Commentaire corrigé : Kant, Théorie et pratique, bac de philosophie Washington L 2019

ANNALES BAC DE PHILOSOPHIE WASHINGTON

- ANNEE 2019 -

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Sujet 1

Y a t'-il en nous quelque chose qui échappe à la culture? 

Sujet 2

La perception peut-elle être objective? 

Sujet 3

Commentaire : Kant, Théorie et pratique 

 

Correction du commentaire

Kant, Théorie et Pratique


Thème : l'obéissance aux lois
Problème : un peuple doit-il se révolter contre des lois qui le rendent malheureux ?
Thèse : le peuple doit obéir aux lois dans toutes les situations

Plan :
l. 1-3 : annonce du problème et de la thèse
l. 3-7 : le droit, principe suprême de la communauté
l. 7-14 : l'impossibilité du bonheur comme principe suprême
14-19 : primauté du salut public et liberté individuelle


Annonce du problème et de la thèse

Pour poser le problème qu'il va se proposer de résoudre, Kant imagine un scénario où un peuple est rendu malheureux par les lois auquel il est soumis. Cette situation est celle de la tyrannie, et connaît une acuité et une résonance particulières en 1793, au cours de la Révolution Française et peu après la chute de l'absolutisme en France. L'angle par lequel Kant aborde la question n'est pas celui de l'intérêt du peuple mais de son devoir : « que doit-il faire ? ». Sa position est parfaitement claire : « il n'y a rien d'autre à faire que d'obéir » ; le peuple a le devoir d'obéir aux lois même en situation de tyrannie. Il s'agit pour Kant de défendre une position théorique qui va à rebours du cours de l’histoire.

Le droit, principe suprême de la communauté

Pour Kant, le degré de bonheur du peuple n'entre pas dans la question de son obéissance aux lois ou non. Seul le droit assuré à chaque individu par le maintien de la législation doit être le sujet des préoccupations de la communauté. Ce droit est un « principe suprême » : encadrer l'existence par des lois, et garantir par cela l'ensemble des protections légales (sûreté, propriété, liberté etc) offertes à l'individu, doit être le premier souci de toute communauté. L'argumentation est encore incomplète mais Kant doit d'abord examiner ce qu'il en est de la maxime de bonheur.

L'impossibilité du bonheur comme principe suprême

La position de Kant est la suivante : le bonheur des membres ne peut pas être adopté comme principe de la vie d'une communauté. Son argument est qu'on ne peut tirer de ce principe aucune loi, c'est-à-dire aucune règle « valant universellement » comme ce doit être le cas d'une loi. Trois raisons rendent en effet les éléments constitutifs du bonheur intrinsèquement variables :
les circonstances historiques, qui varient et font varier les conditions d'obtention du bonheur ;
les illusions que chacun se fait sur ce qui le rendra heureux, qui font que chacun change continuellement d'avis sur le lieu où placer son bonheur ;
les désaccords des hommes entre eux, du fait que chaque individu est rendu heureux par des objets différents.
En même temps, on ne peut ordonner à quelqu'un de placer son bonheur dans tel ou tel objet : ce qui fait mon bonheur, en effet, ne dépend pas de ma volonté mais de ma nature ; il n'y a donc pas de contrôle légal possible sur ce que les individus soucieux de leur bonheur recherchent. En un mot, il est impossible de trouver le moindre principe stable et fixe qui pourrait servir de fondement à une législation dont le but serait de rendre les citoyens heureux : le bonheur du peuple est une chose beaucoup trop variable et insaisissable pour cela. Le principe de la vie en communauté, par conséquent de la loi, doit être cherché ailleurs.

Primauté du salut public et liberté individuelle

Ce principe est donc le salut public, c'est-à-dire la sauvegarde d'un ordre entre les citoyens, pour éviter la discorde civile et l'anarchie. C'est lui qui doit être la préoccupation majeure et supérieure à toute autre dans l'organisation de la vie en communauté. Les lois doivent être rédigées selon ce premier principe, et le devoir des citoyens est de le respecter. Or, puisque le salut public consiste précisément en la sauvegarde des lois, il faut obéir aux lois dans tous les cas, même si celles-ci rendent malheureux (car de fait elles ne parviendront jamais à rendre un peuple heureux).

Mais parmi les garanties que la constitution légale offre à l'individu, il y a la liberté : celui-ci est protégé par les lois et la police, et sait qu'il ne sera pas entravé dans ses projets par l'intervention de ses semblables, comme cela menace de se produire à tout instant dans une situation d'anarchie. Si donc le salut public est assuré, il reste à chacun une marge de manœuvre, dans le cadre des lois, pour mettre en œuvre son bonheur de la manière qu'il estime appropriée, pourvu que celui-ci ne fasse pas obstacle à un salut public qui est plus important. Le bonheur n'est pas interdit par les lois, il est limité par deux principes supérieurs et corrélés : celui, au niveau de la communauté, du salut public, et celui, au niveau de l'individu, du droit des co-sujets. Ainsi chaque citoyen peut poursuivre son bonheur dans un vivre-ensemble harmonieux ; cela prime sur l'idée, illusoire, de l'instauration d'une constitution légale qui favoriserait davantage le bonheur de chacun.

 
 

Date de dernière mise à jour : 20/04/2021

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