œuvre intégrale / journal du lecteur

 Articles de journal « Deux jeunes escrocs emprisonnés » (première ou seconde arrestation)

 Ecrire à Manon, écrire à Des Grieux

 Réécrire la fin du roman …

Bilan collectif : articulation roman et parcours : Univers social du roman ?

quelle(s) morale(s) ?

Comment se situe l’individu (ici les diff personnages :Manon, son frère, Des Grieux, le père…) vis-à-vis de cette morale ?

Epreuve orale : première partie (travaillé systématiquement en cours)

Explication linéaire +Question de grammaire

A la maison : enregistrements numériques, entrainement à la lecture oralisée

Epreuve orale : seconde partie « Faut-il condamner Manon ? »

? Débat et/ou travaux de groupe De l’explication linéaire orale au commentaire écrit

Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves / parcours : individu, morale et société. Série générale, adaptable en série technologique.

  Individu, morale et socie?te? - La Princesse de Cle?ves

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Date de dernière mise à jour : 09/07/2022

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