Manon Lescaut l'abbé Prévost commentaire linéaire, grammaire la scène de rencontre, parcours associé/ personnages en marge, plaisirs du romanesque

Etude linéaire, grammaire 

Une oeuvre du parcours bac EAF 2023, Manon Lescaut personnages en marge, plaisirs du romanesque

Abbe prevost

 

Quiz bac 2023 Manon Lescaut l'abbé Prévost, analyse de l'oeuvre

Exercice pour la classe de 1ère Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Abbé Prévost, Manon Lescaut / parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque.

Quiz bac Manon Lescaut parcours / personnages en marge, plaisirs du romanesque

Exercice pour la classe de 1ère Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Abbé Prévost, Manon Lescaut / parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque.

 

Quiz bac Manon Lescaut Prévost, Tiberge et Des Grieux à St Lazare

Exercice pour la classe de 1ère Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Abbé Prévost, Manon Lescaut / parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque.

Quiz bac pour réviser l'incipit de Manon Lescaut, Prévost

Exercice pour la classe de 1ère Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Abbé Prévost, Manon Lescaut / parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque. L'incipit de Manon "Ayant repris mon chemin par Evreux... sentiment de modestie" Support texte

Quiz bac n°2 pour réviser l'incipit de Manon Lescaut, Prévost.

Exercice pour la classe de 1ère Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Abbé Prévost, Manon Lescaut / parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque. "J'entrai avec peine..." à "... lui vouloir du bien." Support texte. Extrait n° 2 pour organiser les révisions et étudier l'incipit 

Quiz bac Manon Lescaut Prévost, la scène du prince

Exercice pour la classe de 1ère Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Abbé Prévost, Manon Lescaut / parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque. Support texte

Quiz bac Manon Lescaut Prévost, l'enterrement de Manon

Exercice pour la classe de 1ère Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle Abbé Prévost, Manon Lescaut / parcours : personnages en marge, plaisirs du romanesque. Support texte 

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Manon Lescaut, L'Abbé Prévost

Abbe prevostManon Lescaut, L'Abbé Prévost

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J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! que ne le marquais-je un jour plus tôt ! j'aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer Elle n'affecta ni rigueur ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence, qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse, mais que c'était apparemment la volonté du Ciel, puisqu'il ne lui laissait nul moyen de l'éviter La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt, l'ascendant de ma destinée qui m'entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. Je l'assurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu'elle m'inspirait déjà, j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse. Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d'où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m'exprimer ; mais on ne ferait pas une divinité de l'amour, s'il n'opérait souvent des prodiges. J'ajoutai mille choses pressantes. Ma belle inconnue savait bien qu'on n'est point trompeur à mon âge ; elle me confessa que, si je voyais quelque jour à la pouvoir mettre en liberté, elle croirait m'être redevable de quelque chose de plus cher que la vie. Je lui répétai que j'étais prêt à tout entreprendre, mais, n'ayant point assez d'expérience pour imaginer tout d'un coup les moyens de la servir je m'en tenais à cette assurance générale, qui ne pouvait être d'un grand secours pour elle et pour moi. Son vieil Argus étant venu. nous rejoindre, mes espérances allaient échouer si elle n'eût eu assez d'esprit pour suppléer à la stérilité du mien. Je fus surpris, à l'arrivée de son conducteur qu'elle m'appelât son cousin et que, sans paraître déconcertée le moins du monde, elle me dît que, puisqu'elle était assez heureuse pour me rencontrer à Amiens, elle remettait au lendemain son entrée dans le couvent, afin de se procurer le plaisir de souper avec moi. J'entrai fort bien dans le sens de cette ruse. Je lui proposai de se loger dans une hôtellerie, dont le maître, qui s'était établi à Amiens, après avoir été longtemps cocher de mon père, était dévoué entièrement à mes ordres. Je l'y conduisis moi-même, tandis que le vieux conducteur paraissait un peu murmurer et que mon ami Tiberge, qui ne comprenait rien à cette scène, me suivait sans prononcer une parole.

J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens.

