Etude linéaire Madame de Lafayette, La Princesse de Clèves,la lettre.

Comment Mme de Thémines s’y prend t-elle pour exécuter un projet de vengeance dans une lettre de rupture ?

La fayette

Exercices bac français Lafayette La Princesse de Clèves parcours individu, morale et société-Progressez avec les exercices corrigés pour la classe de 1ère, quiz, questionnaires

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La princesse de Clèves, maîtresse de sa destinée ? La princesse de Clèves de madame de Lafayette PARCOURS : Individu, morale et société. Commentaires pour séquence bac

Le programme du bac de français 2022

Classe de première de la voie générale et de la voie technologique

Objet d'étude : Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle

 Madame de Lafayette, "La Princesse de Clèves" / parcours : individu, morale et société.

 

 

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Introduction

- Madame de Lafayette est une romancière, moraliste, précieuse et épistolière du 17ème siècle qui appartient au courant littéraire du classicisme, elle invente le roman psychologique moderne suite à la publication de La Princesse de Clèves en 1678.

- C’est un récit court qui s’inscrit dans le cadre historique de la France sous le règne d’Henri II à la cours des Valois entre 1558 et 1559. L’histoire gravite autour d’une intrigue unique celle de Melle de Chartes qui épouse le Prince de Clèves mais peu de temps après rencontre le Duc de Nemours et ils tombent amoureux.

- En outre, le roman pose explicitement le sujet de la confrontation entre l’individu, la moral et la société.

- L’extrait sur lequel nous allons nous pencher se situe dans la partie 2 du récit. Il s’agit de la célèbre lettre à l’origine d’un quiproquo  écrite par Mme de Thémines au Vidame de Chartres .

- Cette lettre est importante car elle est un exemple de la rhétorique précieuse amoureuse et de l’analyse psychologique moderne de la romancière.

- De plus, c’est elle qui fait découvrir à la Princesse de Clèves, le sentiment de jalousie qui la poussera à prendre la décision de ne pas succomber à sa passion.

 

LETTRE : "Je vous ai trop aimé pour vous laisser croire que le changement qui vous paraît en moi soit un effet de ma légèreté ; je veux vous apprendre que votre infidélité en est la cause. Vous êtes bien surpris que je vous parle de votre infidélité ; vous me l'aviez cachée avec tant d'adresse, et j'ai pris tant de soin de vous cacher que je la savais, que vous avez raison d'être étonné qu'elle me soit connue. Je suis surprise moi-même, que j'aie pu ne vous en rien faire paraître. Jamais douleur n'a été pareille à la mienne. Je croyais que vous aviez pour moi une passion violente ; je ne vous cachais plus celle que j'avais pour vous, et dans le temps que je vous la laissais voir tout entière, j'appris que vous me trompiez, que vous en aimiez une autre, et que, selon toutes les apparences, vous me sacrifiez à cette nouvelle maîtresse. Je le sus le jour de la course de bague ; c'est ce qui fit que je n'y allais point. Je feignis d'être malade pour cacher le désordre de mon esprit ; mais je le devins en effet, et mon corps ne put supporter une si violente agitation. Quand je commençai à me porter mieux, je feignis encore d'être fort mal, afin d'avoir un prétexte de ne vous point voir et de ne vous point écrire. Je voulus avoir du temps pour résoudre de quelle sorte j'en devais user avec vous ; je pris et je quittai vingt fois les mêmes résolutions ; mais enfin je vous trouvai indigne de voir ma douleur, et je résolus de ne vous la point faire paraître. Je voulus blesser votre orgueil, en vous faisant voir que ma passion s'affaiblissait d'elle-même. Je crus diminuer par là le prix du sacrifice que vous en faisiez ; je ne voulus pas que vous eussiez le plaisir de montrer combien je vous aimais pour en paraître plus aimable. Je résolus de vous écrire des lettres tièdes et languissantes, pour jeter dans l'esprit de celle à qui vous les donniez, que l'on cessait de vous aimer. Je ne voulus pas qu'elle eut le plaisir d'apprendre que je savais qu'elle triomphait de moi, ni augmenter son triomphe par mon désespoir et par mes reproches. Je pensais que je ne vous punirais pas assez en rompant avec vous, et que je ne vous donnerais qu'une légère douleur si je cessais de vous aimer lorsque vous ne m'aimiez plus. Je trouvai qu'il fallait que vous m'aimassiez pour sentir le mal de n'être point aimé, que j'éprouvais si cruellement. Je crus que si quelque chose pouvait rallumer les sentiments que vous aviez eus pour moi, c'était de vous faire voir que les miens étaient changés ; mais de vous le faire voir en feignant de vous le cacher, et comme si je n'eusse pas eu la force de vous l'avouer. Je m'arrêtai à cette résolution ; mais qu'elle me fut difficile à prendre, et qu'en vous revoyant elle me parut impossible à exécuter ! Je fus prête cent fois à éclater par mes reproches et par mes pleurs ; l'état où j'étais encore par ma santé me servit à vous déguiser mon trouble et mon affliction. Je fus soutenue ensuite par le plaisir de dissimuler avec vous, comme vous dissimuliez avec moi ; néanmoins, je me faisais une si grande violence pour vous dire et pour vous écrire que je vous aimais, que vous vîtes plus tôt que je n'avais eu dessein de vous laisser voir, que mes sentiments étaient changés. Vous en fûtes blessé ; vous vous en plaignîtes. Je tâchais de vous rassurer ; mais c'était d'une manière si forcée, que vous en étiez encore mieux persuadé que je ne vous aimais plus. Enfin, je fis tout ce que j'avais eu intention de faire. La bizarrerie de votre coeur vous fit revenir vers moi, à mesure que vous voyiez que je m'éloignais de vous. J'ai joui de tout le plaisir que peut donner la vengeance ; il m'a paru que vous m'aimiez mieux que vous n'aviez jamais fait, et je vous ai fait voir que je ne vous aimais plus. J'ai eu lieu de croire que vous aviez entièrement abandonné celle pour qui vous m'aviez quittée. J'ai eu aussi des raisons pour être persuadée que vous ne lui aviez jamais parlé de moi ; mais votre retour et votre discrétion n'ont pu réparer votre légèreté. Votre coeur a été partagé entre moi et une autre, vous m'avez trompée ; cela suffit pour m'ôter le plaisir d'être aimée de vous, comme je croyais mériter de l'être, et pour me laisser dans cette résolution que j'ai prise de ne vous voir jamais, et dont vous êtes si surpris.

