Dissertation sur une oeuvre et le parcours associé. Exemple,Qui incarne le héros tragique dans Britannicus ? Parcours, la tragédie

LA DISSERTATION PORTANT SUR UNE ŒUVRE ET LE PARCOURS ASSOCIÉ - Exemple : Racine, Britannicus - Parcours « Tragique et tragédie à l’âge classique »

Composition

ce qu'il faut savoir sur la méthodologie de la dissertation.

DISSERTATION PORTANT SUR UNE ŒUVRE ET LE PARCOURS ASSOCIÉ PRÉSENTATION

eduscol.education.fr/ - Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse - Juillet 2019

Attendus

• la compréhension du sens et des enjeux du sujet proposé ;

• un développement pertinent et cohérent, organisé en plusieurs parties, proposant un traitement progressif et argumenté du sujet ;

• une connaissance suffisamment précise de l’œuvre et de ses contextes pour permettre de justifier et d’exemplifier le propos ;

• une expression correcte et juste, au service de la réflexion sur la question posée.

On n’attend pas des élèves en fin de première une maîtrise de l’exercice tel qu’il est pratiqué ou exigé dans l’enseignement supérieur ou dans les concours :

• l’introduction doit certes amener le sujet, en formuler l’enjeu et annoncer la construction du développement, mais elle peut le faire de manière assez brève ;

• le développement de l’argumentation suppose une construction du devoir, mais celle-ci n’est pas nécessairement ternaire : le fait de proposer deux mouvements, ou quatre, si l’ensemble est cohérent et constitue une argumentation claire, ne doit pas être considéré comme un défaut ;

• différents types de plan peuvent être acceptés : le privilège généralement accordé au plan dialectique n’a pas lieu d’être à ce niveau d’études, et un plan analytique, ou progressif convient ;

• la connaissance de l’œuvre est déterminante, en raison de la définition même de l’exercice, mais on considère comme normal que les références prennent des formes diverses – citations, narrations brèves, caractérisations, voire allusions ou indications entre parenthèses..., du moment qu’elles sont justes et servent le développement du propos.

 

Bac 2019

Sujet zéro pour l'épreuve anticipée de français, bac général et bac technologique 

Sujet zéro pour l'épreuve anticipée de français, bac général et technologique- Entra la contraction d'un texte -Épreuve anticipée de français - Voie technologique - Contraction de texte suivie d’un essai Sujet zéro - Voie générale Sujet zéro

Exemple : Racine, Britannicus - Parcours : « Tragique et tragédie à l’âge classique »

  • Vous pouvez aussi consulter un autre exemple
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  • Exemple : Voltaire, Candide – Parcours : les Lumières et l’idée de progrès
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L’introduction

L’exemple rédigé Britannicus est la quatrième tragédie de Racine. Rival de Corneille dans les faveurs du public, le dramaturge entreprend avec cette pièce de se faire reconnaître par la critique qui lui reproche de se limiter aux sujets galants : il fait ainsi le choix de traiter un sujet qui, en sus d’une intrigue amoureuse, laisse place à des enjeux politiques, considérés comme plus nobles. La difficulté est alors pour lui de maintenir une véritable unité de l’action, et le fait est que la pièce semble hésiter entre plusieurs héros, plusieurs centres. Britannicus est-elle la tragédie du « monstre naissant » qu’est Néron ? celle de la « disgrâce d’Agrippine » ? ou « celle de la mort de Britannicus » ? Pour comprendre qui est le héros tragique de la pièce, il faut se demander à quoi renvoie cette expression. C’est bien sûr le personnage principal d’une pièce ; c’est aussi, dans une tragédie classique, celui qui répond aux exigences que formule Aristote ; c’est enfin celui qui est soumis aux lois implacables de la cérémonie tragique. Nous pourrons ainsi prendre appui sur ces caractéristiques pour déterminer qui, de Britannicus, de Néron ou d’Agrippine, peut être considéré comme l’incarnation du héros tragique dans cette tragédie.

Sujet de la dissertation

Qui incarne le héros tragique dans Britannicus ?

Vous répondrez à cette question dans un développement structuré. Votre travail prendra appui sur la pièce de Racine, sur les textes et documents que vous avez étudiés en classe dans le cadre du parcours associé à cette œuvre, et sur votre culture personnelle.