Manon Lescaut, L'Abbé Prévost

Etude linéaire

Introduction

Abbe prevostL’histoire du Chevalier Des Grieux et de Manon Lescaut est le septième tome des Mémoires et aventures d’un homme de qualité écrit par l’abbé Prévost. Dès sa parution en 1731, il connaît un grand succès.

Il s'agit d'un récit rétrospectif, Manon est déjà morte quand le narrateur-personnage Des Grieux décrit cette scène. Il raconte combien sa vie a été bouleversée par son amour pour Manon. Le narrateur, le marquis de Renoncour, raconte sa première rencontre avec Manon qui fait partie d’un convoi de prisonnières qu’on déporte à la Nouvelle Orléans pour prostitution.  Dès le début de la scène on peut y voir un coup de foudre et un topos romanesque. La réaction du chevalier est immédiate, mais le récit joue avec la double énonciation qui dévoile en réalité subtilement des détails concernant Manon et qui est donc subjectif pour le lecteur.

En quoi cette première rencontre avec Manon est-elle annonciatrice d’un amour passion entre les personnages?

Problématique :

En quoi cette première rencontre avec Manon est-elle annonciatrice d’un amour passion entre les personnages?

Plan de l’étude linéaire

Mouvement 1 : du début à « se retirèrent aussitôt. » Une apparition tout d’abord banale animée par la simple curiosité

Mouvement 2 : « Mais il en resta…la maîtresse de mon cœur » Le coup de foudre de Des Grieux

Mouvement 3 : « Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi … » fin. Le dialogue entre Des Grieux et Manon et la naissance d’un amour profond

Une apparition tout d’abord banale animée par la simple curiosité

Mouvement 1

Abbe prevostOn sait qu’il doit retourner chez ses parents, les premières lignes du texte fonctionnent comme une introduction qui nous renseigne sur les qualités du héros, cadet d’une famille noble destiné à rentrer dans l’Ordre de Malte après la fin de ses études à Amiens »J’avais marqué » traduit cette sage décision.

Le plus que parfait s’oppose à l’exclamative à l’imparfait « que ne le marquais-je ! » qui traduit son regret et la fatalité de l’évènement à venir par l’interjection « Hélas ». Tout s’est joué en un jour ainsi que le suggère l’irréel du passé « j’aurais porté », sa vie bascule en une seule journée.

 Le terme « innocence » associé au père « chez mon père » évoque l’obéissance et le respect du fils dans une relation forte avec le père. L’idée est encore valorisée par la clausule (fin de la période oratoire). Le regret prend de plus en plus d’importance dans l’expression des souvenirs et devient avec la souffrance une caractéristique du procédé d’écriture du roman.

 La rencontre se fait de manière assez banale « étant à me promener avec mon ami, qui s’appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d’Arras et nous le suivîmes », les actions sont rapides et s’enchainent, la curiosité est le seul motif de sa présence « pas d’autre motif que la curiosité », il se plait à regarder les voyageurs, quelques femmes sont là « qui se retirèrent aussitôt ». L’accent est mis par l’allitération avec la sifflante « S » sur l’espace qui se vide. Le narrateur est donc seulement animé par la simple curiosité sans aucune autre intention définie comme cela est suggéré par la formule restrictive « ne…que », « nous n’avions d’autre motif que la curiosité ».   

Le coup de foudre de Des Grieux

Mouvement 2

Abbe prevostLe deuxième mouvement s’ouvre sur la conjonction de coordination « mais » qui marque une rupture encore accentuée par la tournure impersonnelle « il en resta «, la jeune femme reste ainsi à distance et n’est encore qu’une silhouette.

« fort  jeune, qui s'arrêta seule » - Deux adjectifs qualificatifs suffisent à la dévoiler dans un premier temps avant qu’elle ne s’anime auprès de l’homme qui l’accompagne « s’empressait pour faire retirer son équipage des paniers ». Le premier mouvement de la fin de la phrase se voit mis en avant par l’allitération en « P ».

« charmante » est le troisième adjectif qualificatif renforcé par l’adverbe d’intensité « si » qui se rapporte à la jeune femme.