Problématique

 Comment Mme de Thémines s’y prend t-elle pour exécuter un projet de vengeance dans une lettre de rupture ?

Annonce du plan

- Nous verrons dans un premier temps en quoi il s’agit d’une annonce d’infidélité découverte.

- Puis nous analyserons la description du projet de Mme de Thémines et enfin nous verrons comment elle compte le mettre en œuvre.

l’annonce de l’infidélité découverte

Pour commencer on remarque que le caractère féminin de la lettre n'est pas très imposant. En revanche il est clair que le destinataire est masculin et qu’il a une nouvelle maîtresse. Néanmoins les élèments qui indiquent la féminité sont inégalement répartis dans le texte.

Je cite : « vous me l’aviez cachée » (l. 3), « je suis surprise » (l. 4), « une autre » (l. 7), « cette nouvelle maîtresse » (l. 7) /« je fus prête » (l. 23), « je fus soutenue » (l. 24), « vous m’aviez quittée » (l. 31), « être persuadée » (l. 32), « une autre » (l. 33), « vous m’avez trompée » (l. 34), « être aimée » (l. 34).

• Cela suggère que la vengeance pousse Mme de Thémines dans une énonciation asexuée, où elle exprime plus son intelligence et moins son genre.

- Le seul effet de réalité est la référence à la « la course de bague » (l. 8) qui a eu lieu pour le mariage du duc de Lorraine avec Claude de France.

• Or on sait que les festivités de la cour dans le roman sont au cœur de la progression de l’action. Il y aussi le jeu de paume où le vidame a perdu la lettre et le tournoi où le roi perd la vie. La construction du roman fonctionne donc comme une tragédie construite à partir d’un traité de paix historique

Lafayette présente le projet de vengeance

- On remarque que le personnage raisonne, distingue différents états de conscience et elle réfléchit sur les moyens. Cela est traduit grâce à un vocabulaire et une syntaxe délibératifs accompagnés par des verbes modalisateurs comme « je voulus » (l. 10, 12) le polyptote « résoudre » (l. 11) « résolus » (l. 12) et « quittai vingt fois les mêmes résolutions » (l. 12).

- Or, il n’est pas facile de délibérer lorsque l’on aime. Puisque la passion amoureuse associe corps et âme. « je feignis d’être malade pour cacher le désordre de mon esprit » (l. 8). L’hyperbole « une si violente agitation » (l. 11) montre la passion comme une expérience de l’excès.

- Le propos de Mme Thémines illustre les Maximes de La Rochefoucauld. En effet le vocabulaire de l’amour-propre se mêle à celui de la passion avec « je vous trouvai indigne » (l. 12), « je voulus blesser votre orgueil » (l. 12), « diminuer par-là le prix du sacrifice » (l. 13), « je ne voulus pas que vous eussiez le plaisir » (l. 14).