L’exemple commenté

Britannicus est la quatrième tragédie de Racine. Rival de Corneille dans les faveurs du public, le dramaturge entreprend avec cette pièce de se faire reconnaître par la critique qui lui reproche de se limiter aux sujets galants : il fait ainsi le choix de traiter un sujet qui, en sus d’une intrigue amoureuse, laisse place à des enjeux politiques, considérés comme plus nobles

La difficulté est alors pour lui de maintenir une véritable unité de l’action, et le fait est que la pièce semble hésiter entre plusieurs héros, plusieurs centres. Britannicus est-elle la tragédie du « monstre naissant » qu’est Néron ? celle de la « disgrâce d’Agrippine » ? ou « celle de la mort de Britannicus » ?

Pour comprendre qui est le héros tragique de la pièce, il faut se demander à quoi renvoie cette expression. C’est bien sûr le personnage principal d’une pièce ; c’est aussi, dans une tragédie classique, celui qui répond aux exigences que formule Aristote ; c’est enfin celui qui est soumis aux lois implacables de la cérémonie tragique. Nous pourrons ainsi prendre appui sur ces caractéristiques pour déterminer qui, de Britannicus, de Néron ou d’Agrippine, peut être considéré comme incarnation du héros tragique dans cette tragédie.

Le plan ici annoncé n’est pas « dialectique », mais « analytique ». En prenant appui sur deux (ou trois) critères de définition du « héros » de la tragédie, on indique les deux (ou trois) perspectives selon lesquelles on examine la question.

Deux propositions de plan : en deux ou trois parties

Un plan en deux parties

1. Qui est le personnage principal de la pièce ?

La première partie met en place une description objective des équilibres de la pièce, en tentant de voir comment les forces s’y répartissent, d’abord par l’étude de la répartition de la parole, ensuite en considérant la structure de la pièce. Elle pourra s’appuyer sur des cercles de lecture menés avec la classe autour de la distribution de la parole dans la pièce ainsi que sur une étude transversale consacrée à la question des unités de la tragédie (et en particulier de l’unité d’action), enfin sur une étude linéaire de l’exposition de la pièce (I, 1) et de la confrontation amoureuse de Néron et Britannicus devant Junie (III, 8).

a. L’importance du personnage

• Un premier argument, très important, pour réfléchir à la centralité du personnage de la pièce se trouve dans le titre même de cette dernière : si Britannicus s’appelle Britannicus, c’est sans doute que le principal personnage donné à voir et sur qui se concentre l’intérêt dramatique est… Britannicus (on peut mettre cela en perspective avec d’autres pièces de Racine, voire de Corneille). D’ailleurs, dans la préface, Racine semble bien valider cette hypothèse en affirmant que cet « homme […] jeune » est le « héros de la tragédie ».

• Cependant, cet argument et à relativiser au regard de deux éléments non moins importants, qui déplacent le critère de l’intérêt dramatique vers deux autres repères : - le nombre de scènes où les différents personnages de la pièce sont présents : à cet égard, Britannicus est moins important que Néron, lui-même moins important qu’Agrippine ; - la distribution de la parole dans la pièce : Britannicus parle moins que Néron, qui parle lui-même moins qu’Agrippine. On peut même remarquer que, par rapport à ces deux critères, Britannicus intervient moins dans la pièce que Burrhus.

b -Une pièce, mais trois intrigues nouées

• L’unité de la pièce repose d’abord sur une intrigue politique : la question est de savoir qui va atteindre le pouvoir. Or, dès le début de la scène, Britannicus est écarté de ce schéma : c’est donc autour de Néron que se construit cette première intrigue.