Cette rencontre est un bouleversement pour le jeune homme, on peut parler de métamorphose comme le souligne la longue phrase construite autour des trois propositions relatives pour définir Des Grieux avant la rencontre « moi qui n’avait jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d’attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue « , ainsi que la proposition consécutive « je me trouvai enflammé tout à coup jusqu’au transport ». L’insistance se ressent également grâce à la métaphore du feu « enflammé » et l’hyperbole « jusqu’au transport ».

La dernière phrase reprend la même structure. Nous avons un rythme binaire « timide et facile à déconcerter » pour évoquer la timidité et la discrétion du personnage, puis, « je m’avançais vers la maîtresse de mon cœur » pour refléter la passion avec la synecdoque « mon cœur ». Cette métamorphose marque le début des aventures du jeune homme qui se soumettra complètement à sa passion pour Manon dont l’identité n’est pas encore connue.

Le dialogue entre Des Grieux et Manon et la naissance d’un amour profond

Mouvement 3

Abbe prevostUn dialogue s’instaure entre les deux personnages, rapporté tantôt par le discours indirect : « je lui demandai », « elle me répondit », « Elle me dit », « je l’assurai que », tantôt par un discours narrativisé... », « je combattis la cruelle intention… », « je lui parlai d’une manière… ». Le lecteur ressent l’intimité grandissante entre les personnages.

L’auteur nous livre des informations sur Manon, son âge, 15 ou 16 ans est dévoilé dans la proposition subordonnée concessive « quoiqu’elle fût encore moins âgée que moi » et la principale « elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée » = c’est une litote qui peut intriguer le lecteur car ne renseigne pas sur Manon

Elle répond « ingénument ». Des Grieux complète cette analyse « bien plus expérimenté que moi », « son penchant au plaisir », le lecteur en sait plus à présent. La raison de sa présence est révélée, « envoyée par ses parents pour être religieuse »… « malgré elle » ! Elle est destinée au couvent par ses parents, de la même manière que Des Grieux est destiné à l’ordre de Malte par son père.

La réaction de Des Grieux, à cette nouvelle confirme sa métamorphose : emportement, exaltation et désormais refus des contraintes sociales ou morales. On retrouve le schéma, proposition principale « L’amour me rendait déjà si éclairé » / proposition consécutive : « que je regardais ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs ». L’amour se révèle et lui apporte une certaine intelligence « si éclairé », il utilise son avoir des discours, « je lui parlais d’une manière qui lui fit comprendre », « je combattis », « mon éloquence scolastique ». Les hyperboles se multiplient et reflètent l’état d’esprit du personnage, « coup mortel pour mes désirs », « la cruelle intention », « tendresse infinie », « tyrannie des parents ».  La litote « Elle n’affecta ni rigueur ni dédain » souligne son accord

Les paroles de Manon  « elle me dit […] qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse », « c'était la volonté du Ciel », « il ne lui laissait nul moyen de l'éviter » dévoilent le caractère manipulateur du personnage qui a déjà compris que Des Grieux était sous son charme.  Il décide ainsi de l’aider et de la protéger « faire quelque fond sur mon honneur », « j’emploierai ma vie pour la délivrer de la tyrannie », « pour la rendre heureuse ».

Enfin, le narrateur prend du recul avec ces mots pour évoquer le destin « tous ces malheurs et les miens », « l’ascendant de ma destinée qui m’entraînait à ma perte ». Le lecteur comprend la fin funeste de cette aventure. Des Grieux ne pouvait pas résistait, il annonce sa perte alors que jusqu’ici il n’avait parlé que « de malheurs ».

Conclusion

Ainsi, cette première rencontre avec Manon est-elle annonciatrice d’un amour passion entre les personnages. La tonalité est romanesque, toutefois le lecteur a déjà bien perçu l’issue fatale de cette histoire d’amour. Cette rencontre annonce une histoire d’amour vouée au malheur et à la mort. La passion est puissante, Manon sait le manipuler et Des Grieux est un héros bien faible.

Montesquieu à cet égard les qualifiera de « fripon… et de catin ». 

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