- Après cette délibération, on note que l’exécution du projet commence : « je résolus de vous écrire des lettres tièdes et languissantes » (l. 14, 15). C’est-à-dire que la vengeance passe par un échange de lettres et celle-ci est la dernière. Cela signifie que Mme de Thémines essaie de reprendre la main sur leur relation et elle veut manipuler le triangle amoureux.Plus loin j’attire votre attention sur la ligne 16 où il y a une longue phrase : « je ne voulus pas qu’elle eût le plaisir d’apprendre que je savais qu’elle triomphait de moi, ni augmenter son triomphe par mon désespoir et mes reproches. ». Sa complexité crée une suite de subordonnées complétives qui montre bien la manipulation des signes dans ce « huis-clos curial » car pour Mme de Thémines, ce qui est important, ce n’est pas que l’autre sache ou pas, mais c’est de ne pas reconnaître que l’on sait.

- Ainsi, il s’agit de « punir » (l. 17) le Vidame, donc sa punition doit être proportionnelle à la douleur qu’a ressentie Mme de Thémines lorsqu’elle a été abandonnée et trompée.

- Cette douleur revient sans cesse.

• D’abord en en hyperbate « que j’éprouvais si cruellement » (l. 19) Puis Lafayette oppose en antithèse la « légère douleur » « si je cessais de vous aimer lorsque vous ne m’aimiez plus » à quelque chose de plus fort « il fallait que vous m’aimassiez pour sentir le mal de n’être point aimé » (l. 18,19). Ensuite, le verbe aimer est répété avec tous les modes et tous les temps

l’auteur explique l'exécution du projet et la victoire de Mme de Thémines

- Ici l’épistolière active le couple racinien passion/raison car il s’agit pour elle de contrôler sa passion avec la raison, ce qui est difficile dans une société aristocratique qui a l’art de la dissimulation.

- En effet Lafayette insiste sur ce monde amorale dans le dernier mouvement avec l’hypocrisie et la manipulation qui semblent créent de la joie: « le plaisir de dissimuler » (l. 24) et « j’ai joui de tout le plaisir que peut donner la vengeance » (l. 29,30).

- Plus loin cette passion est illustré premièrement lorsque s’opposent en antithèse « éclater » et « contenance ». Puis deux phrases exclamatives (l. 22,23), ainsi qu’une hyperbole « cent fois à éclater » (l. 23) et un registre pathétique en paires synonymiques : « mes reproches et mes pleurs » (l. 23), « mon trouble et mon affliction » (l. 24) font jaillir son émotion.

- Ainsi, Mme de Thémines triomphe dans une phrase tautologique avec le pléonasme : « je fis tout ce que j’avais eu intention de faire » (l. 28). Cela souligne que le résultat correspond à l’intention de Mme de Thémines.En effet La victoire est totale : il l’aime à nouveau, a rompu avec son autre maîtresse et est dans la position qu’occupait Mme de Thémines quelques temps plus tôt, tout prêt à être abandonné ce qui était la porté performative de la lettre.

- Enfin, très habilement, la dernière phrase glisse du passé composé au présent « dont vous êtes si surpris ». Le dernier mot « surpris » (l. 35) mime l’effet que produira la lettre quand elle sera lue par le vidame. D’ailleurs la lettre, semble interrompue, elle ne s’achève pas par une formule de politesse. C’est littéralement, le dernier mot de Mme de Thémines adressé au Vidame de Chartes.

Conclusion

- Ainsi, suite à l’analyse linéaire de cet extrait de la Princesse de Clèves on conclut que la lettre a une dimension tragique et a pour but d’instruire la Princesse à propos de la concurrence entre l’amour et l’amour-propre, les principes masculins qui rendent impossible toute passion durable et lui donnent le modèle d’un acte héroïque où une femme s’empare du pouvoir dans une relation sentimentale et fixe ses propres conditions ce qui annonce le futur aveu à son mari

- Nous avons reconnu les caractéristiques d’une écriture précieuse qui posent le cadre d’un pouvoir au féminin et correspondent bien au style de Lafayette.

- Néanmoins, dans l’adaptation pour le cinéma de La Princesse de Clèves : La Belle personne de Christophe Honoré la cour est un lycée, et il y a bien une lettre perdue à la Cinémathèque. Le contenu de la lettre n’est pas le même que dans le roman, malgré cela le réalisateur rajoute une strate de signification : la lettre est-elle écrite par un homme ou par une femme ?

Questions de grammaire sur la lettre

Grammaire

- complément de moyen grâce au gérondif « en vous faisant voir que ma passion » (l. 14) et des compléments circonstanciels de but « pour cacher le désordre de mon esprit » (l. 8), « afin d’avoir un prétexte… » (l. 11), « pour résoudre… » (l. 11), « pour jeter dans l’esprit… » (l.15).

- « je ne voulus pas qu’elle eût le plaisir d’apprendre que je savais qu’elle triomphait de moi, ni augmenter son triomphe par mon désespoir et mes reproches. ». suite de subordonnées complétives

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Date de dernière mise à jour : 28/11/2022

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