• Mais la tragédie est aussi une tragédie amoureuse, où l’intérêt galant nourrit la conduite de l’action. La rivalité amoureuse entre Néron et Britannicus est ainsi un des enjeux décisifs de la pièce pour le spectateur. Là où Britannicus ne pouvait être un personnage décisif de l’intrigue politique, il retrouve une place importante pour la pièce galante

Enfin, et de façon peut-être plus originale, cette pièce repose sur une intrigue familiale complexe : au couple de la mère et du fils (Agrippine et Néron) s’oppose celui du père et du fils (Claude, qui est mort, et Britannicus) ; mais c’est aussi le couple des parents qui est par là mis en tension avec le duo des enfants. Une telle intrigue familiale repose alors sur la recherche d’autonomie, par un enfant, vis-à-vis de ses parents : doit-il leur obéir ? vat-il s’émanciper d’eux ? une telle interrogation apparaît, de façon explicite, dès la première scène. Or, dans une telle perspective, et dès l’exposition, la question se pose davantage pour Néron que pour Britannicus. 

Ainsi la pièce repose sur une concurrence entre plusieurs héros possibles : c’est alors Néron, et peut-être même Agrippine, qui semblent l’emporter sur Britannicus selon le critère que l’on privilégie. Il faut donc reposer la question depuis une autre perspective. Il y a en effet plus dans l’idée de « héros » que dans celle de « personnage principal » : en particulier, dans la tragédie, les règles qui définissent ce genre depuis Aristote permettent de préciser l’analyse. On s’appuie donc ici sur l’idée de « médiocrité », puis sur celle de « catharsis », pour approfondir la réflexion sur le héros tragique. 

2. Qui est le héros selon les règles ?

Cette deuxième partie sera nourrie par un cours sur les règles de la tragédie, ainsi que par les traces que les élèves auront gardées des travaux et activités menés tout au long de l’année leur permettant de faire le point sur leur réaction émotionnelle par rapport à la pièce et à ses principaux personnages ; elle peut aussi prendre appui sur des études linéaires de certains passages.

a. Le héros « médiocre » selon Aristote

• Aristote indique que le bon héros de tragédie sera un personnage qui n’est ni tout à fait bon, ni tout à fait mauvais. C’est cette idée que reprend et discute Racine dans la « Préface de 1670 » de la pièce lorsqu’il dit que le personnage ne doit pas être « parfait » mais doit « toujours avoir quelque imperfection ». Il répond par là à une critique adressée à la pièce qui justifie le sujet : Britannicus pourrait apparaître comme trop bon, et Néron comme trop mauvais, pour faire de bons personnages de tragédie.

• Cette idée d’un personnage complexe se précise encore, chez Aristote, avec l’idée d’un personnage ni tout à fait coupable, ni tout à fait innocent, c’est-à-dire d’un personnage qui fait une erreur ou une faute. Or, à cet égard, la totale innocence de Britannicus ne le qualifie pas davantage que la malignité de Néron pour être un parfait héros de tragédie : l’excès de crédulité propre au personnage du jeune homme suffit-elle à constituer la faute tragique sur laquelle repose l’ensemble de la pièce ? 

b. La terreur et la pitié • D’après Aristote, lu et suivi en cela par les dramaturges de l’époque classique, la tragédie vise à une « catharsis », une « purification », une « purge » des passions que sont la terreur et la pitié. Le bon héros de tragédie apparaît alors comme celui qui permet de remplir le spectateur de ces deux passions. Or, ni Britannicus ni Néron ne permettent l’une et l’autre émotion. L’un semble au fond trop pur, l’autre trop impur, l’un trop victime et l’autre trop bourreau pour que le public puisse goûter parfaitement à travers un seul de ces personnages les émotions propres à la tragédie selon Aristote.

On aurait ainsi une construction de la pièce reposant sur la séparation de ces deux passions : à Britannicus la fonction d’éveiller la pitié (la « compassion », dit Racine) du spectateur, par la représentation des malheurs qui s’abattent injustement sur lui ; à Néron celle de susciter la terreur, parce qu’il est ce personnage de « monstre naissant » dont parle Racine dans la préface de la pièce.

• Mais à observer cette association des personnages avec les émotions de la tragédie, d’autres figures de héros possibles surgissent, dont certaines pourraient rivaliser avec Néron et Britannicus dans le rôle de héros tragiques : on peut penser à Junie, héroïne d’un parfait pathétique, mais elle est avant tout l’enjeu de la rivalité amoureuse entre Néron et Britannicus. Plus centrale dans l’intrigue politique, aveuglée par la passion du pouvoir et assistant impuissante à l’émancipation du monstre naissant, se sachant enfin promise à un destin funeste, Agrippine, terrifiante parce qu’à l’origine du mal et pitoyable parce que vouée à la défaite, pourrait à bon droit recevoir la palme de l’héroïne tragique dans Britannicus. 

La conclusion de la deuxième partie pourrait déjà servir d’aboutissement à la réflexion menée sur le sujet ; dans la mesure où le plan a progressé, de façon claire, vers l’élucidation de la question posée et fait apparaître ses enjeux, et où le travail propose in fine, à partir d’arguments précis (témoignant d’une bonne connaissance de la pièce et d’éléments empruntés à l’histoire littéraire), de considérer qu’Agrippine est la meilleure héroïne tragique de la pièce, les attendus de l’exercice sont déjà satisfaits

 

Un plan en trois parties

La troisième partie proposée ici pourrait compléter le plan précédent, en défendant une autre hypothèse, celle d’un partage de l’héroïsme tragique dans la pièce. 

3. Qui permet à l’action tragique d’avoir lieu ?

Une troisième définition de « héros tragique », plus rigoureuse encore, conduirait cependant à nuancer cette idée en mettant en cause l’idée qu’il y en ait un seul dans la pièce. Pour finir de répondre à la question posée, cette troisième partie reprend donc la définition de « héros tragique » en la rapportant à l’action représentée sur la scène tragique : il faut alors comprendre qui est le sujet de cette action tragique.

Cette troisième partie repose sur un cours général sur la tragédie, sur une étude transversale consacrée aux personnages de la pièce et sur des explications linéaires de certaines scènes, en particulier l’exposition et le dénouement de la tragédie.

a. La tragédie comme univers de passions démesurées

La tragédie représente souvent la chute spectaculaire d’un personnage favorisé par le destin dans une misère pitoyable. À cet égard, parce que la pièce semble conduire au malheur tous ses personnages, elle semble distribuer la fonction de héros tragique aussi bien à Agrippine qu’à Néron et Britannicus. Cette partie peut donc faire l’hypothèse que l’équilibre de la pièce repose sur une pluralité de héros tragiques qui incarnent les différents aspects du tragique.

Chaque personnage en effet semble caractérisé par une passion si grande qu’elle le dévore et le conduit à la limite de sa condition humaine (on retrouverait ainsi l’idée d’hybris souvent attachée à l’univers de la tragédie) : si Britannicus apparaît plutôt raisonnable, il n’en est pas moins dominé par une passion amoureuse qui l’aveugle (III, 8), de même que la machiavélique Agrippine est dominée par une passion du pouvoir qui cause sa perte ; enfin, Néron, qui bascule dans la « fureur » au dénouement, apparaît ivre d’un amour-propre qui fait de lui le monstre de la pièce.

b. Trois morts et une seule tragédie

• Si la mort ne caractérise en rien un héros tragique (certains héros de tragédie restent vivants, et certains personnages de tragédie meurent sans être le héros de la pièce), il est intéressant de remarquer que la mort semble s’imposer – plus ou moins directement – à tous les personnages de la pièce, qui contribuent ainsi tous à l’action de cette machine violente et émouvante qu’est la pièce tragique. Si Britannicus meurt effectivement, Junie se retire du monde des vivants en passant chez les Vestales, Agrippine est promise à la mort par la disgrâce qui l’accable finalement ; et même Néron, dont le dénouement dresse le portrait sous le signe de la folie tragique, la « fureur », semble perdre son identité et par là quitter l’espace de la condition humaine.

• La pièce refuserait donc de se réduire à l’histoire d’un seul héros tragique : parce qu’elle en représente plusieurs, elle met en place une représentation complexe et plurielle de l’humanité. Britannicus soumis au pouvoir transcendant de Rome tenterait en vain de s’en libérer en préférant l’amour ; Agrippine manifesterait la part de calcul par lequel on peut tenter – en vain, dit de façon pessimiste la tragédie – de se jouer des règles du pouvoir politique ; enfin Néron, dominé d’abord par un destin qui prend la figure de sa mère, n’y échappe qu’en basculant dans la plus grande violence et par là en se perdant finalement lui-même

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Date de dernière mise à jour : 04/08/2022

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